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de chasteté et d'obéissance. Cette loi est pro fonde, et si l'on y réfléchit, on verra que tout le génie de Lycurgue est renfermé dans ces trois préceptes.

Dans la règle de S. Benoît, tout est prescrit, jusqu'aux plus petits détails de la vie ; lit, nourriture, promenade, conversation prière. On donnoit aux foibles des travaux plus délicats, aux robustes, de plus pénibles: én un mot, la plupart de ces loix religieuses, décèlent une connoissance incroyable dans l'art de gouverner les hommes. Platon n'a fait que rêver des républiques, sans pouvoir rien exécuter les Augustin, les Basile, les Benoît ont été de véritables législateurs, et les patriarches de plusieurs grands peuples.

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On a beaucoup déclamé dans ces derniers temps, contre la perpétuité des voeux; mais il n'est peut-être pas impossible de trouver en sa faveur, de hautes raisons puisées dans la nature des choses, et dans les besoins mêmes de notre

ame.

L'homme est sur-tout malheureux par son inconstance, et par l'usage de ce libre arbitre, qui fait à-la-fois sa gloire et ses maux, et qui fera sa condamnation. Il flotte de sentiment en sentiment, de pensée en pensée; ses amours ont la mobilité de ses opinions, et ses opinions lui échappent comme ses amours. Cette inquiétude le plonge dans une misère dont il ne

peut sortir, que quand une force supérieure l'attache à un seul objet. On le voit alors porter avec joie sa chaîne; car l'homme infidèle hait pourtant l'infidélité. Ainsi, par exemple, l'artisan est plus heureux que le riche désoccupé, parce qu'il est soumis à un travail impé, rieux, qui ferme autour de lui toutes les voies du desir ou de l'inconstance. La même soumission à la puissance fait le bien-être des enfans, et la loi qui défend le divorce, a moins d'inconvéniens pour la paix des familles, que la loi qui le permet.

Les anciens législateurs avoient reconnu cette nécessité d'imposer un joug à l'homme. Les républiques de Lycurgue et de Minos n'étoient en effet que des espèces de communautés où l'on étoit engagé, en naissant, par des voeux perpétuels. Le citoyen y étoit condamné à une existence uniforme et monotone. Il étoit assujetti à des règles fatigantes, qui s'étendoient jusques sur ses repas et ses loisirs ; il ne pou voit disposer ni des heures de sa journée, ni des âges de sa vie : on lui demandoit un sacrifice rigoureux de ses goûts; il falloit qu'il aimât qu'il pensât, qu'il agît d'après la loi; en un mot, on lui avoit retiré sa volonté, pour le rendre heureux,

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Le vœu perpétuel, c'est-à-dire la soumission à une règle inviolable, loin de nous plonger dans l'infortune, est donc au contraire une dis

position favorable au bonheur; sur-tout quand ċe vœu n'a d'autre but que de nous défendre contre les illusions du monde, comme dans les ordres monastiques. Les passions ne se soulèvent guères dans notre sein, avant notre vingtième année; à quarante ans elles sont déja éteintes ou détrompées : ainsi le serment indissoluble nous prive tout au plus de quelques années de desirs, pour faire ensuite la paix de toute notre vie, pour nous arracher aux regrets ou aux remords, le reste de nos jours. Or, si vous mettez en balance les maux qui naissent des passions, avec le peu de momens de joie qu'elles vous donnent, vous verrez que le vœu perpétuel est encore un grand bien; même dans les plus beaux instans de la jeunesse.

Supposons d'ailleurs qu'une religieuse pût sortir de son cloître à volonté; nous demandonssi cette femme seroit heureuse ? Quelques années de retraite auroient renouvellé pour elle la face de la société. Au spectacle du monde, si nous détournons un moment la -tête, les décorations changent, les palais s'évanouissent, et lorsque nous reportons les yeux sur la scène, nous n'appercevons plus que des déserts et des acteurs inconnus.

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On verroit incessamment la folie du siècle entrer par caprice dans les couvens, et en sortir par caprice. Les cœurs agités ne seroient plus assez long-temps auprès des cœurs pai

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sibles, pour prendre quelque chose de leur repos, et les cœurs sereins auroient bientôt perdu leur calme, dans le commerce des cœurs troublés. Au lieu de promener en silence leurs chagrins passés dans les abris du cloître, les malheureux iroient se racontant leurs naufrages. Femme du monde, femme de la solitude, l'infidèle épouse de Jésus-Christ ne seroit propre ni à la solitude, ni au monde : ce flux et reflux des passions, ces vœux tour-à-tour rompus et formés, banniroient des monastères toute paix, toute subordination, toute décence; et ces retraites sacrées, loin d'offrir un port assuré à nos inquiétudes, ne seroient plus que des lieux où nous viendrions pleurer un moment l'inconstance des autres, et méditer nous-mêmes des inconstances nouvelles.

Mais ce qui rend le vœu perpétuel de la religion bien supérieur à l'espèce de vœu politique du Spartiate et du Crétois; c'est qu'il vient de nous-mêmes, qu'il ne nous est imposé par personne, et qu'il présente au cœur une compensation immense pour ces amours terrestres que l'on sacrifie. Il n'y a rien que de grand dans cette alliance d'une ame immortelle avec le principe eternel; ce sont deux natures qui se conviennent et qui s'unissent. Il est sublime de voir l'homme né libre, chercher en vain son bonheur dans sa volonté, puis (fatigué de ne rien trouver ici - bas qui

soit digne de lui) se jurer d'aimer à jamais l'Etre suprême, et se créer, comme Dieu, dans son propre serment, une Nécessité.

CHAPITRE V.

TABLEAU DES MOEURS ET DE LA VIE RELIGIEUSE.

Moines Cophtes, Maronites, etc.

MAIS venons au tableau de la vie religieuse, et posons d'abord un principe. Par-tout où se trouve beaucoup de mystère, de solitude, de contemplation, de silence; beaucoup de pensées de Dieu, beaucoup de choses vénérables dans les costumes, les usages et les mœurs ; là se doit trouver une abondance de toutes les sortes de beautés. Si cette observation est juste, on va voir qu'elle s'applique merveilleusement au sujet que nous traitors..

Remontons encore aux solitaires de la Thébaïde. Ils habitoient de petites cellules appelées. laures, et portoient, comme leur fondateur Paul, des robes de feuilles de palmiers; d'autres étoient vêtus de cilices tissus de poil de gazelle; quelques uns, comme le solitaire Zénon, jetoient seulement sur leurs épaules la dépouille de bêtes sauvages, et l'anachorète Séraphion marchoit enveloppé du linceuil

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