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mourant! quelle sorte de haute philosophie ! quel avertissement pour les hommes ! Etendu sur un peu de paille et de cendre dans le sanctuaire de l'église ses frères rangés en silence autour de lui, il les appelle à la vertu, tandis que la cloche funèbre sonne ses dernières agonies. Ce sont ordinairement les vivans qui engagent, l'infirme à quitter courageusement la vie ; mais ici c'est une chose plus sublime, c'est le mourant qui parle de la mort. Aux portes de l'éternité, il la doit mieux connoître qu'un autre, et d'une voix qui résonne déja entre des ossemens, il appelle avec autorité ses compagnons, ses supérieurs même à la pénitence. Qui ne frémiroit, en voyant ce religieux qui vécut d'une manière si sainte, douter encore de son salut à l'approche du passage terrible? Le christianisme a tiré du fond du sépulcre toutes les moralités qu'il renferme. C'est par la mort que la morale est entrée dans la vie; si l'homme, tel qu'il est aujourd'hui après sa chûte, fut demeuré immortel, peut-être n'eût-il jamais connu la vertu.

Ainsi s'offrent de toutes parts dans la religion les scènes les plus instructives ou les plus attachantes: là, de saints muets, comme un peuple enchanté par un filtre, accomplissent, sans paroles, les joyeux travaux des moissons et des vendanges; ici les filies de Claire foulent de leurs pieds blancs et nuds les tombes gla

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cées de leur cloître. Ne croyez pas toutefois qu'elles soient malheureuses au milieu de leurs austérités; leurs cœurs sont purs, et leurs et leurs yeux tournés vers le ciel, en signe de desir et d'espérance. Une robe de laine grise est préférable à des habits somptueux, achetés au prix des vertus; le pain de la charité est plus sain que celui de la prostitution. Eh! de combien de chagrins ce simple voile baissé entre ces filles et lé inonde, ne les sépare-t-il pas !

En vérité, nous sentons qu'il nous faudroit un tout autre talent que le nôtre, pour nous tirer dignement des objets qui se présentent à nos yeux. Le plus bel éloge que nous pourrions faire de la vie monastique, seroit de présenter le catalogue des travaux auxquels elle s'est consacrée. La religion, laissant à notre cœur le soin de nos joies, comme une tendre mère ne s'est mêlée que du soulagement de nos douleurs; mais dans cette œuvre immense et difficile, elle a appelé tous ses fils et toutes ses filles à son secours. Aux uns, elle a confié le soin de nos maladies, comme à cette multitude de religieux et de religieuses, dévoués au service des hôpitaux; aux autres, elle a délégué les pauvres, comme aux saintes dames de la Charité. Le père de la Rédemption s'embarque à Marseille; où va-t-il seul ainsi avec son breviaire et son bâton? Ce conquérant marche à la délivrance de l'humanité, et les armées qui

l'accompagnent sont invisibles. La bourse de la charité à la main, il court affronter la peste, le martyre et l'esclavage. Il aborde le dey d'Alger, il lui parle, au nom de ce Roi céleste dont il est l'ambassadeur. Le Barbare s'étonne à la vue de cet étrange Européen, qui ose seul à travers les mers et les orages, venir lui redemander des captifs ; dompté par une force inconnue, il accepte l'or qu'on lui présente. L'héroïque libérateur, satisfait d'avoir rendu des malheureux à leur patrie, obscur et ignoré, reprend humblement à pied le chemin de son

monastère.

Par-tout c'est le même spectacle: le missionnaire qui part pour la Chine, rencontre au port le missionnaire qui revient glorieux et mutilé, du Canada; la soeur-grise court administrer l'indigent dans sa chaumière, le père capucin vole à l'incendie, le frère hospitalier lave les pieds du voyageur, le frère du bien mourir console l'agonisant sur sa couche, le frère enterreur porte le corps du pauvre décédé, la dame de la charité monte au septième étage pour prodiguer l'or, le vêtement, et l'espérance; ces filles si justement appelées Filles-Dieu, portent et reportent çà et là les bouillons, la charpie, les remèdes; la fille du Bon-Pasteur tend les bras à la fille prostituée, et lui crie: Je ne suis point venue pour appeler les justes, mais les pécheurs ! L'orphelin trouve un père,

l'insensé un médecin, l'ignorant un instructeur. Tous ces ouvriers en œuvres célestes, se précipitent, s'animent les uns les autres. Cependant la religion attentive, et tenant une couronne immortelle, leur crie: « Courage, mes >> enfans! courage! hâtez-vous, soyez plus »prompts que les maux dans la carrière de la » vie! méritez cette couronne que je vous pré>> pare; elle vous mettra vous-mêmes à l'abri de ». tous maux et de tous besoins. »

Au milieu de tant de tableaux, qui mériteroient chacun des volumes de détails et de louanges; sur quelle scène particulière arrêterons-nous nos regards? Nous avons déja parlé de ces hôtelleries, que la religion a placées dans les solitudes des quatre parties du monde; fixons donc à présent les yeux sur des objets d'une autré sorte.

Il y a des gens pour qui le seul nom de capucin est un objet de risée. Quoi qu'il en soit, un religieux de l'ordre de S. François étoit souvent un personnage noble et simple. Qui de nous n'a vu un couple de ces hommes vénérables, voyageant dans les campagnes, ordinairement vers la fête des Morts, à l'approche de l'hiver, au temps de la quête des vignes? Ils s'en alloient, demandant l'hospitalité dans les vieux châteaux sur leur route. A l'entrée de la nuit, les deux pélerins arrivoient chez le châtelain solitaire, ils montoient un antique

perron, mettoient leurs longs bâtons et leurs besaces derrière la porte, frappoient au portiqué sonore, et demandoient l'hospitalité.Si le maître refusoit ces hôtes du Seigneur, ils faisoient un profond salut, se retiroient en silence, reprenoient leurs besaces et leurs bâtons, et secouant la poussière de leurs sandales, s'en alloient, à travers la nuit, chercher la cabane du laboureur. Si, au contraire, ils étoient reçus, après qu'on leur avoit donné à laver à la façon des temps de Jacob et d'Homère, ils venoient s'asseoir au foyer hospitalier. Comme aux siècles antiques, afin de se rendre les maîtres favorables, (et parce que, comme Jésus-Christ, ils aimoient aussi les enfans) ils commençoient par caresser ceux de la maison; ils leur présentoient des reliques et des images. Les enfans qui s'étoient d'abord enfuis tout effrayés, bientôt attirés par ces merveilles, se familiarisoient jusqu'à se jouer entre les genoux des bons religieux. Le père et la mère, avec un sourire d'attendrissement, contemploient ces scènes naïves, et l'intéressant contraste entre la gracieuse jeunesse de leurs enfans, et la vieillesse chenue de leurs hôtes.

Or, la pluie et le coup de vent des morts battoient au-dehors les bois dépouillés, les cheminées, les crénaux du château gothique; la chouette crioit sur ses faîtes. Auprès d'un large brasier, la famille se mettoit à table: le

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