Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

cables, traverser des fleuves dangereux, gravir des rochers inaccessibles; il falloit affronter des nations cruelles, superstitieuses et jalouses; surmonter dans les unes toutes les ignorances de la barbarie, dans les autres tous les préjugés de la civilisation; tant d'obstacles ne les arrêtèrent point. Du moins ceux qui ne croient plus à la religion de leurs pères, conviendront que si le missionnaire est fermement persuadé qu'il n'y a de salut que dans la religion chrétienne; l'acte par lequel il se condamne à des maux inouis, pour sauver un idolâtre, est audessus de toutes les sortes de dévouement.

Qu'un homme à la vue de tout un peuple, sous les yeux de ses parens et de ses amis, s'expose à la mort pour sa patrie; il échange quelques jours de vie, pour des siècles de gloire ; il illustre sa famille, il l'élève aux richesses et aux honneurs. Mais le missionnaire dont la vie se consume au fond des bois, qui meurt d'une mort affreuse, sans spectateurs, sans applaudissemens, sans avantages pour les siens; obscur, méprisé, traité de fou, d'absurde, de fanatique, et tout cela pour donner un bonheur éternel à un Sauvage inconnu de quel nom faut-il appeler cette mort, ce sacrifice?

Diverses congrégations religieuses se consacroient aux missions: les Dominicains, tout l'ordre de S. François, les Jésuites et les prêtres des Missions étrangères.

Il y avoit quatre sortes de missions.

Les missions du Levant, qui comprenoient l'Archipel, Constantinople, la Syrie, l'Arménie, la Crimée, l'Ethiopie, la Perse et l'Egypte.

Les missions de l'Amérique, commençant à la baie d'Hudson, et remontant par le Canada, la Louisianne, la Californie, les Antilles et la Guyanne, jusqu'aux fameuses réductions, ou peuplades du Paraguay.

Les missions de l'Inde, qui renfermoient l'Indostan, la presqu'île en-deçà et au-delà du Gange, et qui s'étendoient jusqu'à Manille et aux Nouvelles-Philippines.

Enfin, les missions de la Chine, auxquelles se joignoient celles du Tong-King, de la Cochinchine et du Japon.

On comptoit de plus quelques églises en Island et chez les Nègres de l'Afrique; mais elles n'étoient pas régulièrement suivies. Des ministres presbytériens ont tenté dernièrement, sans succès, de prêcher l'évangile à Otaïti.

Lorsque les Jésuites firent paroître cette précieuse correspondance, connue sous le nom de Lettres édifiantes, elle fut citée, recherchée par tous les auteurs. On s'appuyoit de son autorité, et les faits qu'elle contenoit étoient regardés comme indubitables; mais bientôt la mode vint de décrier ce qu'on avoit admiré. Ces lettres étoient écrites par des prêtres chré

tiens; pouvoient-elles valoir quelque chose? On ne rougit pas de préférer, ou plutôt de feindre de préférer, aux voyages des Dutertre et des Charlevoix, ceux d'un baron de la Hontan, ignorant et infidèle. Des savans, qui avoient été à la tête des premiers tribunaux de la Chine, qui avoient passé trente et quarante années à la cour même des empereurs, qui parloient et écrivoient la langue du pays, qui fréquentoient les petits, qui vivoient familièrement avec les grands, qui avoient parcouru, vu et étudié en détail les provinces, les mœurs, la religion et les loix de ce vaste empire; ces savans, dont les travaux nombreux ont enrichi les mémoires de l'Académie des Sciences, se virent traiter d'imposteurs par un homme qui n'étoit pas sorti du quartier des Européens à Canton, qui ne savoit pas un mot de Chinois, et dont tout le mérite consistoit à contredire grossièrement les récits des missionnaires. On sait tout cela aujourd'hui, et l'on rend enfin une tardive justice aux Jésuites. De grandes ambassades, faites à grands frais par des nations puissantes, nous ont elles appris quelque chose que les Duhald et les le Comte nous eussent laissé ignorer, ou bien ont elles révélé quelques mensonges de ces pères ?

En effet, un missionnaire doit être un excellent yoyageur. Obligé de parler la

[ocr errors]

langue des peuples où il prêche l'évangile, de se conformer à leurs usages, de vivre longtemps avec toutes les classes de la société, de chercher à pénétrer dans les palais et dans les chaumières; n'eût-il reçu de la nature aucun génie, il parviendroit encore à recueillir une multitude de faits précieux. Au contraire l'homme qui passe rapidement avec un interprète, qui n'a ni le temps, ni la volonté de s'exposer à mille périls, pour apprendre le secret des mœurs; cet homme eût-il tout ce qu'il faut pour bien voir et pour bien observer, ne peut toutefois acquérir que des connoissances très-superficielles, sur des peuples qui ne font que rouler, et disparoître à ses yeux.

Le Jésuite avoit encore l'avantage d'une éducation savante sur le voyageur ordinaire.. Il est très-curieux de voir ce que les supérieurs exigeoient des élèves qui se destinoient aux missions. Pour le Levant, il falloit savoir le grec, le cophte, l'arabe et le turc, et posséder quelques connoissances en médecine; pour l'Inde et la Chine, on vouloit des astronomes, des mathématiciens, des géographes, des mé chaniciens; l'Amérique étoit réservée aux naturalistes (1). Et à combien de saints déguisemens, de pieuses ruses, de changemens de

(1) Voyez les Lettres édifiantes, et l'ouvrage de Fleury sur les qualités nécessaires à un missionnaire.

vie et de mœurs n'étoit-on pas obligé d'avoir recours pour annoncer la vérité aux hommes ! A Maduré, le missionnaire prenoit l'habit du pénitent Indien , s'assujettissoit à tous ses usages, se soumettoit à toutes ses austérités si rebutantes, ou si puériles qu'elles fussent; à la Chine, il devenoit mandarin et lettré; chez l'Iroquois, il se faisoit chasseur et sauvage.

Presque toutes les missions Françoises furent établies par Colbert et Louvois, qui comprirent de quelle ressource elles seroient pour les arts, les sciences et le commerce. Les pères Fontenay, Tachard, Gerbillon, le Comte, Bouvet et Visdelou furent envoyés aux Indes par Louis XIV: ils étoient tous mathématiciens, et le roi les fit recevoir de l'Académie des Sciences, avant leur départ.

Le père Brédevent, connu par sa dissertation physico-mathématique, mourut malheureusement en parcourant l'Ethiopie; mais on joui d'une partie de ses travaux le père Sicard visita l'Egypte, avec des dessinateurs que lui avoit fournis M. de Maurepas. It acheva un grand ouvrage, sous le titre de Description de l'Egypte ancienne et moderne. Par une fatalité singulière, ce manuscrit précieux, déposé à la maison professe des Jésuites, fut dérobé, sans qu'on n'en ait jamais pu découvrir aucune trace. Personne sans doute ne

« ZurückWeiter »