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CHAPITRE II Į.

Missions de la Chine.

DEUX religieux de l'ordre de S. François, l'un Polonois, et l'autre François de nation, furent les premiers Européens qui pénétrèrent à la Chine, vers le milieu du douzième siècle. Marc Paole, Vénitien, et Nicolas et Matthieu Paole, de la même famille, y firent ensuite deux voyages. Les Portugais ayant découvert la route des Indes, s'établirent à Macao; et le père Ricci, de la congrégation de Jésus, résolut de pénétrer dans ce vaste empire du Cathai, dont on racontoit tant de merveilles. Il s'appli qua d'abord à l'étude de la langue chinoise l'une des plus difficiles connues. Son ardeur emporta tous les obstacles, et après bien des dangers et plusieurs refus, il obtint des magistrats Chinois, en 1682, la permission de s'établir à Choachen.

Le père Ricci, élève de Cluvius et luimême très-habile en mathématique, se fit, à l'aide de cette science, des protecteurs parmi les mandarins. Il quitta l'habit des bonzes, et prit celui des lettrés. Il donnoit des leçons de géométrie où il mêloit avec art les leçons plus précieuses de la morale chrétienne. Il passa successivement à Choa-chen, Nemchan, Pékin,

Nankin; tantôt maltraité, tantôt reçu avec. joie; opposant à tous les revers une patience invincible, et ne perdant jamais l'espérance de faire fructifier la parole de JésusChrist. Enfin, l'empereur lui-même, charmé des vertus et des connoissances du missionnaire, lui permit de résider dans la capitale, et lui accorda, ainsi qu'aux compagnons de ses travaux, plusieurs privilèges. Les Jésuites mirent une grande discrétion dans leur conduite, et montrèrent une connoissance profonde du cœur humain. Ils respectèrent les usages des Chinois, et s'y conformèrent, en tout ce qui ne blessoit pas absolument les loix évangéliques. Ils furent traversés de tous côtés :

bientôt la jalousie, dit M. de Voltaire » corrompit les fruits de leur sagesse, et cet esprit d'inquiétude et de contention attaché » en Europe aux connoissances et aux talens, » renversa les plus grands desseins (1).»

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Ricci suffisoit à tout. Il répondoit aux accusations de ses ennemis en Europe; il veilloit aux églises naissantes de la Chine; il donnoit des leçons de mathématiques; il écrivoit en chinois des livres de controverse, contre les Lettrés qui l'attaquoient; il cultivoit l'amitié de l'empereur, et se ménageoit à la cour où sa politesse le faisoit aimer des

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(1) Essai sur les Mours, tom. IV, chap. 195, p. 283.

grands. Tant de fatigues abrégèrent ses jours: Il termina à Pékin une vie de cinquante-sept années, dont la moitié avoit été consumée dans les travaux de l'apostolat.

Après la mort du père Ricci, sa mission fut interrompue par les révolutions qui arrivèrent à la Chine. Mais lorsque l'empereur Tartare Cun-chi monta sur le trône, il nomma le père Adam Schall, président du tribunal des mathématiques. Cun-chi mourut, et pendant la minorité de son fils Cang-hi, la religion chrétienne fut exposée à de nouvelles persécutions.

A la majorité de l'empereur, le calendrier se trouvant dans une grande confusion, il fallut rappeler les missionnaires. Le jeune prince s'attacha au père Verbiest, successeur du père Schall. Il fit examiner le christianisme par le tribunal des états de l'empire, et minuta de sa propre main le mémoire des Jésuites. Les juges, après un mûr examen, déclarèrent que la religion chrétienne étoit bonne, qu'elle ne contenoit rien de contraire à la pureté des mœurs, et à la prospérité des empires.

Il étoit digne des disciples de Confucius de prononcer une pareille sentence en faveur de la loi de Jésus-Christ. Peu de temps après ce décret, le père Verbiest appela de Paris ces savans Jésuites, qui ont porté l'honneur du nom François, jusqu'au centre de l'Asie.

Le Jésuite qui partoit pour la Chine s'armoit

du télescope et du compas. Il paroissoit à la cour de Pékin, avec toute l'urbanité de la cour de Louis XIV, et environné du cortège des sciences et des arts. Il apprenoit aux mandarins étonnés, et le véritable cours des astres, et le véritable nom de celui qui les dirige dans leurs orbites. Tournant des globes, déroulant des cartes, traçant des sphères, il cachoit sous cet appareil matériel de l'univers, le grand monde spirituel qui le soutient. Il ne dissipoit les erreurs de la physique que pour attaquer celles de la morale; il replaçoit dans le cœur, comme dans son véritable siège, la simplicité qu'il bannissoit de l'esprit ; inspirant à-la-fois , par ses mœurs et son savoir, une profonde vénération pour son Dieu, et une haute estime pour sa patrie.

Il étoit beau pour la France, de voir ses simples religieux régler à la Chine les fastes d'un grand empire. On se proposoit des questions, de Pékin à Paris: la chronologie, l'astronomie, l'histoire naturelle, étoient autant de sujets de discussions curieuses et savantes. Les livres chinois étoient traduits en françois, les françois en chinois. Le père Parennin, dans sa lettre adressée à Fontenelle, écrivoit à l'Académie des Sciences :

Messieurs,

<< Vous serez peut-être surpris que je vous

» envoie de si loin un traité d'anatomie, un » cours de médecine, et des questions de

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physique écrites en une langue qui sans doute > vous est inconnue; mais votre surprise ces» sera, quand vous verrez que ce sont vos propres ouvrages que je vous envoie habillés » à la Tartare (1). »

כל

Il faut lire d'un bout à l'autre cette lettre où respire ce ton de politesse et ce style des honnêtes-gens, presque entièrement oublié de nos jours. « Le Jésuite nommé Parennin, dit » M. de Voltaire, homme célèbre par ses » connoissances, et par la sagesse de son carac»tère, qui parloit très bien le chinois et le » tartare. . . . . C'est lui qui est principale>>ment connu parmi nous, par les réponses »sages et instructives sur les sciences de la » Chine, aux difficultés savantes d'un de nos » meilleurs philosophes (2).

כל .

En 1711, l'empereur de la Chine donna aux Jésuites trois inscriptions qu'il avoit composées lui-même, pour une église qu'ils faisoient élever à Pékin. Celle du frontispice portoit :

« Au vrai principe de toute chose. » Pour l'une des deux colonnes du péristile, on lisoit :

<<< Il est infiniment bon et infiniment juste ;

(1) Lett. éd. tom. XIX, p. 257.

(2) Siècle de Louis XIV, chap. 39, tom. II, p. 343.

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