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une plus grande portion du champ commun; ainsi une sage économie avoit tourné les défauts même de ces hommes innocens, au profit de la prospérité publique.

On avoit soin de marier les jeunes gens de bonne heure, pour éviter le libertinage. Les femmes, qui n'avoient point d'enfans, se retiroient, pendant l'absence de leurs maris, à une maison particulière appelée Maison du Refuge. Les deux sexes étoient à-peu-près séparés comme dans les républiques grecques; ils avoient des bancs distincts à l'église, et des portes différentes, par où ils sortoient, sans se confondre.

Tout étoit réglé, jusqu'à l'habillement qui convenoit à la modestie, sans nuire aux grâces. Les femmes portoient une simple tunique blanche, rattachée par une ceinture; leurs bras et leurs jambes étoient nuds; elles laissoient flotter leur chevelure, qui leur servoit de voile.

Les hommes étoient vêtus comme les anciens Castillans. Lorsqu'ils alloient au travail, ils couvroient ce noble habit d'un sarrau de toile blanche. Ceux qui s'étoient distingués par des traits de courage ou de vertu, portoient un sarrau de couleur de pourpre.

Les Espagnols, et sur-tout les Portugais du Bresil, faisoient des courses sur les terres de Ja république chrétienne, et enlevolent tous les

jours quelques malheureux qu'ils réduisoient en servitude. Résolus de mettre fin à ce brigandage, les Jésuites, à force d'habileté, obtinrent de la cour de Madrid, la permission d'armer leurs néophytes. Ils se procurèrent des matières premières, établirent des fonderies de canon des manufactures de poudre, et dressèrent à la guerre ceux qu'on ne vouloit pas laisser en paix. Une milice régulière s'assembla tous les lundis, pour manœuvrer et passer la revue devant un cacique : il y avoit des prix pour les archers, les porte-lances, les frondeurs, les artilleurs, les mousquetaires. Quand les Portugais revinrent, au lieu de quelques laboureurs timides et dispersés, ils trouvèrent des bataillons qui les taillèrent en pièces, et les chassèrent jusqu'au pied de leurs forts. On remarqua que la nouvelle troupe ne reculoit jamais, et qu'elle se rallioit, sans confusion, sous le feu de l'ennemi. Elle avoit même une telle ardeur, qu'elle s'emportoit dans ses exercices militaires, et l'on étoit souvent obligé de les interrompre, de peur de quelque malheur.

On voyoit ainsi au Paraguay, un état qui n'avoit ni les dangers d'une constitution toute guerrière, comme celle des Lacédémoniens ni les inconvéniens d'une société toute pacifique, comme la fraternité des Quakers. Le grand problême politique étoit résolu : l'agri

culture qui fonde, et les armes qui conser vent, se trouvoient réunis. Les Guarinis étoient cultivateurs sans avoir d'esclaves, et guerriers sans être féroces; immenses et sublimes avantages qu'ils devoient à la religion chrétienne, et dont'n'avoient pu jouir, sous le polythéisme, ni les Grecs, ni les Romains.

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Ce sage milieu étoit par-tout observé : la république chrétienne n'étoit point absolument agricole, ni tout-à-fait tournée à la guerre, ni privée entièrement des lettres et du commerce: elle avoit un peu de tout, mais sur tout des fêtes en abondance. Elle n'étoit ni morose comme Sparte ni frivole comme Athènes; le citoyen n'étoit ni accablé par le travail, ni enchanté par le plaisir. Enfin les missionnaires, en bornant la foule aux premières nécessités de la vie, avoient su distinguer dans le troupeau, les enfans que la nature avoit marqués pour de plus hautes destinées. Ils avoient, comme le conseil de Platon, mis à part ceux qui annonçoient du génie, afin de les initier dans les sciences et les lettres. Ces enfans choisis s'appeloient la Congrégation; ils étoient élevés dans une espèce de séminaire, et soumis à toute la rigidité du silence, de la retraite et des études des disciples de Pythagore. Il régnoit entre eux une si grande émulation, que la seule menace d'être renvoyé aux écoles communes, jetoit un élève dans le désespoir.

C'étoit de cette troupe excellente que devoient sortir un jour les prêtres, les magistrats et les héros de la patrie.

Les bourgades des réductions occupaient un assez grand terrain, généralement au bord d'un fleuve et sur un beau site. Toutes les maisons étoient uniformes, à un seul étage et bâties en pierres ; les rues étoient larges et tirées au cordeau. Au centre de la bourgade se trouvoit la place publique, formée par l'église, la maison des Pères, l'arsenal, le grenier commun, la maison de refuge, et l'hospice pour les étrangers. Les églises étoient fort belles et fort ornées; des tableaux séparés par des festons de fleurs et de verdure naturelle en couvroient les murs. Les jours de fêtes on répandoit des eaux de senteur dans la nef, et le sanctuaire étoit jonché de fleurs de lianes effeuillées.

Le cimetière, placé derrière le temple, formoit un grand quarré long, environné de murs à hauteur d'appui. Une allée de palmiers et de cyprès, régnoit tout autour, et il étoit coupé. dans sa longueur par d'autres allées de citronniers et d'orangers: celle du milieu conduisoit à une chapelle, où l'on célébroit, tous les lundis, une messe ponr les morts.

Des avenues des plus beaux et des plus grands arbres, partoient de l'extrémité des rues du hameau, et alloient aboutir à d'autres

chapelles, bâties dans la campagne, et qu'on voyoit en perspective: ces monumens religieux servoient de termes aux processions, les jours de grandes solemnités.

Le dimanche, après la messe, on faisoit les fiançailles et les mariages ; et le soir on baptisoit les catéchumènes et les enfans.

Ces baptêmes se faisoient comme dans la primitive église, par les trois immersions, les chants et le vêtement de lin.

Les principales fêtes de la religion s'annonçoient par une pompe extraordinaire. La veille on allumoit des feux de joie, les rues étoient illuminées, et les enfans dansoient sur la place publique. Le lendemain, à la pointe du jour, la milice paroissoit revêtue de toutes ses armes. Le cacique de guerre qui la précédoit, étoit monté sur un cheval superbe, et marchoit sous un dais, que deux cavaliers portoient à ses côtés. A midi, après l'office divin, on faisoit un festin aux étrangers, s'il s'en trouvoit quelques-uns dans la république, et l'on' avoit la permission de boire un peu de vin. Le soir, il y avoit des courses de bagues, où les deux pères assistoient, pour distribuer les prix aux vainqueurs ; à l'entrée de la nuit, ils donnoient le signal de la retraite, et toutes les familles, heureuses et paisibles, alloient goûter les douceurs du sommeil.

Au centre de ces forêts sauvages, au milieu

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