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de ce petit peuple antique, la fête du SaintSacrement présentoit sur tout un spectacle extraordinaire. Les Jésuites y avoient introduit les danses, à la manière des Grecs, parce qu'il n'y avoit rien à craindre pour les mœurs, chez des chrétiens d'une si grande innocence. Nous ne changerons rien à la description que le père Charlevoix en a faite.

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« J'ai dit qu'on ne voyoit rien de précieux » à cette fête; toutes les beautés de la simple » nature sont ménagées avec une variété qui » la représente dans son lustre : elle y est » même, si j'ose ainsi parler, toute vivante ; » car sur les fleurs et les branches des arbres, » qui composent les arcs de triomphe, sous » lesquels le Saint-Sacrement passe, on voit » voltiger des oiseaux de toutes les couleurs, » qui sont attachés par les pattes, à des fils si » longs, qu'ils paroissent avoir toute leur li»berté, et être venus d'eux-mêmes, pour » mêler leur gazouillement au chant des musi>>ciens et de tout le peuple, et bénir, à leur » manière, celui dont la providence ne leur » manque jamais.

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« D'espace en espace on voit des tigres et » des lions bien enchaînés, afin qu'ils ne troublent point la fête, et de très-beaux poissons qui se jouent dans de grands bassins remplis » d'eau ; en un mot, toutes les espèces de

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» créatures vivantes y assistent, comme par députation, pour y rendre hommage à » l'Homme-Dieu, dans son auguste sacrement.

« On fait entrer aussi dans cette décoration » toutes les choses dont on se régale dans » les grandes réjouissances, les prémices de » toutes les récoltes pour les offrir au Sei» gneur, et le grain qu'on doit semer, afin » qu'il donne sa bénédiction. Le chant des >> oiseaux, le rugissement des lions, le frémis»sement des tigres, tout s'y fait entendre sans >> confusion, et forme un concert unique.

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« Dès le Saint-Sacrement est rentré » dans l'Eglise, on présente aux missionnaires » toutes les choses comestibles qui ont été

exposées sur son passage. Ils en font porter » aux malades tout ce qu'il y a de meilleur, » le reste est partagé à tous les habitans de la bourgade. Le soir, on tire un feu d'artifice, >> ce qui se pratique dans toutes les grandes » solemnités, et au jour des réjouissances publiques.

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Avec un gouvernement si paternel, et si analogue au génie simple et pompeux du Sauvage, il ne faut pas s'étonner que les nouveaux chrétiens fussent les plus purs et les plus heureux des hommes. Le changement de leurs mœurs étoit un miracle opéré à la vue de tout le

Nouveau-Monde. Cet esprit de cruauté et de vengeance, cet abandon aux vices les plus grossiers, qui caractérisent les hordes indiennes, s'étoient transformés en un esprit de douceur, de patience et de chasteté. On jugera de leurs vertus par l'expression naïve de l'évêque de Buenos-Ayrès: « Sire, écrivoit-il à Philippe V, » dans ces peuplades nombreuses, composées' » d'Indiens, naturellement portés à toutes sor»tes de vices, il règne une si grande inno»cence, que je ne crois pas qu'il s'y commette » un seul péché mortel. »

Chez ces sauvages chrétiens, on ne voyoit, ni procès, ni querelle; le tien et le mien n'y étoient pas même connus; car, comme l'observe Charlevoix, c'est n'avoir rien à soi que d'être toujours disposé à partager le peu qu'on a avec ceux qui sont dans le besoin. Abondamment pourvus des choses nécessaires à la vie; gouvernés par les mêmes hommes qui les avoient tirés de la barbarie, et qu'ils regardoient, à juste titre, comme des espèces de divinités; goûtant dans leurs familles et dans leur patrie, les plus doux sentimens de la nature; connoissant les avantages de la vie civile, sans avoir quitté le désert ; et les charmes de la société, sans avoir perdu ceux de la solitude; ces Indiens se pouvoient vanter de jouir d'un bonheur qui n'avoit point eu d'exemple sur la terre. L'hospitalité, l'amitié, la justice, et les tendres vertus, découloient tout M..

naturellement de leurs cœurs, à la parole de la religion, comme des oliviers laissent tomber leurs fruits mûrs au souffle des brises. Muratori a peint d'un seul mot cette république chrétienne, en intitulant la description qu'il en a faite Il christianesimo felice.

Il nous semble qu'on n'a qu'un sentiment en lisant cette histoire ; c'est le desir de passer les mers, et d'aller, loin des troubles et des révolutions, chercher une vie obscure, dans les cabanes de ces Sauvages, et un paisible tombeau, sous les palmiers de leurs cimetières. Mais ni les déserts ne sont assez profonds, ni les mers assez vastes, pour dérober l'homme aux douleurs qui le poursuivent. Toutes les fois qu'on fait le tableau de la félicité d'un peuple, il faut toujours en venir à la catastrophe. Au milieu des peintures les plus riantes, le cœur de l'écrivain est serré, par cette triste réflexion qui se présente sans cesse: Tout cela n'existe plus! Les missions du Paraguay sont détruites; les Sauvages rassemblés avec tant de fatigues, sont errant de nouveau dans les bois plongés vivant dans les entrailles de la terre. On a applaudi à la destruction d'un des plus beaux ouvrages, qui fût sorti de la main des hommes. C'étoit une création du christianisme, uné moisson engraissée du sang des apôtres, elle ne méritoit que haine et mépris! Cependant, alors même que nous triomphions,

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en voyant des Indiens retomber au NouveauMonde dans une horrible servitude, tout retentissoit en Europe du bruit de notre philanthropie et de notre amour de liberté. Ces honteuses variations de la nature humaine > selon qu'elle est agitée de passions contraires flétrissent l'ame et rendroient méchant, si l'on y arrêtoit trop long-temps les yeux. Disons donc plutôt que nous sommes foibles, que les voies de Dieu sont profondes, et qu'il se plaît à exercer ses serviteurs. Tandis que nous gémissons ici, les simples chrétiens du Paraguay, maintenant ensevelis dans les mines du Potose. adorent sans doute la main qui les a frappés; et par des souffrances patiemment supportées, ils acquièrent une place dans cette république des saints, qui est à l'abri des persécutions des hommes.

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