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relâcher les Indiens, aussitôt qu'il eut appris la manière dont on les avoit arrêtés. Le chef qui avoit harangué le père Lamberville se convertit peu de temps après, et se retira à Québec. Sa conduite en cette occasion, fut le premier fruit des vertus du christianisme, qui commençoient à germer dans son

cœur. 1

Mais aussi quels hommes que les Brébœuf, les Lallament, les Jogues qui réchauffèrent de leur sang les sillons glacés de la NouvelleFrance! J'ai une fois rencontré un de ces apôtres, au milieu des solitudes américaines. Un matin, que je cheminois lentement dans les forêts, j'apperçus, venant à moi, un grand vieillard à barbe blanche, vêtu d'uné longue robe, lisant attentivement dans un livre, et marchant appuyé sur un bâton; il étoit tout illuminé par un rayon de l'aurore, qui tomboit sur lui à travers le feuillage des arbres. Je crus voir Thermosiris, sortant du bois sacré des muses, dans les déserts de la Haute-Egypte. C'étoit un missionnaire de la Louisiane; il revenoit de la Nouvelle-Orléans, et retournoit aux Illinois, où il dirigeoit un petit troupeau de François et de Sauvages chrétiens. Nous fîmes route ensemble, pendant plusieurs jours: quelque diligent que je fusse au matin, je trouvois toujours le vieux voyageur levé avant moi, ct disant son breviaire, en se promenant dans

la forêt. Ce saint homme avoit beaucoup souffert; il racontoit bien les peines de sa vie; il en parloit sans aigreur, et sur-tout sans plaisir, mais avec sérénité : je n'ai point vu un sourire plus paisible. Il citoit agréablement et souvent des vers de Virgile et d'Homère, qu'il appliquoit aux belles scènes, qui se succédoient sous nos yeux, ou aux pensées qui nous occupoient. Il me parut avoir de vastes connoissances en tous genres, qu'il laissoit à peine appercevoir sous sa simplicité évangélique; comme ses prédécesseurs les apôtres, sachant tout, il avoit l'air de tout ignorer. Nous eûmes un jour une longue conversation sur la révolution Françoise, et rous trouvâmes quelques charmes à causer des troubles des hommes, dans les lieux les plus tranquilles. Nous étions assis dans une vallée, au bord d'un fleuve, dont nous ne savions point le nom, et qui, depuis nombre de siècles, rafraîchissoit de ses eaux cette rive inconnue. J'en fis tout haut la réflexion, et je vis le vieillard s'attendrir. Les larmes lui vinrent aux yeux, à cette image d'une vie ignorée et consumée dans les déserts, à d'obscurs bienfaits.

La vie que les missionnaires menoient au milieu des Sauvages sanguinaires de la NouvelleFrance, les fatigues qu'ils éprouvoient, la cou ronne du martyr que plusieurs d'entre eux ont reque, tout cela est si beau dans les fastes du

christianisme, qu'il n'y a point de cœurs qui

n'en soient touchés.

Le père Charlevoix nous décrit ainsi un des misssionnaires du Canada :

« Le père Daniel étoit trop près de Québec, » pour n'y pas faire un tour avant de reprendre » le chemin de sa mission.

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» Il arriva au port dans un canot, l'aviron à » la main, accompagné de trois ou quatre Sauvages les pieds nuds, épuisé de force, » une chemise pourrie et une soutane toute » déchirée sur son corps décharné; mais avec » un visage content et charmé de la vie qu'il >> menoit, et inspirant par son air et par ses » discours, l'envie d'aller partager avec lui des »croix auxquelles le Seigneur attachoit tant » d'onction. »

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Voilà de ces joies et de ces larmes, telles que Jésus-Christ les a véritablement promises à ses élus.

Ecoutons encore l'historien de la NouvelleFrance:

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« Rien n'étoit plus apostolique que la vie qu'ils menoient; (les missionnaires chez les » Hurons). Tous leurs momens étoient comp»tés par quelque action héroïque, par des » conversations ou par des souffrances qu'ils regardoient comme de vrais dédommage

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» mens, lorsque leurs travaux n'avoient pas » produit tout le fruit dont ils s'étoient flattés. Depuis quatre heures du matin qu'ils se le» voient, lorsqu'ils n'étoient pas en course, » jusqu'à huit, ils demeuroient ordinairement » renfermés; c'étoit le temps de la prière, et » le seul qu'ils eussent de libre pour leur exer»cice de piété. A huit heures, chacun alloit » où son devoir l'appeloit; les uns visitoient » les malades, les autres suivoient, dans les » campagnes, ceux qui travailloient à cultiver » la terre; d'autres se transportoient dans les bourgades voisines, qui étoient destituées de » pasteurs. Ces courses produisoient plusieurs » bons effets; car, en premier lieu, il ne » mouroit point, ou il mouroit bien peu d'en

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fans sans baptême; des adultes mêmes qui >> avoient refusé de se faire instruire tandis

qu'ils étoient en santé, se rendoient dès qu'ils » étoient malades; ils ne pouvoient tenir contre » l'industrieuse et constante charité de leurs » médecins. »

Si l'on trouvoit de pareilles descriptions dans ·le Télémaque, combien ne se récrieroit-on pas sur le goût simple et touchant de ces choses! On loueroit avec transport la fiction du poëte, et l'on est insensible à la vérité présentée avec les mêmes attraits.

Mais ce n'étoient là que les moindres travaux de ces hommes évangéliques : tantôt ils sui

voient les Sauvages dans des chasses lointaines qui duroient plusieurs années, et où ils se trouvoient obligés de manger jusqu'à leurs vêtemens; tantôt ils étoient exposés aux caprices inconcevables de ces Indiens, qui, comme des enfans, ne savent jamais résister à un mouvement de leur imagination ou de leurs desirs. Mais ils s'estimoient payés de leurs peines, s'ils avoient, durant leurs longues souffrances, acquis une ame à Dieu, ouvert le ciel à un enfant, soulagé un malade, essuyé les pleurs d'un infortuné. Nous avons deja vu que la patrie n'avoit point de citoyens plus fidèles : l'honneur d'être François, leur valut souvent la persécution, et la mort. Les Sauvages les reconnoissoient pour être de la chair blanche de Québec, à l'intrépidité avec laquelle ils supportoient les plus affreux supplices.

Le ciel, touché de leurs vertus, accorda à plusieurs d'entre eux, cette palme qu'ils avoient tant desirée, et qui les a fait monter au rang des premiers apôtres. La bourgade Huronne, où le père Daniel (1) étoit missionnaire, fut surprise par les Iroquois, au matin du 4 de juillet 1648; les jeunes guerriers étoient absens. Le Jésuite, dans ce moment même, disoit la messe à ses néophytes. Il n'eut que le temps d'achever la consécration, et de courir à l'endroit d'où

(1) Le même dont Charlevoix nous a fait le portrait.

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