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partoient les cris. Une scène lamentable s'offrit à ses yeux; femmes, enfans, vieillards gissoient pêle-mêle expirant. Tout ce qui vivoit encore tombe à ses pieds, et lui demande le baptême. Le père trempe un voile dans l'eau, et le secouant sur la foule à genoux, procure la vie des cieux, à ceux qu'il ne pouvoit arracher à la mort temporelle. Il se ressouvint alors d'avoir laissé dans les cabanes quelques malades qui n'avoient point encore reçu le sceau du christianisme ; il y vole les met au nombre des rachetés, retourne à la chapelle, cache les vases sacrés, donne une absolution générale aux Hurons qui s'étoient réfugiés à l'autel, les pressent de fuir, et pour leur en laisser le temps, marche à la rencontre des ennemis. A la vue de ce prêtre qui s'avançoit seul contre une armée, les Barbares étonnés s'arrêtent et reculent quelques pas; n'osant approcher du saint, ils se contentent de le percer de loin de leurs flèches : « Il en » étoit tout hérissé, dit Charlevoix, qui par»loit encore avec une action surprenante, » tantôt à Dieu à qui il offroit son sang pour » le troupeau, tantôt à ses meurtriers qu'il menaçoit de la colère du ciel, en les assurant » néanmoins qu'ils trouveroient toujours le Seigneur disposé à les recevoir en grâce, » s'ils avoient recours à sa clémence (1). » II (1) Hist. de la Nouv. Fr. tom. II, p. 5, liv. 7.7.

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meurt et sauve une partie de ses néophytes, en arrêtant ainsi les Iroquois autour de lui. »

Le P. Garnier montra le même héroïsme dans une autre bourgade : il étoit tout jeune encore, et s'étoit arraché dernièrement aux pleurs de sa famille, pour sauver des ames dans les forêts du Canada. Atteint de deux balles sur le champ de carnage, il est renversé sans connoissance; un Iroquois, le croyant mort, le dépouille. Quelque temps après le père revient de son évanouissement; il soulève la tête, et voit à quelque distance un Huron, qui rendoit le dernier soupir. L'Apôtre fait un effort, pour aller absoudre le catéchumène; il se traîne, il retombe: un Barbare l'apperçoit, accourt, et lui fend les entrailles de deux coups de hache: «Ilexpire » dit encore Charlevoix, dans l'exercice, et » pour ainsi dire dans le sein même de la » charité (1).

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Enfin le père de Brébeuf, oncle du poëte du même nom, fut brûlé avec ces tourmens horribles, que les Iroquois faisoient subir à leurs prisonniers.

« Ce père, que vingt années de travaux » les plus capables de faire mourir tous les » sentimens naturels, un caractère d'esprit, » d'une fermeté à l'épreuve de tout, une vertu

(1) Liv. VII, p. 24.

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nourrie dans la vue toujours prochaine d'une » mort cruelle, et portée jusqu'à en faire l'objet de ses vœux les plus ardens, prévenu, » d'ailleurs, par plus d'un avertissement cé>> leste, que ses vœux seroient exaucés, se rioit » également des menaces et des tortures; mais » la vue de ses chers néophytes, cruellement » traités à ses yeux, répandoit une grande amer»tume sur la joie qu'il ressentoit de voir ses espérances accomplies.

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» Les Iroquois connurent bien d'abord qu'ils »'auroient affaire à un homme à qui ils n'au>> roient pas le plaisir de voir échapper la moin. » dre foiblesse; et comme s'ils eussent appré» hendé qu'il ne communiquât aux autres son

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intrépidité, ils le séparèrent, après quelque » temps, de la troupe des prisonniers, le firent » monter seul sur un échaffaud, et s'achar» nèrent de telle sorte sur lui, qu'ils parois» soient hors d'eux-mêmes, de rage et de » désespoir.

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» Tout cela n'empêchoit point le serviteur de » Dieu de parler d'une voix forte, tantôt aux » Hurons qui ne le voyoient plus, mais qui » pouvoient encore l'entendre, tantôt à ses » bourreaux qu'il exhortoit à craindre la colère » du ciel, s'ils continuoient à persécuter les >> adorateurs du vrai Dieu. Cette liberté étonna

» les Barbares; ils voulurent lui imposer » silence, et n'en pouvant venir à bout, ils » lui coupèrent la lèvre inférieure et l'extré» mité du nez, lui appliquèrent par tout le >> corps des torches allumées, lui brûlèrent » les gencives, etc. »

On tourmentoit auprès du père de Brébœuf un autre missionnaire, nommé le père Lallament, et qui ne faisoit que d'entrer dans la carrière évangélique. La douleur lui arrachoit quelquefois des cris involontaires; il demandoit de la force au vieil apôtre qui, ne pouvant plus parler, lui faisoit de douces inclinations de tête, et sourioit avec ses lèvres mutilées, pour encourager le jeune martyr. Les fumées des deux bûchers, montant vers le ciel, affligeoient et réjouissoient les anges. On fit un collier de haches ardentes au père de Brébeuf; on lui coupa des lambeaux de chair que l'on dévora, en disant que la chair des François étoit excellente (1); puis, continuant ces railleries: << tu »nous assurois tout-à-l'heure, crioient les Barbares, que plus on souffre sur la terre, plus on est heureux dans le ciel

c'est par » amitié pour toi, que nous nous étudions à » augmenter tes souffrances (2). »›

Lorsqu'on portoit dans Paris, des cœurs de

(1) Hist. de France, p. 17. (2) Id. ib. p. 18.

prêtres au bout des piques, on chantoit: Ah! il n'est point de fête, quand le cœur n'en est pas.

Enfin, après avoir souffert plusieurs autres tourmens, que nous n'oserions transcrire, le père de Brébeuf rendit l'esprit, et son ame s'envola au séjour de celui qui guérit toutes les plaies de ses serviteurs.

C'étoit en 1649 que ces choses se passoient en Canada; c'est-à-dire au moment de la plus grande prospérité de la France, et pendant les fêtes de Louis XIV: tout triomphoit alors, le missionnaire et le soldat.

Ceux pour qui un prêtre est un objet de haine et de risée, se réjouiront de ces tourmens des confesseurs de la foi. Les sages, avec un esprit de prudence et de modération, diront, qu'après tout, les missionnaires étoient victimes de leur fanatisme; ils demanderont, avec une pitié superbe, ce que ces moines alloient faire dans les déserts de l'Amérique? A la vérité, nous convenons qu'ils n'alloient pas sur un plan de savans, tenter de grandes découvertes philosophiques ; ils obéissoient seulement à ce maître, qui leur avoit dit : « Allez et enseignez. » Docete omnes gentes; et sur la foi de ce commandement, avec une simplicité extrême, ils quittoient les délices de la patrie, pour aller, au prix de leur

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