Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

geur

ponts-levis s'abaissoient, et l'aventureux voyaentroit dans ce manoir écarté. S'il vouloit rester inconnu, il couvroit son écu d'une housse, ou d'un voile vert, ou d'une guimple plus fine que fleurs-de-lys. Les dames et les damoiselles s'empressoient de le désarmer, de lui donner de riches habits, delui servir des vins précieux dans des vases de crystal. Quelquefois il trouvoit son hôte dans la joie : « Le seigneur Amanieu des » Escas, au sortir de table, étant l'hiver auprès » d'un bon feu, dans la salle bien jonchée ou tapissée de nattes, ayant autour de lui ses >>escuyers, s'entretenoit avec eux d'armes et » d'amour, car tout dans sa maison, jusqu'aux » derniers varlets, se mêloit d'aimer (1).

[ocr errors]

כל

כן

Ces fêtes des châteaux avoient toujours quelque chose d'énigmatique; c'étoit le festin de la licorne, le vœu du paon, ou du faisand. On y voyoit des convives non moins mystérieux; des chevaliers du Cygne, de l'Ecu-Blanc, de la Lance-d'Or, du Silence; guerriers qui n'étoient connus que par les devises de leurs boucliers, et par les pénitences auxquelles ils s'ér toient soumis (2).

Des Troubadours, ornés de plumes du paon entroient dans la salle vers la fin de la fête, et chantoient des lays d'amour :

(1) Sainte-Palaye.

(3) Hist. du maréchal de Boucicault.

P..

Armes, amours, détuit, joie et plaisance,
Espoir, desir, souvenir, hardement,
Jeunesse, aussi manière et contenance
Humble regard, trait amoureusement
Gents corps, jolis, parez très-richement ;
Avisez bien cette saison nouvelle,

Le jour de may, cette grant feste et belle,

Qui par le Roy se fait à Saint-Denys;
A bien jouter, gardez votre querelle,
Et vous serez honorez et chéris.

Le principe du métier des armes chevaleresques, étoit

« Grand bruit au champ, et grande joie au logis. v

Bruits ès chans, et joie à l'Ostel.

}

[ocr errors]

Mais le chevalier arrivé au château, n'y trouvoit pas toujours des fêtes; c'étoit quelquefois l'habitation d'une piteuse dame qui gémissoit dans les fers d'un jaloux : Le biau sire, noble, courtois et preux, à qui l'on avoit refusé l'entrée du manoir, passoit la nuit au pied d'une tour d'où il entendoit les soupirs de quelque Gabrielle, qui appeloient en vain le valeureux Couci. Le chevalier aussi tendre que brave, juroit par sa durandal et son aquilain, sa fidèle épée et son coursier rapide, de défier en combat singulier le Félon, qui tourmentoit la beauté contre toute loi d'honneur et de chevalerie.

S'il étoit reçu dans ces sombres forteresses,

c'étoit alors qu'il avoit besoin de tout son grand cœur. Des varlets silencieux, aux regards farouches, l'introduisoient, par de longues galeries à peine éclairées, dans la chambre solitaire qu'on lui destinoit. C'étoit quelque donjon qui gardoit le souvenir d'une fameuse histoire; on l'appeloit la chambre du roi Richard, ou de la dame des sept tours. Le plafond' étoit marqueté de vieilles armoiries peintes, et les murs couverts de tapisseries à grands personnages, qui sembloient suivre des yeux le chevalier, et qui servoient à cacher des portes secrètes. Vers minuit, on entendoit un bruit léger, les tapisseries s'agitoient, la lampe du Paladin s'éteignoit, un cercueil s'élevoit auprès de sa couche..

*

[ocr errors]

4

La lancect la masse d'arme étant inutiles contre les morts, le chevalier avoit alors recours à des vœux de pélerinage, Délivré par la faveur divine, il ne manquoit point d'aller consulter l'hermite du rocher qui lui disoit : «Si tu avois autant de » possession comme en avoit le roi Alexandre >> et de sens comme le sage Salomon, et de che, » valerie comme le preux Hecteur de Troye; » seul orgueil s'il régnoit en toi, détruiroit » tout (1). »

21

Le bon chevalier comprenoit par ces paroles, que les visions qu'il avoit eues ne venoient que

(1) Sainte-Palaye.

[ocr errors]

de ses fautes, et il travailloit à se rendre sans peur et sans reproches.

Ainsi chevauchant, il mettoit à fin, par cent coups de lance fameux, toutes ces aventures chantées par nos poëtes, et recordées dans nos vieilles chroniques. Il délivroît des princesses, retenues dans des grottes, punissoit des mécréans, secouroît les orphelins et les veuves et se défendoit à-la-fois de la perfidie des nains, et de la force des géans. Conservateur des mœurs comme protecteur des foibles, quand il passoit devant le château d'une dame de mauvaise renommée, sans y daigner entrer, il faisoit aux portes une note d'infamie (1). Si, au contraire, la dame de céans avoit bonne grâce et vertu, il lui crioit : « Ma bonne amie, ou ma bonne » dame, ou damoiselle, je prie à Dieu que en » ce bien et en cet honneur, il vous veuille » maintenir au nombre des bonnes, car bien » devez être louée et honorée. »

L'honneur de ces chevaliers alloit quelquefois jusqu'à cet excès de vertu qu'on admire et qu'on déteste dans les premiers Romains. Quand la reine Marguerite, femme de S. Louis, apprit à Damiette, où elle étoit prête d'accoucher, la défaite de l'armée chrétienne, et lä prise du roi son époux ; elle se jeta aux genoux

(1) Du Cange, glos.

d'un vieux chevalier, âgé de quatre-vingts ans, qui se trouvoit auprès d'elle; elle lui dit : << Je vous demande, par la foy que vous » m'avez donnée, que si les Sarrazins s'empa» rent de cette ville, vous me coupiez la tête » avant qu'ils me prennent. »

- Le chevalier répondit :

[ocr errors]

Soyez sûre que je le ferai volontiers; car » c'étoit déja bien mon intention de vous tuer » avant qu'ils vous prissent (1). »

[ocr errors]

Ces entreprises solitaires servoient au chevalier comme d'échellon pour arriver au plus haut degré de gloire. Averti par les menestriers, des tournois qui se préparoient au gentil pays de France, il se rendoit aussitôt au rendez-vous des braves. Déja les lices sont préparées; déja les dames, placées sur des échafauds élevés en forme de tours, cherchent des yeux les guerriers parés de leurs couleurs. Des Troubadours vont chantant:

Servans d'amour, regardez doulcement
Aux eschafaux anges de paradis,
Lors jousterez fort et joyeusement,
Et vous serez honorez et cheris.

Tout-à-coup un cri s'élève : «Honneur aux fils des Preux!» Les fanfares sonnent, les barrières s'abaissent. Cent chevaliers s'élan

[ocr errors]

(1) Joinville.

« ZurückWeiter »