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prairie, une petite maison qu'avoient occupée trois sœurs-grises. C'étoit de cet asyle champêtre qu'elles partoient, à toutes les heures de la nuit et du jour, pour secourir les bergers. On remarquoit en elles, comme dans toutes leurs sœurs, un air'de propreté et de contentement, qui annonçoit que le corps et l'ame étaient également exempts de souillures; elles étoient pleines de douceur; mais toutefois sans manquer de fermeté pour soutenir la vue des maux, et pour se faire obéir des malades. Elles excelloient à rétablir les membres brisés par des chûtes, ou démis par ces accidens si communs chez les paysans. Mais ce qui étoit d'un prix inestimable, c'est que la sœurgrise ne manquoit pas de dire un mot de Dieu à l'oreille du nourricier de la patrie, et que jamais la morale ne trouva de formes plus divines, pour se glisser dans le cœur humain.

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Tandis que ces filles hospitalières étonnoient, par leur charité, ceux mêmes qui étoient accoutumés à ces actes sublimes, il se passoit dans Paris d'autres merveilles de grandes dames s'exiloient de la ville et de la cour, et partoient pour le Canada. Elles alloient sans doute acquérir des habitations, réparer une fortune délabrée, et jeter les fondemens d'une vaste propriété? Ce n'étoit pas là leur but: elles. alloient, au milieu des forêts et des guerres

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sanglantes, fonder des hôpitaux pour des Sauvages ennemis.

En Europe, nous tirons le canon pour annoncer la destruction de plusieurs milliers d'hommes; mais dans les établissemens nouveaux et lointains, où l'on est tout près du malheur et de la nature, on ne se réjouit que de ce qui mérite en effet dés bénédictions et des actions de grâces, c'est-à-dire, des actes de bienfaisance et d'humanité. Trois pauvres hospitalières, conduites par madame de la Peleterie, descendent sur les rives Canadiennes, et voilà toute la colonie troublée de joie! « Le » jour de l'arrivée de personnes si ardemment » desirées, dit Charlevoix, fut pour toute la » ville un jour de fête ; tous les travaux ces» sèrent, et les boutiques furent fermées; le » gouverneur reçut les héroïnes sur le rivage » à la tête de ses troupes, qui étoient sous les » armes, et au bruit du canon; après les pre» miers complimens, il les mená, au milieu » des acclamations du peuple, à l'église où le » Te Deum fut chanté.

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» Ces saintes filles, de leur côté, et leur généreuse conductrice, voulurent, dans le >> } premier transport de leur joie, baiser une » terre, après laquelle elles avoient si long» temps soupiré, qu'elles se promettoient bien » d'arroser de leurs sueurs, et qu'elles ne dé» sespéroient pas même de teindre de leur

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»sang. Les François, mêlés avec les Sauva»ges, les Infidèles même confondus avec les » Chrétiens, ne se lassoient point, et conti>> nuèrent plusieurs jours à faire tout retentir » de leurs cris d'allégresse, et donnèrent mille >> bénédictions à celui qui seul peut inspirer >> tant de forces et de courage aux personnes » les plus foibles. A la vue des cabanes sau»vages où l'on mena les religieuses le lende>> main de leur arrivée, elles se trouvèrent » saisies d'un nouveau transport de joie : la pauvreté et la mal-proprété qui y régnoient, » ne les rebutèrent point, et des objets si capables de ralentir leur zèle, ne le rendirent >> que plus vif: elles témoignèrent une grande impatience d'entrer dans l'exercice de leurs >> fonctions.

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» Madame de la Peleterie, qui n'avoit ja» mais desiré d'être riche, et qui s'étoit fait » pauvre de si bon cœur pour Jésus-Christ, ne

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s'épargnoit en rien pour le salut des ames; » son zèle la porta même à cultiver la terre » de ses propres mains, pour avoir de quoi

soulager les pauvres néophytes; elle se dé» pouilla en peu de jours de ce qu'elle avoit » réservé pour son usage, jusqu'à se réduire à » manquer du nécessaire, pour vêtir les en» fans qu'on lui présentoit presque nuds; et » toute sa vie, qui fut assez longue, ne fut

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» qu'un tissu d'actions les plus héroïques de » la charité (1). »

Trouve-t-on dans l'histoire ancienne, rien qui soit aussi touchant; rien qui fasse couler des larmes d'attendrissement aussi douces aussi pures?

CHAPITRE IV.

'Enfans-Trouvés, Dames de la Charité, Traits de bienfaisance.

IL faut maintenant écouter un moment saint Justin le philosophe. Dans sa première apologie, adressée à l'empereur, il parle ainsi :

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« On expose les enfans sous votre empire. » Des personnes élèvent ensuite ces enfans pour » les prostituer. On ne rencontre par toutes >> les nations que des enfans destinés aux plus >> exécrables usages, et qu'on nourrit comme » des troupeaux de bêtes; vous levez un tribut sur ces enfans, . . . . . et toutefois ceux qui abusent de ces petits innocens, outre » le crime qu'ils commettent envers Dieu, » peuvent par hasard abuser de leurs propres enfans..... Pour nous autres Chrétiens, dé>testant ces horreurs, nous ne nous marions » que pour élever notre famille ou nous

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(1) Hist. de la Nouv. Fr. lib. V, p. 322-3.

» renonçons au mariage pour vivre dans la » chasteté (1). »

Voilà donc les hôpitaux que le polythéisme élevoit aux orphelins. O vénérable Vincent-dePaule, où étois tu ? où étois-tu, pour dire aux dames de Rome, comme à ces pieuses Françoises, qui t'assistoient dans tes œuvres : «< Or » sus, mesdames! voyez si vous voulez délais>>ser à votre tour ces petits innocens, dont » vous êtes devenues les mères, selon la grace, » après qu'ils ont été abandonnés par leur » mère, selon la nature. » Mais c'est en vain que nous demandons l'homme de miséricorde à des cultes idolâtres.

Grâce à M. le cardinal Maury, le siècle a pardonné le christianisme à S. Vincent-de-Paule. On a vu la philosophie pleurer à son histoire. On sait que, gardien de troupeaux, puis esclave à Tunis, il devint un prêtre illustre par sa science et par ses œuvres; on sait qu'il est le fondateur de l'hôpital des Enfans-Trouvés de celui des Pauvres-Vieillards, de l'hôpital des Galériens de Marseille, du collège des Prêtres de la Mission, des Confrairies de Charité dans les paroisses, des Compagnies de Dames pour le service de l'Hôtel-Dieu, des Filles de la Charité, servantes des malades, et enfin des retraites pour ceux qui desirent choisir un état

(1) S. Just. Apol. édit. Márc. fol. 17-42.

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