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CHAPITRE VII.

Agriculture.

C'EST au clergé séculier et régulier que nous devons encore l'agriculture, comme nous lui devons les colléges et les hôpitaux. Défrichemens des terres, ouvertures des chemins, agrandissement des hameaux et des villes, établissement des messageries et des auberges, arts et métiers, manufactures, commerce intérieur et extérieur, loix civiles et politiques; tout enfin nous vient originairement de l'église. Nos pères étoient des barbares, à qui le christianisme étoit obligé d'enseigner jusqu'à l'art de se nourrir..:

Presque toutes les concessions faites aux monastères, dans les premiers siècles de l'église, étoient des terres vagues que les moines cultivoient de leurs propres mains. Des forêts désertes, des marais impraticables, de vastes landes, furent la source de ces richesses que nous avons tant reprochées au clergé.

Tandis que les chanoines Prémontrés labouroient les solitudes de la Pologne, et une portion de la forêt de Coucy, en France; les Bénédictins fertilisoient nos bruyères. Molesme, Colan et Cîteaux, qui se couvrént aujourd'hui de vignes et de moissons, étoient des lieux semés de ronces et d'épines, où les premiers

religienx habitoient sous des huttes de feuillages, comme les Américains, au milieu de leurs défrichemens.

par

S. Bernard et ses disciples fécondèrent les vallées stériles que leur abandonna Thibaud comte de Champagne. Fontevraud fut une véritable colonie, établie Robert d'Arbriscel dans un pays désert, sur les confins de l'Anjou et de la Bretagne. Des familles entières cherchèr rent un asyle sous la direction de ces Bénédic tins: il s'y forma des monastères de veuves, de filles, de laïcs, d'infirmes et de vieux soldats. Tous devinrent cultivateurs, à l'exemple des pères, qui abattoient eux-mêmes les arbres, guidoient la charrue, semoient les grains, et couronnoient cette partie de la France, de ces belles moissons qu'elle n'avoit point encore portées.

La colonie fut bientôt obligée de verser au+ dehors une partie de ses habitans, et de céder à d'autres. solitudes le superflu de ses mains laborieuses! Raoul de la Futaye, compagnon de Robert, s'établit dans la forêt du Nid-duMerle, et Vital, autre Bénédictin, dans les bois de Savigny. La forêt de l'Orges, dans le diocèse d'Angers, Chaufournois, aujourd'hui Chantenois, en Touraine, Belay dans la même province, la Puie en Poitou, l'Encloitre, dans la forêt de Gironde, Gaisne, à quelques lieues de Loudun, Luçon, dans les bois du

même nom, la Lande, dans les landes de Garnache, la Magdeleine, sur la Loire, Boubon, en Limousin, Cadouin, en Périgord; enfin, Haute-Bruyère, près de Paris, furent autant de colonies de Fontevraud, et qui, pour la plupart, d'incultes qu'elles étoient, se changèrent en opulentes campagnes.

Nous fatiguerions les lecteurs, si nous entreprenions de nommer tous les sillons que la charrue des Bénédictins a tracés dans les Gaules sauvages. Maurecourt, Longpré, Fontaine, le Charme, Colinance, Foici, Bellomer, Cousanie, Sauvement, les Epines, Eube, Vanassel, Pons, Charles, Vairville, et cent autres lieux dans la Bretagne, l'Anjou, le Berry, l'Auvergne, la Gascogne, de Languedoc, la Guyenne,eattestent leurs immenses travaux. S. Colomban fit fleurir le désert de Vauge; des filles, Bénédictines même, à l'exemple des pères de leur ordre, se consacrèrent à la culture; celles de Montreuil-les-Dames & s'occupoient, » dit Herman, à coudre, à filer et à défricher les épines de la forêt, à l'imitation de Laon » et de tous les religieux de Clairvaux (1). :

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En Espagne, les Bénédictins déployèrent la même activité. Ils achetèrent des terres en friche au bord du Tage, près de Tolède, et ils y fondèrent le couvent de Venghalia, après avoir

1. (1) Lib. de Miracul. cap. 7.

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planté en vignes et en orangers tout le pays

d'alentour.:

Le Mont-Cassin, en Italie, n'étoit qu'une profonde solitude: lorsque S. Benoît s'y retira, le pays changea de face en peu de temps, et l'abbaye nouvelle devint si opulente, par ses travaux, qu'elle fut en état de se défendre; en 1037, contre les Normands, qui lui firent la guerre.

S. Boniface, avec les religieux de son Ordre, commença toutes les cultures dans les quatre évêchés de Bavière. Les Bénédictins de Fuldes défrichèrent entre la Hesse, la Franconie et la Thuringe, un diamètre de terrains de huit mille pas géométriques, ce qui donnoit vingtquatre mille pas, ou seize lieues de circonférence; ils comptèrent bientôt jusqu'à dix-huit mille métairies, tant en Bavière qu'en Souabe; les moines de Saint-Benoît-Polironne, près de Mantoue, employoient au labourage plus de trois mille paires de bœufs.

Remarquons en outre, que la règle presque générale, qui interdisoit l'usage de la viande aux ordres monastiques, vint sans doute, en premier lieu, d'un principe d'économie rurale. Les sociétés religieuses étant alors fort multipliées, tant d'hommes qui s'abstenoient volontairement de la chair des bestiaux, durent favoriser singulièrement la propagation des races. Ainsi nos campagnes, aujourd'hui si

florissantes, sont en partie redevables de leurs moissons et de leurs troupeaux, au travail des moines et à leur frugalité.

De plus, l'exemple qui est peu de chose en morale, parce que les passions en détruisent les bons effets, exerce une grande puissance sur le côté matériel de la vie. Le spectacle de plusieurs milliers de religieux cultivant la terre, mina peu- - à - peu ces préjugés barbares, qui attachoient le mépris à l'art qui nourrit les hommes. Le paysan apprit, dans les monastères, à retourner la glèbe et à fertiliser le sillon. Le baron commença à chercher dans son champ des trésors plus certains que ceux qu'il se procuroit par les armes. Les moines furent donc réellement les pères de l'agriculture, et comine laboureurs eux-mêmes, et comme les premiers maîtres de nos laboureurs.

Ils n'avoient point perdu de nos jours ce génie utile. Les plus belles cultures, les paysans les plus riches, les mieux nourris et les moins vexés, les équipages champêtres les plus parfaits, les troupeaux les plus gras, les fermes les mieux entretenues se trouvoient dans les abbayes. Ce n'étoit pas là, ce nous semble, un sujet de reproches à faire au clergé.

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