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parce que la religion a horreur du sang. S. Augustin obtint, par ses prières, la vie des Circumcellions, convaincus d'avoir assassiné des prêtres catholiques. Le concile de Sardique fait même une loi aux évêques d'interposer leur médiation dans les sentences d'exil et de bannissement (1). Ainsi, le malheureux devoit non - seulement la vie à cette charité chrétienne; mais ce qui est bien plus précieux encore, la douceur de respirer son air natal.

Ces autres dispositions de notre jurisprudence criminelle, sont tirées du droit canonique : « 1.o On ne doit point condamner >> un absent, qui peut avoir des moyens légitimes de défenses. 2.o L'accusateur et le juge ne peuvent servir de témoins. 3o. Les » grands criminels ne peuvent être accusa»sateurs (2). 4.o En quelques dignités qu'une » personne soit constituée, sa seule déposi»tion ne peut suffire pour condamner un accusé (3). »

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On peut voir dans Héricourt la suite de ces loix, qui confirment ce que nous avons avancé : savoir, que nous devons les meilleures dispositions de notre code civil et criminel au droit canonique. Ce droit est en général beaucoup

(1) Conc. Sard, can, 17.

(2) Cet admirable canon n'étoit pas suivi dans nos loix. (3) Hér. loc. cit. et seq.

plus doux que nos loix, et nous avons repoussé sur plusieurs points son indulgence chrétienne. Par exemple, le septième concile de Carthage décide que quand il y a plusieurs chefs d'accusation, si l'accusateur ne peut prouver le premier chef, il ne doit point être admis à la preuve des autres; nos nos coutumes en ont ordonné autrement.

Cette grande obligation que notre systême civil a aux réglemens du christianisme, est une chose très-grave, très-peu observée, et pourtant très-digne de l'être (1).

Enfin, les juridictions seigneuriales, sous la féodalité, furent de nécessité moins vexatoires dans la dépendance des abbayes et des prélatures, que sous le ressort d'un comte ou d'un baron. Le seigneur ecclésiastique étoit tenu à de certaines vertus, que le guerrier ne se croyoit pas obligé de pratiquer. Les abbés cessèrent promptement de marcher à l'armée et leurs vassaux devinrent de paisibles laboureurs. S. Benoît d'Aniane, réformateur des Bénédictins en France, recevoit les terres qu'on lui offroit; mais il ne vouloit point accepter les serfs; il leur rendoit sur-le-champ la liberté (2) cet exemple de magnanimité, au milieu du dixième siècle, est bien frappant, et c'est un moine qui l'a donné.

(1) M. de Montesquieu et le docteur Robertson en ont dit quelques mots. (2) Helyot.

CHAPITRE X I.

Politique et Gouvernement.

LA coutume qui accordoit le premier rangau clergé dans les assemblées des nations modernes, tenoit au grand principe religieux, que l'antiquité entière regardoit comme le fondement de l'existence politique. « Je ne sais, dit >> Cicéron, si anéantir la piété envers les dieux, » ce ne seroit point aussi anéantir la bonne» foi, la société du genre humain, et la plus >> excellente des vertus, la justice (1). » Pietate adversùs deos sublata, fides etiam, et societas humani generis... tollatur.

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Puisqu'on avoit cru jusqu'à nos jours, que la religion est la base de la société civile, ne faisons pas un crime à nos pères d'avoir pensé comme Platon, Aristote, Cicéron, Plutarque, et d'avoir mis l'autel et ses ministres au degré le plus éminent de l'ordre social.

Mais si personne ne nous conteste sur ce point l'influence de l'église dans le corps politique, on soutiendra, peut-être, que cette influence a été funeste au bonheur public et à la liberté. Nous ne ferons qu'une réflexion sur ce vaste et profond sujet : remontons un instant aux prin

(1) De Nat. Deor. I, 2.

cipes généraux, d'où il faut toujours partir; quand on veut atteindre à quelque vérité.

La nature, au moral et au physique, semble n'employer qu'un seul moyen de création ; c'est de mêler, pour produire, la force à la douceur. Son énergie paroît résider dans la loi générale des contrastes. Si elle joint la violence à la violence, ou la foiblesse à la foiblesse, loin de former quelque chose, elle détruit par excès ou par défaut. Toutes les législations de l'antiquité offrent ce systême d'opposition, qui enfante le corps politique. Cette vérité une fois reconnue, il faut ensuite chercher les points d'opposition: il nous semble que les deux principaux résident l'un dans les moeurs du peuple, l'autre dans les institutions à donner à ce peuple. S'il est d'un caractère timide et foible, que sa constitution soit hardie et robuste; s'il est fier impétueux, inconstant, que son gouvernement soit doux, modéré, invariable. Ainsi la théocratie ne fut pas bonne aux Egyptiens: elle les asservit sans leur donner les vertus qui leur manquoient; c'étoit une nation pacifique; il lui falloit des institutions militaires.

L'influence sacerdotale, au contraire, produisit à Rome des effets admirables : cette reine du monde dut sa grandeur à Numa, qui sut placer la religion au premier rang chez un

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peuple de guerriers : qui ne craint pas les hommes doit craindre les dieux.

Ce que nous venons de dire du Romain s'applique au Français. Il n'a pas besoin d'être excité, mais d'être retenu. On parle du danger de la théocratie; mais chez quelle nation belliqueuse un prêtre a-t-il conduit l'homme à la servitude?

C'est donc de ce grand principe général qu'il faut partir pour considérer l'infl@ence du clergé dans notre ancienne constitution, et non pas de quelques détails particuliers, locaux et accidentels. Tous ces cris contre la richesse de l'église, contre son ambition', sont de petites vues d'un sujet immense; c'est considérer à peine la surface des objets, et ne pas jeter un coup-d'œil ferme dans leurs profondeurs. Le christianisme étoit dans notre corps politique, comme ces instrumens religieux dont les Spartiates se servoient dans les batailles, moins pour animer le soldat, que pour modérer son ardeur.

Si l'on consulte l'histoire de nos états-généraux, on verra que le clergé a toujours rempli ce beau rôle de modérateur. Il calmoit, il adoucíssoit les esprits ; il prévenoit les résolutions extrêmes. L'église avoit seule de l'instruction et de l'expérience, quand des barons hautains et d'ignorantes communes ne connoissoient que les factions et une obéissance absolue; elle seule, par l'habitude des synodes et

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