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CHAPITRE I X.

Funérailles du Guerrier, Convoi des Riches; Coutumes, etc.

Er quel bon goût dans cette noble simplicité que la religion savoit mettre aux funérailles d'un capitaine? Lorsqu'on croyoit encore à quelque chose, on aimoit à voir un aumônier dans une tente ouverte, à la tête d'un camp, célébrer une messe des morts sur un autel formé de tambours. C'étoit un assez beau spectacle que de voir le Dieu des armées dans toute sa puissance, descendre à la voix d'un prêtre, sur les tentes d'un camp françois, tandis que de vieux guerriers, qui avoient tant de fois bravé la mort, tomboient à genoux devant un cercueil, un petit autel et un solitaire. Aux roulemens des tambours drapés, aux salves interrompues du canon, des grenadiers pleurant sur le corps de leur vaillant capitaine, le

portoient à la tombe qu'ils avoient creusée pour lui avec leurs baïonnettes. Au sortir de ces funérailles, on n'alloit point courir pour des trépieds, pour de doubles coupes, pour des peaux de lion aux ongles d'or, mais on s'empressoit de chercher, au milieu des combats, des jeux funèbres et une arène plus glorieuse; et si l'on n'immoloit point une genisse noire aux mânes du héros, du moins répandoit-on en son honneur, un sang moins stérile, celui des ennemis de la patrie.

Parlerons-nous de ces enterremens faits à la lueur des flambeaux, dans nos villes, de ces chapelles ardentes, de cette file prolongée de chars tendus de noir, de ces chevaux parés de plumes et de draperies funèbres, de ce profond silence interrompu par les versets de l'hymne de la colère, Dies irae ? On étoit profondément attendri; en voyant de pauvres orphelins sous la livrée de l'infortune, que la religion conduisoit au convoi des grands: par-là elle

faisoit sentir à des enfans qui n'avoient point de père, quelque chose de la piété filiale ; elle enseignoit auxriches qu'il n'y a point de plus puissante médiation auprès de Dieu, que celle de l'innocence et d'adversité; elle montroit enfin à l'extrême misère, ce que c'est que toutes ces grandeurs qui viennent se perdre au cercueil. Un usage particulier avoit lieu au décès dés prêtres; on les enterroit le visage découvert : le peuple croyoit lire sur les traits de son pasteur l'arrêt du souverain juge, et reconnoître les joies du prédestiné, à travers l'ombre légère de la mort, comme dans les voiles d'une nuit pure, on découvre les magnificences du ciel.

La même coutume s'observoit dans les cou. vens. Nous avons vu une jeune religieuse ainsi couchée dans sa bière. Son front se confondoit par sa pâleur, avec le bandeau.de lin dont il étoit à demi-couvert; une couronne de roses blanches étoit sur sa tête, et un flambeau mys. térieux brûloit entre ses mains: après quelques heures d'exposition, on recouvrit le cercueil, et il fut déposé dans le caveau funèbre; ainsi les grâces et la paix du cœur ne sauvent point de la mort, et l'on voit se faner les lis malgré la candeur de leur sein, et la tranquillité des vallées qu'ils habitent.

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Au reste, on réservoit la simplicité des funérailles au Nourricier, comme au Défenseur de la

patrie. Quatre moissonneurs précédés du curé, transportoient, sur leurs robustes épaules, l'homme des champs, au tombeau de ses pères. Si quelques laboureurs rencontroient le convoi dans les campagnes, ils suspendoient leurs travaux, découvroient leurs têtes, s'inclinoient profondément, et honoroient d'un signe de croix leur compagnon décédé, qui porta la sienne sans se plaindre. Ce mort rustique voyageoit ainsi, au milieu des gerbes jaunissantes, qu'il avoit peut-être semées lui-même dans l'héritage de ses aïeux. On voyoit de loin cette fleur de la tombe s'élever et se balancer comme un pavot noir, au-dessus des fromens d'or, et des fleurs de pourpre et d'azur. Des enfans, une veuve éplorée, formoient tout le pieux cortège. En passant devant la croix du chemin, ou le saint du rocher, on se délassoit un moment; on posoit le cercueil sur une pierre; on invoquoit la Divinité champêtre, au pied de laquelle le laboureur décédé avoit tant de fois prié pour une bonne mort, ou une récolte abondante. C'étoit-là qu'il avoit souvent mis ses boeufs à l'ombre, au milieu du jour, et qu'environné de sa famille, il avoit pris son repas de lait et de pain bis, au chant des cigales et des alouettes. Ah! que bien différent d'aujourd'hui, il s'y reposoit alors! Mais du moins ces sillons contenoient ses dernières sueurs; du moins son sein paternel avoit

perdu ses sollicitudes; et par ce même chemin, où les jours de fêtes il se rendoit à l'église, il marchoit maintenant au tombeau, entre les touchans monumens de sa vie, des enfans vertueux et d'innocentes moissons.

CHAPITRE XI I.

Des Prières pour les Morts.

CHEZ les anciens, le cadavre du pauvre ou de l'esclaveétoit abandonné presque sanshonneurs; parmi nous le ministre des autels est obligé de veiller au cercueil du villageois, comme au catafalque du monarque. L'indigent de l'évangile, en exhalant son dernier soupir, devient soudain ( chose sublime) un être auguste et sacré. Le grand nom de chrétien met tout de niveau dans la mort, et l'orgueil du plus puissant potentat ne peut arracher à la religion d'autre prière, que celle-là même qu'elle offre pour le dernier manant de la cité.

Mais quelles sont admirables ces prières ! Tantôt ce sont des cris de douleurs, tantôt des cris d'espérances: la mort se plaint, se réjouit, tremble, se rassure, gémit et supplie: Exibit spiritus ejus, etc.

« Le jour qu'ils ont rendu l'esprit, ils retour» nent à leur terre originelle, et toutes leurs » vaines pensées périssent (1).

(1) Office des Morts, ps. 154.

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D..

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