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moins aussi riche que celui des trois premières parties, avec lesquelles il forme un tout complet.

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Puisque nous allons entrer dans le temple parlons d'abord de la cloche qui nous y appelle.

Cela nous semble une chose fort merveilleuse d'avoir trouvé le moyen, par un seul coup de marteau, de faire naître à la même minute, un même sentiment dans mille cœurs divers, et d'avoir forcé les vents et les nuages à se charger comme des pensées des hommes. Le silence est-il plus poétique que cet air animé du son de l'airain, et devenu tout sensible dans le vague de ces espaces? Considérée seulement comme harmonie, la cloche a indubitablement une beauté dé la première sorte; celle que les artistes appellent le grand. Le bruit de la foudre est sublime, et ce n'est que par sa grandeur; il en est ainsi des vents, des mers des volcans, des chûtes de fleuves de la voix de tout un peuple.

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Avec quel transport Pythagore, qui prêtoit l'oreille au marteau du forgeron, n'eût-il point écouté le bruit de nos cloches, la veille d'une solemnité de l'église ! L'ame peut être attendrie par les accords d'une lyre; mais elle ne sera pas saisie d'enthousiasme, comme lorsque la foudre des combats la réveille, ou qu'une pesante sonnerie proclame dans la religion des nuées les triomphes du Dieu des batailles.

Et pourtant ce n'étoit pas là le caractèrele plus remarquable du son des cloches; ce son avoit mille relations secrètes avec nous. Combien de fois, dans le calme des nuits, les funèbres tintemens d'une agonie, semblables aux lentes pulsations d'un cœur expirant, n'ont-ils point surpris l'oreille d'une épouse adultère? Combien de fois ne sont-ils point parvenus jusqu'à l'athée, qui, dans sa veille impie, osoit peut-être écrire qu'il n'y a point de Dieu ? La plume échappe à sa main; il compte avec effroi les coups de la mort, qui semblent lui dire : Est-ce qu'il n'y a point de Dieu ? Oh! que de pareils bruits n'effrayèrent-ils le sommeil de Roberspierre! Etrange religion, qui, au seul coup d'un airain magique, peut changer en tourmens les plaisirs, ébranler l'athée, et faire tomber le poignard des mains de l'assassin!

Mais des sentimens plus doux s'attachoient aussi au bruit des cloches. Lorsqu'avec le chant de l'alouette, vers le temps de la coupe des bleds, on entendoit, au lever de l'aurore, les petites sonneries de nos hameaux; on eût dit que l'ange des moissons, pour réveiller les laboureurs, soupiroit sur une cornemuse d'airain l'histoire de Séphora ou de Noémi. Et cette cloche agitée par les fantômes, dans la vieille chapelle de la forêt, et celle qu'une religieuse frayeur balançoit dans nos campagnes, pour

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écarter le tonnerre; et celle qu'on sonnoit la nuit, dans certains ports de mer, pour diriger le pilote à travers les écueils; tous ces murmures enfin, n'avoient-ils pas leurs enchantemens, leurs féries, leurs merveilles ? Les carillons et les voix bruyantes des cloches, au milieu de nos fêtes, sembloient augmenter l'allégresse publique; c'étoit la joie exprimée sur une échelle de sons immenses: dans les grandes, calamités, au contraire, leurs bruits devenoient terribles. Les cheveux dressent encore sur la tête, au souvenir de ces jours de meurtre et de feu, tout vibrans des lugubres cla-. meurs des tocsins. Qui de nous a perdu la mémoire de ces hurlemens, de ces cris aigus entre-coupés de silence, durant lesquels on distinguoit de rares coups de fusils, quelques voix lamentables et solitaires, et sur-tout les sourdes ondulations de la cloche d'alarme , ou l'horloge qui frappoit tranquillement l'heure écoulée ?

Mais dans une société bien ordonnée, le bruit du tocsin , rappelant une idée de secours, frappoit l'ame de pitié et de terreur, et faisoit couler ainsi les deux sources des grandes sensations tragiques.

Tels sont à-peu-près les sentimens que faisoient naître les sonneries de nos temples; sentimens d'autant plus beaux, qu'il s'y mêloit toujours un souvenir confus du ciel. Si les

cloches eussent été attachées à tout autre monument qu'à une église, elles auroient perdu leur sympathie morale avec nos cœurs. C'étoit Dieu même qui commandoit à l'ange des victoires de lancer les volées qui publioient nos triomphes, ou à l'ange de la mort de sonner le départ de l'ame, qui venoit de remonter à lui. Ainsi, par une foule de voies secrètes, une société chrétienne correspondoit avec la divinité, et ses institutions alloient se perdre mystérieusement à la source de tout mystère.

Laissons donc les cloches rassembler les fidèles; car la voix de l'homme n'est pas assez pure, pour convoquer aux pieds des autels, le repentir, l'innocence et le malheur. Chez les Sauvages de l'Amérique, lorsque des supplians se présentent à la porte d'une cabanne, c'est l'enfant du lieu, qui introduit ces infortunés au foyer de son père: si les cloches nous étoient interdites, il faudroit choisir un enfant, pour nous appeler à la maison du Seigneur.

CHAPITRE II.

Du Vêtement des Prêtres et des Ornemens de l'Eglise.

On ne cesse de se récrier sur les institutions de l'antiquité, et l'on ne veut pas s'appercevoir que le culte des chrétiens est le seul débri de cette antiquité, qui soit parvenu jusqu'à nous. Tout, dans l'église, retrace ces âges éloignés, dont les hommes ont depuis long-temps quitté les rivages, et où ils aiment encore à égarer leurs pensées. Si l'on fixe les yeux sur le prêtre chrétien, à l'instant on est transporté dans la patrie des Numa, des Lycurgue, ou des Zoroastre. La thiare montre le Mède errant sur les débris de Suze et d'Ecbatanne; l'aube, dont le nom latin rappelle et le lever du jour et la blancheur virginale, offre de douces consonnances avec les idées religieuses; toujours un majestueux souvenir ou une agréable harmonie, s'attache aux tissus de nos autels.

Pourquoi l'autel chrétien, modelé comme un tombeau antique, pourquoi l'image orientale du soleil vivant renfermée dans nos tabernacles, blesseroient-ils si fort le goût? Nos calices avoient cherché leurs noms parmi les plantes, et le lis leur avoit prêté sa forme;

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