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CHAPITRE VIII.

Saint-Denys.

ON voyoit autrefois, près de Paris, des sépultures, fameuses entre toutes les sépultures des hommes. Les étrangers venoient en foule visiter les merveilles de Saint-Denys. Ils y puisoient une profonde vénération pour la France, et s'en retournoient en disant en dedans d'euxmêmes, comme S. Grégoire : Cette nation est réellement la plus grande entre les nations. Mais il s'est élevé un vent de la colère, autour de l'édifice de la Mort; les flots des peuples ont été poussés sur lui, et les hommes étonnés se demandent encore Comment le temple d'HAMMON a disparu sous les sables des déserts?

L'abbaye gothique où se rassembloient ces grands vassaux de la mort, ne manquoit point de gloire les trésors de la France étoient à ses portes; la Seine passoit à l'extrémité de sa plaine; cent endroits célèbres remplissoient, à quelque distance, tous les sites de beaux noms, tous les champs de beaux souvenirs; la ville d'Henri IV et de Louis-le-Grand étoit assise

dans le voisinage; et l'antre royal de SaintDenys se trouvoit au centre de notre puissance et de notre luxe, comme un vaste reliquaire où l'on jetoit les restes du temps, et la surabondance des grandeurs de l'empire François.

C'est-là que venoient tour-à-tour s'engloutir les rois de la France. Un d'entr'eux (et toujours le dernier descendu dans ces abymes) restoit sur les degrés du souterrain, comme pour inviter sa postérité à descendre. Cependant Louis XIV. a vainement attendu ses deux derniers fils: l'un s'est précipité au fond de la voûte, en laissant son ancêtre sur le seuil; l'autre, ainsi qu'OEdipe, a disparu dans une tempête. Chose digne d'une éternelle méditation! le premier monarque, que les envoyés de la justice divine rencontrèrent, fut ce Louis si fameux par l'obéissance que les nations lui portoient! Il étoit encore tout entier dans son cercueil. En vain , pour défendre son trône, il sembla se lever avec la majesté de son siècle, et une arrière-garde de huit siècles de rois; en vain, son geste menaçant épouvanta les ennemis des morts, lorsque précipité dans une fosse commune, il tomba sur le sein de Marie de Médicis; tout fut détruit. Dieu, dans l'effusion de sa colère, avoit juré par lui-même de châtier la France ne cherchons point sur la terre les

causes de pareils événemens; elles sont plus haut.

Dès le temps de Bossuet, dans le souterrain de ces princes anéantis, on pouvoit à peine déposer Madame Henriette : « tant les rangs y sont pressés, s'écrie le plus éloquent des orateurs; tant la mort est prompte à remplir ces places! » En présence des âges, dont les flots écoulés grondent encore dans ces profondeurs, les esprits sont abattus par le poids des pensées qui les oppressent. L'ame entière frémit en contemplant tant de néant et tant de grandeur. Lorsqu'on cherche une expression assez magnifique, , pour peindre ce qu'il y a de plus élevé, l'autre moitié de l'objet sollicite le terme le plus bas, pour exprimer ce qu'il y a de plus vil. Tout annonce qu'on est descendu à l'empire des ruines; et à je ne sais quelle odeur de poussière, répandue sous ces arches funèbres, on croiroit, pour ainsi dire, respirer les temps passés. Ici les ombres des vieilles voûtes s'abaissent, pour se confondre avec les ombres des vieux tombeaux'; là des grilles de fer entourent inutilement ces bières, et ne peuvent défendre la mort des empressemens des hommes. Ecoutez le sourd travail du ver du sépulcre, qui semble filer dans tous. ces cercueils, les indestructibles réseaux de la mort !

Lecteurs chrétiens! si tout-à-coup, jetant à l'écart le drap mortuaire qui le couvre, ces monarques alloient se dresser dans leurs cercueils, et fixer sur nous leurs regards étincelans, à la lueur de cette lampe sépulcrale? Oui, nous les voyons tous se lever à demi, ces spectres de rois; nous distinguons leur race, nous les reconnoissons, nous osons interroger ces majestés du tombeau. Eh bien ! peuple royal de fantômes, dites-le nous : voudriez-vous revivre maintenant au prix d'une couronne? Le trône vous tente-t-il encore ?... Mais d'où vient ce profond silence? d'où vient que vous êtes tous muets sous ces voûtes? Vous secouez vos têtes royales, d'où tombe un nuage de poussière; vos yeux se referment, et vous vous recouchez lentement dans vos cercueils!

le

Ah! si nous avions interrogé ces morts champêtres, dont naguères nous visitions les cendres, ils auroient percé doucement gazon de leurs tombeaux, et sortant du sein de la terre, comme des vapeurs brillantes, ils nous auroient répondu : « Si Dieu l'or» donne ainsi, pourquoi refuserions - nous de >> revivre ? pourquoi ne passerions-nous pas » encore des jours résignés dans nos chau>> mières? Notre hoyau n'étoit pas si pesant » que vous le pensez; nos sueurs mêmes

» avoient leurs charmes, lorsqu'elles étoient essuyées par une tendre épouse, ou bénies » par la religion. »

Mais où nous ont entraînés de futiles descriptions de ces tombeaux déja effacés de la terre? Elles ne sont plus ces fameuses sépultures. Les petits enfans se sont joués avec les os des puissans monarques: Saint-Denis est désert. Au lieu de l'éternel cantique de la mort, qui retentissoit sous ces dômes

on

n'entend plus que les gouttes de pluie, qui tombent par son toit découvert, ou le son de son horloge, qui va roulant dans les tombeaux vuides et les souterrains dévastés.

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