Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

V. Pouvoir

Ce serment prouve sans doute que les Papes des siècles postérieurs, comme ceux des premiers, se croyaient obligés par la force légale attachée aux lois ecclésiastiques.

Ainsi s'évanouissent ces maximes excessives qui tendent à donner au gouvernement du Souverain Pontife le caractère de l'arbitraire et du bon plaisir, et à rendre odieuse l'autorité la plus nécessaire et la plus vénérable qui soit dans l'Église. Une des plus grandes gloires du clergé français, sans contredit, c'est d'avoir toujours repoussé, toujours combattu énergiquement ces funestes et dangereuses maximes, et de leur avoir toujours opposé l'inviolable autorité des saints canons.

Cependant, quelque inviolable que soit cette autode dispense. rité, il faut bien reconnaître, et il est reconnu par tout le monde qu'il peut naître des circonstances qui rendent des dispenses nécessaires. Le législateur n'a pu tout prévoir; et quand des exceptions deviennent nécessaires, on peut raisonnablement présumer que le législateur les aurait admises lui-même s'il les eût connues. La dispense n'est donc pas l'abolition de la loi; elle n'en est qu'une sage et bénigne interprétation, qui lui donne même une force nouvelle exceptio confirmat regulam.

Le pouvoir d'accorder ces dispenses nécessaires ou utiles appartient naturellement au chef suprême de l'Église; à celui qui étant le gardien des saints canons, est mieux placé que personne pour juger dans quels cas on doit ou on peut en adoucir la rigueur.

Ce pouvoir de dispenser peut, dans certains cas VI. Dictature. extrêmes, se transformer en une vraie mais passagère dictature. En vertu de la plénitude de sa puissance, le Pape peut se mettre momentanément audessus des lois positives, lorsque le salut des Églises demande ces procédés extraordinaires. La légitimité de cette dictature, dans une évidente nécessité, a été reconnue par le plus grand ennemi de l'arbitraire dans le gouvernement de l'Église, par le plus puissant défenseur des canons, par Bossuet lui-même. « Nous accordons, dit-il, que le Pape peut tout dans le droit ecclésiastique, lorsque la nécessité le demande 1. » Mais, même dans ces nécessités extrêmes, Bossuet, d'accord avec la raison, ne veut pas que le Pape puisse tout sans loi et sans mesure: Non ita sane ut omnia sine lege modoque possit 2.

La dictature, qui commence avec la nécessité, finit avec elle; et au sortir de ces crises, les canons reprennent leur empire légitime sur l'Église et sur le Pape lui-même.

Des principes que nous venons de poser, il ne faut pas conclure cependant que le Souverain Pontife n'a pas la puissance d'établir les lois nouvelles qui peuvent être demandées par les besoins de l'Église, et d'abroger les lois anciennes qui ne répondent plus à ces mêmes besoins.

La discipline ecclésiastique n'est pas, de sa nature,

1 Concedimus enim in jure quidem ecclesiastico, Papam nihil non posse, cum necessitas id postularet. Defens. Declar., lib. 11, cap. xx. 2 Defens. Declar., lib. x, cap. xx1; lib. 11, cap. XVI.

[ocr errors]

VII. Lois nouvelles.

VIII. Lois

et coutumes

particulières.

invariable. De grands changements disciplinaires se sont opérés dans le passé par la force des choses, par l'autorité des Souverains Pontifes et de l'Église. L'avenir peut en amener encore; et ils seront légitimes quand ils auront en leur faveur cette même autorité.

Dans ces graves circonstances, le Souverain Pontife s'inspirera toujours du véritable esprit de la législation ecclésiastique, comme des vrais intérêts de l'Église; et il sera toujours le premier et le principal juge de la nécessité ou de l'utilité de ces changements'.

C'est sur ce caractère variable de la discipline ecclésiastique que se fondent principalement les théologiens pour accorder au Pape un empire absolu sur les canons. Mais c'est ici que se montrent clairement la faiblesse et même la contradiction de leur doctrine. Les lois dogmatiques tirent sans doute leur caractère immuable de leur nature, mais aussi de l'autorité souveraine et infaillible qui les décrète. Les lois disciplinaires, qui, par leur nature, n'ont pas la même immutabilité, émanent cependant de la même autorité; et, tant qu'elles sont en vigueur, elles doivent être observées par tous avec un respect profond et une fidélité inviolable.

Si les Souverains Pontifes doivent gouverner des Eglises l'Église universelle conformément aux canons faits par l'Esprit de Dieu et consacrés par le respect général du monde entier, il est aussi de la grandeur du Saint-Siége de laisser subsister les lois et les cou1 Voir supra, p. 52 à 57.

tumes des Églises particulières, quand ces lois et ces coutumes sont établies du consentement du SaintSiége et des Églises '. Le respect de ces coutumes vénérables des Églises particulières a été inculqué de la manière la plus frappante par les conciles de Nicée, d'Éphèse, de Chalcédoine Suis privilegia serventur Ecclesiis, dit le premier de ces saints conciles. Le grand Pape saint Grégoire s'inspirait de cette tradition, quand il écrivait à un évêque de Carthage : « Si nous sommes attentifs à défendre nos priviléges, nous n'avons pas moins de zèle à maintenir les droits de chaque Église. » Et dans un autre endroit : « A Dieu ne plaise que je viole les décrets de nos Pères, au préjudice d'aucun de mes confrères; car je ne pourrais troubler mes frères dans la possession de leurs droits, sans me faire tort à moi-même 3.

Il n'est jamais inutile de rappeler ces grandes maximes et ces grands exemples de la liberté ecclésiastique.

1 Quæ Sedis Apostolicæ et Ecclesiarum consensione firmentur. Defens. Declar., lib. 11, cap. XII.

2 LABBE, Conc., t. II, Conc. Nic.

3 Sicut ab aliis nostra exigimus, ita singulis sua jura servamus. GREG. MAG., lib. 11, Epist. 48, al. 29. Absit hoc a me ut statuta majorum consacerdotibus meis in qualibet Ecclesia infringam; quia mihi injuriam facio, si fratrum meorum jura perturbo. Ibidem, lib. 11, Epist. 52, al. 37.

[blocks in formation]

I. Troisième conséquence

du système

absolu.

SOMMAIRE.

CHAPITRE XI.

IRRESPONSABILITÉ ABSOLUE DU PAPE.

I. Troisième conséquence du système absolu : le Pape n'a pas de juge sur la terre. - II. Les antiques maximes sur l'indépendance absolue de la personne du Pape de tout jugement ecclésiastiques et leur vrai sens. - III. Les maximes antiques sur l'examen des décrets pontificaux et leur vrai sens. IV. Doctrines des théologiens de l'école romaine sur les cas où il est permis de juger le Pape. - V. Les traditions et les faits conciliaires dépassent les aveux des théologiens cités. - VI. Conclusion.

[ocr errors]

L'école extrême a déduit de la supériorité absolue du Pape sur le concile général et sur les lois ecclésiastiques une troisième conséquence, qui consiste à affirmer que le Pape n'a pas de juge sur la terre. Quoique la solution de cette question soit déjà implicitement renfermée dans les conclusions des deux chapitres précédents, il est cependant nécessaire de lui accorder une attention spéciale, afin de ne rien laisser d'incomplet dans ces graves matières.

L'affirmation de l'immunité absolue du Pape de tout jugement ecclésiastique doit paraître bien étrange au lecteur qui a étudié notre histoire des conciles généraux et suivi avec attention les discussions précédentes. Cependant il est nécessaire de soumettre à un examen direct cette nouvelle thèse, qui complète la théorie de la monarchie absolue.

Pour établir cette thèse, les théologiens extrêmes ont recours à plusieurs maximes d'une haute anti

« ZurückWeiter »