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XVI.

Toutes les critiques que nous venons de discuter reposent sur une notion de la judicature épiscopale, exposée par l'auteur au début de ses articles. Ces critiques n'auraient une valeur réelle qu'autant que cette notion fondamentale serait vraie elle-même. Or nous avons démontré que cette notion de la judicature épiscopale est contraire à l'histoire, et qu'elle est condamnée par le sens commun.

Le R. P. Matignon vient de publier ses deux articles en brochure sous ce titre : L'infaillibilité papale et ses nouveaux adversaires. Ce titre aurait été complétement loyal s'il eût exprimé que les adversaires dont il s'agit ne contestent qu'une certaine manière d'entendre l'infaillibilité pontificale, un certain système d'infaillibilité, et non point cette infaillibilité dans ses justes limites, dans ses conditions normales.

CHAPITRE II.

LA CIVILTA CATTOLICA.

La revue romaine qui porte le titre de Civilta cattolica nous a fait aussi l'honneur de s'occuper de notre livre. Dans son numéro du 6 novembre, elle consacre une étude à l'examen de notre Mémoire. Remarquons d'abord que le ton général de cette dis

cussion est digne et convenable; il est juste de le constater 1.

Cependant, dès le début de son article, l'habile rédacteur de la Civilta nous reproche de n'avoir pas reproduit et discuté complétement les arguments triomphants que le cardinal Orsi a opposés à ceux de Bossuet, dans la Défense de la Déclaration de 1682. Nous avons cru inutile de recommencer un travail qui a été fait et très-bien fait par un collègue d'Orsi, par le cardinal de la Luzerne. Nous avons dit, et nous maintenons, qu'il n'y a pas un seul argument d'Orsi qui n'ait été discuté et réfuté par un écrivain qui était son égal en dignité, comme en science. Il peut paraître étonnant que le rédacteur de la Civilta passe sous silence l'œuvre de la Luzerne, comme si elle n'existait pas. En omettant ainsi les pièces principales du procès, le rédacteur de la Civilta peut se donner le plaisir de dire que notre Mémoire est réfuté d'a

vance.

Il déclare donc qu'il n'écrit pas pour les théologiens, mais pour les hommes du monde que notre livre pourrait étonner et troubler.

Notre habile critique présente d'abord à ses lecteurs un aperçu général de l'objet de notre livre. Il constate que les deux volumes publiés sont consacrés à une étude de la constitution de l'Église, et que cette étude a pour but de découvrir et de démontrer le vrai caractère de cette constitution, et les dangers

1 La Civilta cattolica, Del concilio generale e della pace religiosa, Memoria di monsignor Maret, 6 novembre 1869.

que certains projets de nouvelles définitions feraient courir, selon notre opinion, à cette divine économie.

Est-il nécessaire de le répéter ici? Toutes ces études ont eu pour résultat d'établir que l'Église est une vraie monarchie tempérée d'aristocratie, que les droits de la papauté et ceux de l'épiscopat se trouvent nettement définis et déterminés et par l'Écriture et par la Tradition, dont le vrai sens nous est surtout donné par les actes des conciles généraux relatifs à l'exercice de la souveraineté spirituelle.

Le Pape, avons-nous dit, possède dans l'Église, dans le concile et sur le concile, tous les droits de sa primauté divine. Mais l'épiscopat possède aussi des droits divins; et le concile, dans certaines circonstances déterminées, exerce certains droits sur le Pape lui-même. De là résulte une autorité souve raine équilibrée et pondérée; et, en définitive, le Pape avec les évêques est supérieur au Pape tout seul.

Cette conception fondamentale nous paraît contenir la conciliation des deux grandes écoles rivales. L'écrivain de la Civilta reconnaît que cette conciliation est le but de nos travaux, de nos efforts. Mais il la déclare et la proclame chimérique. Dans cet ordre de questions, dit-il, tout tempérament est impossible'.

Nous aimons la franchise et la hardiesse de cette déclaration, au moment même de l'ouverture d'un concile général; et nous les préférons de beaucoup aux habiletés du R. P. Matignon.

1 La Civilta cattolica, 6 novembre 1869, p. 261.

Le savant critique affirme donc que notre doctrine de conciliation retombe forcément ou dans la doctrine absolutiste, ou dans le pur gallicanisme, c'est-à-dire dans la doctrine de la supériorité absolue du concile sur le Pape. Et comme évidemment il ne peut pas nous ranger sous le drapeau de l'absolutisme, il emploie toute son habileté, toute sa dialectique à nous pousser dans ce qu'il appelle le pur gallicanisme, et même, malgré nous, dans le gallicanisme hétérodoxe.

Nous acceptons de grand cœur la question telle qu'elle est posée par la Civilta. Nous allons lui prouver qu'il nous est facile de briser son dilemme, et de maintenir ferme le drapeau de la conciliation que nous osons élever dans ces circonstances solennelles et décisives.

Tout l'art et la force apparente de notre critique consiste à faire sortir de notre doctrine, comme ses conséquences naturelles, la diminution des droits de la papauté, son abaissement, son assujettissement à l'épiscopat. De ces conséquences, il est facile de déduire ensuite le renversement de la vraie constitution de l'Église, qui serait régie par une aristocratie souveraine, qui elle-même irait se fondre dans une démocratie absolue.

Telle est la portée de l'accusation contenue dans l'article que nous discutons, et dont les formes polies ne peuvent pas déguiser la gravité. Si nos principes contenaient de pareilles conséquences, nous les re

nierions sans hésiter, parce qu'elles sont destructives de l'Église, telle que le divin Maître l'a fondée. Mais ce n'est que par un abus de la logique qu'on peut essayer de les déduire de notre doctrine.

Le lecteur reconnaîtra sans peine ici le procédé par lequel le R. P. Matignon a voulu battre en ruine la doctrine exposée dans notre livre. Le fond de l'article de la Civilta est exactement le même que celui des Études. Seulement, dans la Civilta, la pensée se présente plus nette, plus forte, plus hardie, plus conséquente. Aussi la discussion avec elle est plus facile, et peut être terminée sans trop de longueur.

Nous ne craignons pas de dire que le rédacteur de la Civilta se montre, ou par la nature de son esprit, ou par les exigences de sa position, radicalement incapable de comprendre la monarchie réellement et efficacement tempérée. Il n'y a pour lui de monarchie que la monarchie la plus absolue. Rien de nouveau sans doute dans cet esprit exclusif et violent. Heureusement il sera facile de le combattre aujourd'hui, comme il l'a été toujours.

On nous accuse donc d'attribuer à l'épiscopat une autorité vraie et proprement dite sur le Pape dans le concile général'.

L'Église est-elle née d'hier? Les principes constitutifs de la souveraineté spirituelle n'ont-ils pas eu le temps de se développer dans une durée de dix-neuf

1 La Civilta cattolica, p. 262.

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