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dépourvu de tout enseignement, dénué de toute TRADITION, L'homme ainsi dépouillé serait un être hors de sa nature, un être CHIMERIQUE (Dign., p. 365). Et encore de plus en plus :

Aristote et Platon n'étaient pas dépourvus de toute tradition, car qu'est-ce que l'homme sans la tradition? II N'EST PAS (Théodicée, p. 130).

Nous demandons si aucun des Traditionalistes qu'il combat (sans citer leurs paroles), a jamais dit quelque chose d'aussi fort.

Est-ce assez de confusions et de contradictions? Non, il nous reste à apprendre de la bouche même de M. l'abbé Maret, que toute la théorie qu'il a soutenue et développée dans toutes ses leçons à la Sorbonne et dans tous ses volumes ne s'applique pas à l'état actuel historique de l'homme. Il n'a jamais voulu parler que d'un état logique et abstrait.

C'est la puissance logique de la raison que nous voulons étudier en ce moment, et non pas son développement historique. Nous arriverons aujourd'hui à un résultat plutôt abstrait que réel, plutôt logique qu'historique (p. 367).

Telle est l'œuvre de M. l'abbé Maret. Mais il n'est pas en sa puissance de poser des principes et puis de les circonscrire et de les limiter selon son bon plaisir. Il l'a dit lui-même :

La logique est une force supérieure à celle de l'homme, même fùt-il doué des dons du génie (p. 319).

Et, en effet, c'est l'état logique, formulé par M. l'abbé Maret, qui est adopté par les Ontologistes, et les Rationalistes de toute sorte; c'est toujours la raison, écoulement de la substance divine, participation non de ressemblance, mais réelle de la raison divine etc.; c'est celui sur lequel sont basés tous les cours de philosophie, qui n'enseignent qu'une religion naturelle; c'est celui qui est adopté et mis en pratique par tous les gouvernements, c'est en dépit de ses assertions, celui-là même qui est la pensée intime de M. l'abbé Maret, qu'il formulle nettement en ces termes :

La connaissance de l'existence Dieu, des premiers devoirs moraux, de l'immortalité de l'âme, forme donc le domaine propre de la raison dans l'ordre de la vérité naturelle, religieuse et morale. L'homme, par sa propre nature, par sa propre essence, par la nécessité des idées et de leurs conséquences, est donc en possession des éléments de la vie intellectuelle, religieuse, morale. I y a donc des réalités, des vérités religieuses et morales, naturelles, essentielles à la raison et à la conscience (p. 373).

Voilà la pensée intime de M. l'abbé Maret, dans son livre: De la dignité de la raison humaine.

On comprend pourquoi nous ne voulûmes pas alors analyser un tel livre. Nous nous bornâmes à publier un article, qui parut dans la Revue de l'instruction publique, dans lequel un rationaliste déterminé, M. Frédéric Morin, le félicitait de ses principes, et l'invitait à en tirer les conséquences, en devenant tout à fait rationaliste 1.

XI. M. l'abbé Maret en 1860 et 1861.

Le gouvernement vit bien que c'était là l'homme de sa philosophie et de sa théologie. Aussi, par décret impérial du 25 mai 1860, contresigné Rouland, ministre des cultes, M. l'abbé Maret fut nommé évêque de Vannes. Ce décret souffrit d'abord quelque difficulté, car il ne fut inséré au Moniteur qu'un mois après, le 25 juin 2.

Le Saint-Père ne crut pas devoir ratifier cette nomination. Nous n'avons pas à en dire les motifs. Nous nous bornons à publier la lettre que M. l'abbé Maret écrivit à ce sujet à MM. les Vicaires généraux de Vannes qui l'avaient supplié de donner sa démission; c'est une pièce essentielle dans cette revue que nous faisons des opinions de M. l'abbé Maret, et nous ne devons pas lui en refuser le bénéfice; c'est d'ailleurs la seule pièce connue de son quasi-épiscopat de Vannes.

Paris, 9 avril 1861.

Je m'empresse de répondre à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 5 avril, et dans laquelle j'ai trouvé des sentiments qui me sont toujours bien chers. Je conçois l'inquiétude des esprits dans le diocèse de Vannes, et je suis heureux de pouvoir vous donner sur-le-champ des explications, qui, j'en ai l'espérance, pourront contribuer à la calmer.

Par l'ajournement de ma préconisation, je me suis trouvé dans la position la plus pénible et la plus difficile. J'avais à concilier entre eux les devoirs les plus graves et les plus délicats: le dévouement sans bornes, l'inviolable fidélité qui sont dus à l'Église et à son Chef; le respect sincère des droits Concordataires du Souverain et la reconnaissance pour son bienfait; la défense légitime, nécessaire, de mon honneur d'homme, de prêtre et d'écrivain; enfin, le vif intérêt que devait m'inspirer un diocèse dont la Providence semblait vouloir me confier le gouvernement.

En gardant, devant les plus injustes accusations et le public, la dignité du silence; en m'abstenant, comme je le devais, de m'immiscer dans des négo

Voir Annales, t. XIV, p. 266 (4° série).

2 Voir Ami de la religion du 26 juin, t. v, p. 696.

ciations de puissance à puissance, voici, Messieurs, ce que j'ai fait pour rester conséquent avec moi-même et pour satisfaire à des obligations sacrées.

Le 29 juin 1860, j'ai adressé au Saint-Père un Mémoire explicatif et justificatif, mais incomplet, parce que je ne connaissais pas alors toutes les fausses allégations portées contre moi. Ce n'est qu'avec neuf mois d'attente, et le 23 février dernier, que les principales sont venues à ma connaissance. J'ai donc écrit de nouveau au Saint-Père. Dans cette lettre, après avoir répondu à tous les griefs qui me sont connus, je dépose aux pieds du vicaire de JésusChrist, du Souverain-Pontife, les témoignages de ma foi, de ma fidélité, et de mon obéissance au Siége apostolique; de mon attachement à ses prérogatives et à ses droits. Je termine en abandonnant entre les mains du plus juste et du meilleur des pères, ma cause, mon avenir, ma vie, mon honneur, et je lui déclare que je ne désire et ne demande que l'accomplissement de la volonté de Dieu, dont sa décision suprême sera pour moi la manifestation. Cette lettre n'a pu partir pour Rome que le 19 mars dernier.

En même temps que je présentais au Saint-Père ma défense, avec l'hommage de ma fidélité, j'écrivais à l'Empereur, une première fois, le 27 juin 1860, c'està-dire deux jours après l'insertion du décret de ma nomination au Moniteur; une seconde fois, le 25 janvier dernier, au moment où les informations canoniques des Évêques, nommés après moi, venaient d'être autorisées par le Pape. Dans ces deux lettres, je déclare à Sa Majesté que je ne devais et ne pouvais pas être un obstacle à la bonne harmonie entre son gouvernement et celui du Saint-Siége; que le veuvage prolongé d'une Eglise qui m'est chère et qui m'avait donné des témoignages de respect et de confiance, était pour moi le sujet d'une amère douleur, et que, pour mettre fin à une situation pleine d'inconvénients, j'étais prêt à me conformer aux ordres et aux intentions du Pape et de l'Empereur.

Voilà, Messieurs, les démarches que le sentiment de mes devoirs et de la grave responsabilité qui pèse sur moi, surtout dans les circonstances actuelles, m'ont inspirées; voilà comme j'ai cru pouvoir concilier ce que demandaient mon honneur et mes obligations envers le Pape, envers l'Empereur, envers l'Église et l'État, et à l'égard du diocèse de Vannes.

J'attends maintenant, avec le plus grand calme, la décision du SouverainPontife. Si le Vicaire de Jésus-Christ m'envoie vers vous, malgré mon Indignité, j'espère, Messieurs, que les préventions qu'on a pu concevoir contre moi s'évanouiront quand on me connaîtra; nous ne serons tous, j'en ai la confiance, qu'un cœur et qu'une âme pour nous consacrer à la gloire de Dieu et au salut des âmes.

Si le Saint-Père, toujours par des motifs dignes de sa sagesse, persévère dans les dispositions qu'il a paru manifester jusqu'ici, je ne doute pas que l'Empereur ne nomme à Vannes un autre prélat, un prêtre digne de gouverner cet important Diocèse ; et j'applaudirai de tout mon cœur à une détermination et à un choix qui émaneront uniquement des vues les plus hautes et les plus pures de la conciliation et du bien.

Telles sont, Messieurs, les explications que je puis vous donner, et que je vous prie de porter à la connaissance du clergé diocésain. J'ose espérer que,

devant la sincérité et la loyauté de ces explications, l'agitation des esprits cessera parmi vous, et que, peut-être le clergé de Vannes, pour qui je professe tant d'estime, à qui j'avais donné ma plus profonde sympathie, au bonheur duquel je me voulais consacrer tout entier, regrettera la pression qu'il a voulu un moment exercer sur moi.

Veuillez agréer, etc.,

H. MARET',

Nonobstant le Mémoire justificatif et les Lettres, la nomination de M. l'abbé Maret ne fut pas confirmée, et le 10 juin 1861, M. l'abbé Dubreuil fut nommé à l'évêché de Vannes, « vacant est-il dit, par la démission de M. l'abbé Maret 2. » En compensation « et comme éclatante preuve de sa paternelle » justice, »dit l'Ami de la religion, S. S. Pie IX nomma M. l'abbé Maret évêque de Sura, dans le pays des infidèles (in partibus infidelium) 3, et il fut sacré en cette qualité dans l'église de la Sorbonne, le 25 août. Un décret du même jour le nomma chanoine du 1er ordre au chapitre impérial de Saint-Denys, honneur ajouté à celui de professeur et doyen de la faculté de théologie de la Sorbonne 5.

XII. Mgr Maret en 1869.

Mgr Maret avait dit à la fin de son volume sur la Dignité de la raison humaine :

Nos travaux futurs n'auront d'autre objet que de démontrer l'existence de la révélation surnaturelle et chrétienne, dont nous avons justifié la possibilité, la nécessité morale. Nous consacrerons tous nos efforts à établir la divinité de ce Christianisme, dont la grandeur et l'excellence viennent de se révéler à notre raison et à notre cœur (p. 529).

Mais voici qu'il change d'avis, il ne dit pas pourquoi, et publie l'ouvrage suivant :

Du Concile général et de la paix religieuse; -1" partie La constitution de l'Eglise et la péridiocité des Conciles généraux.

Ami de la religion du 23 mai 1861, t. ix, p. 454.

2 Ami de la religion du 11 juin 1861, t. ix, p. 605.

3 Ami, no du 27 août, t. x, p. 490.

4

Sura, petite ville ruinée sur l'Euphrate, dont on ne connait que deux évêques, l'un, Uranius, qui assista au concile de Chalcedoine, et l'autre, anonyme, qui fut trompé par Chosroès, qui détruisit la ville. (Voir Geographia Sacra d'Holstenius, p. 292, in-fol. Amsterdam, 1707, et Procop. Bellum Persicum, 1. 11, c. 5, t. 1, p. 99, in-fol., Paris, 1662.)

'Ami du 29 août, t. x, p. 495.

Mémoire soumis au prochain Concile œcuménique du Vatican 1.

Nos lecteurs connaissent maintenant les principes et le but de Mgr Maret et de son école : la raison est un écoulement de la lumière ou substance de Dieu; elle est une participation divine, impliquant non la similitude, mais la présence même de la lumière divine.

C'est la lumière de chaque individu.

Cela étant, ce n'est ni à un pape infaillible, ni à une Eglise infaillible qu'il faut demander la vérité. C'est là une conséquence inexorable.

Or, nous allons voir que ce sont ces principes que Mgr Maret établit dès le principe dans son ouvrage.

En effet, comme le P. Hyacinthe, Mgr Maret, dès sa Préface, fait appel aux « aspirations de notre nature et se plaint qu'elles >> restent sans objet déterminé. Il déplore de voir l'âme hu» maine flottante au gré des doctrines et des tendances les plus » contraires (p. 1). » Avec raison, il fait remarquer que ce qui manque « à la famille, à la société, c'est Dieu, Dieu lui-même. » Sa place est presque vide dans les esprits et dans les cœurs » (p. 11.) »

Recherchant ce qui a sauvé le monde païen, il fait remarquer que c'est l'Evangile et la Croix de Jésus-Christ; mais il ne dit pas que c'est par l'enseignement et la parole, il n'y voit que le mouvement philosophique, « Dieu replacé dans l'âme >> humaine, par un rayonnement prodigieux de vérité, de jus>> tice, de paix et d'amour (p. 11). »

Sans vouloir rechercher les causes qui ont amené la décadence de la société actuelle, il dit avec raison : « Une part » terrible de responsabilité dans ces malheurs incombe aux >> hommes qui ont représenté, dans le monde chrétien, et l'u»nité et la foi, et la religion (p. 1). »

Pour remédier à cet état de choses, il conclut qu'une impulsion divine est devenue nécessaire, et c'est par ce mot tout philosophique qu'il qualifie le Concile que Pie IX vient de convoquer.

Aussi ce Concile est appelé à faire une œuvre de lumière, 12 vol. in-8°, Paris, Plon, 1869.

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