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qu'Innocent III, en 1204, consacra encore une fois entre les mains de Hugues d'Anjou. On a même conservé quelques pièces d'argent de fabrication clunisoise. Elles portent d'un côté pour légende: Petrus et Paulus, et sur l'autre face: Cœnobio Cluniaco. A Souvigny même, qui ne fut que l'une des principales filles de Cluny, on fabriquait aussi de la monnaie avec cette inscription: Sanctus Maïolus. Nous rencontrerons bientôt à cet égard un acte exprès de la puissance royale.

L'influence de ces temps de croisades ne permit point à Guillaume d'Alsace de conserver longtemps la succession de Hugues d'Anjou. Il fut contraint d'abdiquer, et se vit remplacer, en 1215, par Gérold de Flandre, qui comptait dans ses alliances les maisons de Flandre, de Champagne et de Bourgogne. Il fut autorisé à exercer le droit de correction, jus correctionis, sur l'abbaye de Saint-Germain d'Auxerre, par Innocent III. Le pape le délia aussi du serment que lui avaient imposé ses électeurs, de conserver les statuts de Pierre-le-Vénérable, qui, ce semble, étaient toujours demeurés chers au couvent. Il délivra l'abbaye du fardeau de ses dettes, de douze mille marcs d'argent et multò amplius, dit la chronique. Alphonse, roi de Léon, s'engagea à payer, chaque année, à Cluny, au chapitre général de Bénévent, vingt marcs d'argent; et Ferdinand II, roi de Castille, promit un tribut annuel de trois cents pièces d'or. Mais il se laissa trop tôt gagner par l'humeur inquiète et changeante de cet âge d'aventures. De l'évêché de Valence, il devint patriarche de Jérusalem, où il fut enterré en 1130 dans l'église du Saint-Sépulcre.

Dans cet intervalle, le pouvoir abbatial passa, sans s'y arrêter beaucoup, en des mains bien diverses. Rolland de Hainault, issu de ces races belliqueuses d'Anjou et de Flandre qui conquirent la Terre-Sainte et régnèrent à Jérusalem, n'a marqué son passage que par la construction de l'avant-nef qu'il ajouta, comme nous l'avons dit, à l'église du monastère. Il fut l'un des commissaires nommés par le Saint-Siége pour arriver à la canonisation de Robert, fondateur de Cîteaux. En 1790, on le voyait encore à Cluny, sur son tombeau de pierre,

revêtu d'une tunique parsemée de croix de Jérusalem, avec deux lions de Hainault couchés à ses pieds.

Barthélemy de Floranges, qui profita de l'abdication de Rolland, était aussi attaché à la maison de Flandre et à l'illustre famille des Courtenay. Son règne, de deux années, ne fut séparé de celui de deux autres membres de la race des Courtenay que par deux abbés que l'on choisit dans la maison seigneuriale de Brancion, l'une des plus illustres de Bourgogne, et très-honorablement nommée dans les croisades.

Étienne de Brancion, vingt-troisième abbé de Cluny, était allié aux ducs et aux comtes de Bourgogne, et frère de ce Josserand de Brancion, duquel le sire de Joinville, son neveu, raconte le courage et la mort, au premier voyage du roi Louis IX en la terre sainte, et rapporte qu'il lui disait en mourant qu'il avait été en trente-six batailles et journées de guerre, desquelles souventefois il avait emporté le prix d'armes. Josserand avait déjà suivi l'empereur Baudouin au voyage d'outre

mer.

Etienne de Berzé succéda immédiatement à Etienne de Brancion, son oncle par les femmes.

L'accession de ces deux hommes au siége abbatial de Cluny favorisa surtout les intérêts territoriaux du monastère : ce fut entre leurs mains que la maison de Brancion, si voisine et si riche de possessions, livra aux mains des abbés, ses parents, par transaction ou par vente, une multitude de terres et de droits féodaux, dans les villages autour de Cluny, en terminant ainsi, sous la caution d'Eudes, duc de Bourgogne, tous les vieux différends que cette noble famille avait à régler avec l'église de Cluny.

Il ne se peut dissimuler toutefois que ces soins de la terre, que tous les hommages féodaux offerts encore à l'abbaye par Humbert, seigneur de Beaujeu, pour la ville de Thoissey, et plusieurs autres concessions des seigneurs de Berzé et de Bussières, ne rétablissaient pas les pieuses pratiques du cloître.

Aussi le pape Grégoire IX, en 1232, proposa-t-il, dans une bulle formelle, de prendre les règlements de l'ordre de Ci

teaux pour réformer celui de Cluny, et alla-t-il jusqu'à ordonner d'appeler au premier Chapitre général trois prieurs de l'ordre des Chartreux pour aider à faire le nouveau règlement. Le relâchement monastique était donc bien profond alors! Innocent III lui-même, avant de mourir, avait déjà tenté, dans le concile de Latran, la réforme universelle des monastères.

Les deux frères Hugues et Aymard de Courtenay, qui régnèrent à Cluny de 1236 à 1245, n'étaient pas faits pour remédier au mal. Ils étaient tous deux fils de Pierre II, de Courtenay, qui devint empereur de Constantinople; tous deux ils s'étaient abandonnés aux plaisirs du siècle avant de faire profession de foi monastique.

La vie d'Aymard de Courtenay, à Cluny, fut bien obscure et peu agitée. Il n'en fut pas tout à fait ainsi du premier des deux frères. Quoique la chronique du monastère ne mentionne sous son règne qu'une éclipse de soleil qui donnait à tous les visages une couleur de safran, Hugues de Courtenay fit un voyage de Rome, pendant lequel les soldats de l'empereur Frédéric II le retinrent prisonnier en pleine mer, à Meloria, avec une foule de prélats français que Grégoire IX avait mandés à Rome dans un concile convoqué pour détrôner l'empereur. Les négociations de saint Louis obtinrent la liberté des évêques et des prélats français. Il faut que Hugues ou Frédéric n'aient pas eu de rancune, car l'histoire rapporte que l'empereur employa l'abbé de Cluny comme ambassadeur, pour marier sa fille Isabelle avec Conrad, élu roi des Romains et roi de Jérusalem. Il ne tarda point à échanger l'abbaye de Cluny contre l'évêché de Langres, et peu soucieux encore de résider dans son diocèse, il courut mourir à Damiette.

Cependant, depuis les cent années qui nous séparent de Pierre-le-Vénérable, les rois de France n'étaient pas restés inactifs. Saint Louis venait d'acquérir le comté de Mâcon, de Jean de Dreux, qui était allé s'éteindre à la Terre Sainte, et le jeune roi de France devenait ainsi le voisin formidable du vieux monastère. Cet événement ne fut pas étranger à l'élec

tion de Guillaume de France, petit-fils de Philippe Auguste, et cousin de Louis IX.

Guillaume de France ne fit point pour l'abbaye, dans son gouvernement de douze années, tout ce que son nom semblait promettre. Il était pourtant renommé pour son esprit et la bonté de son caractère; et ses bonnes manières lui gagnaient tous les cœurs. Il se montrait, si l'on en croit la tradition, très-libéral à donner, modeste et affable à parler, discret à commander, et circonspect à agir. Il ne démentit point la vocation sincère qui l'avait enlevé aux vanités du siècle, et son crédit ne fut pas inutile, soit pour obtenir des papes Innocent IV et Alexandre IV la confirmation des priviléges clunisois, soit pour se plaindre au roi de France des injures du duc de Bourgogne. Avant d'être nommé évêque d'Olive, in Achaid, il assiste au concile de Valence, où il est exécuteur testamentaire du fameux Raymond, comte de Toulouse, mourant et pénitent, après qu'il eut succombé sous les coups de sa grande défaite religieuse.

Mais le fait historique le plus important qui puisse consacrer la mémoire de l'abbé Guillaume de France, ce fut la grande hospitalité que l'abbaye de Cluny, en une grave conjoncture, offrit sous son règne, tout à la fois au pape et au roi de France, hospitalité merveilleuse qui fit du bruit en son temps, que l'on trouve rappelée jusque dans les contes de Boccace, et qui mérite que nous nous y arrêtions tout à loisir.

CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.

Saint Louis et Innocent IV séjournent à Cluny avec une foule de rois, de princes, de cardinaux et d'évêques. - Innocent IV, au sortir du concile de Lyon, fait déposer à Cluny une copie collationnée de toutes les donations, chartes et priviléges concédés à l'église romaine.

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L'empereur Frédéric II avait poussé à bout la puissance papale. Innocent IV avait fai de Rome, emportant en son cœur un ressentiment profond. Les combats de Grégoire VII avec l'empereur Henri IV, d'Alexandre III avec Frédéric Barberousse, semblaient revenus. Innocent cherchait dans toute la chrétienté un lieu convenable et indépendant où il pût convoquer l'Église, et venger l'abaissement du sceptre pontifical. Lyon, ville archiepiscopale, libre de tout autre pouvoir immédiat, fut choisie par le souverain pontife. Ce fut là qu'Innocent IV, dans l'été de 1245, ouvrit en personne un concile général dans le réfectoire du couvent de Saint-Just. La grande intention de ce concile était la déposition de l'empereur, qui fut en effet proclamée. Les affaires de la Terre-Sainte y prirent la moindre place; aussi la plupart des évêques d'Allemagne et d'Angleterre, et tous les prélats gibelins, n'y parurent point. Saint Louis lui-même ne consentit pas à s'y rendre. Il avait au fond du cœur le sentiment de l'indépendance royale aussi fortement gravé que les vertus chrétiennes. Déjà auparavant, lorsque Grégoire IX avait excommunié Frédéric, et délié les sujets de l'empire du serment de fidélité, en offrant la couronne impériale au comte Robert, frère du roi de France, le saint roi avait repoussé ces offres séduisantes des envoyés de Grégoire, s'étonnant de l'audace téméraire du pape qui osait déshériter et précipiter du trône un aussi grand prince qui n'a point de supérieur ou d'égal parmi les chrétiens. Saint Louis redoutait même, à en croire les historiens, que le souverain pontife pé

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