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Note B, page 38.

Ce que saint Odilon avait fait pour la mémoire de son prédécesseur, il voulut aussi le faire pour cette impératrice Adélaïde qui l'avait tant aimé. Je traduis quelques passages de ce panégyrique.

Dieu qui dispose toutes choses, et dispense souverainement l'honneur et la gloire, voulut, de notre temps, et tandis que le premier des Ottons portait heureusement le sceptre de la république romaine, placer dans une femme un modèle de vénération et de splendeur; car ce fut alors que vécut l'impératrice Adélaïde, de sainte et très-célèbre mémoire, pour être, après Dieu, la cause et l'excitation du bien qui se fit en notre âge, et des vertus qui y brillèrent. Dans mon empressement à recommander, par mes écrits, cette grande reine à la mémoire de la postérité, je crains qu'on me reproche justement d'être indigne, malgré mes efforts, de raconter, en mon humble et pauvre style, tant de noblesse et de vertu. Que ceux pourtant qui me feront ce reproche que je mérite si bien, soit à cause de mon langage inculte, soit à cause de la nouveauté de l'entreprise, soit enfin à cause de la simplicité native de ma parole, sachent aussi que ce n'est point certes un vain désir de gloire humaine, mais une vive impulsion de l'affection la plus vraie et la plus sincère qui m'a engagé à écrire. Méprise, lecteur, tu en as le droit, la rusticité de mon esprit; mais fais attention du moins à la noblesse d'âme et de corps de celle que j'ai commencé à louer; car si tu veux attendre qu'il vienne un homme assez éloquent et assez savant pour raconter dignement la vie d'une telle femme, il faut que Cicéron le rhéteur sorte des enfers, ou que le prêtre Jérôme descende du ciel. Ah! si le saint et incomparable Jérôme, également versé dans la science divine et humaine, eût été contemporain d'Adélaïde, lui qui, dans ses ouvrages et dans ses lettres, a illustré à jamais Paula et Eustochia, Marcilla et Mélania, Fabiola et Blésilla, Læta et Démétriade, il n'aurait pas manqué de consacrer aussi de longues pages à mon

impératrice. Mais, puisque nous n'avons plus de Jérôme, ou d'homme assez éminent dans les arts libéraux, pour décrire dignement les actions et la vie de cette noble femme, essayons-le, dans notre ignorance, avec l'aide de Dieu et selon notre pouvoir. Issue d'une race royale et religieuse, Adélaïde, très-jeune encore, fut destinée par Dieu, dès l'âge de seize ans, à un royal mariage. Elle épousa le roi Lothaire, fils de Hugues, très-puissant roi d'Italie; elle eut de ce mariage une fille qui fut mariée elle-même à Lothaire, roi des Francs; de ceux-ci naquit le roi Louis, qui, mort sans postérité, fut enterré, selon l'usage royal, à Compiègne.

Adélaïde perdit son mari au bout de trois années, et resta veuve, privée à la fois de son trône et des consolations d'un époux. Une opiniâtre persécution vint l'assaillir; cette persécution, qui a coutume de purifier les élus, comme la fournaise purifie l'or. Le malheur lui arriva donc, moins parce qu'elle le mérita, que par un bienfait véritable de la Providence. A vrai dire, Dieu lui envoya des afflictions extérieures et corporelles, de peur que sa jeunesse ne fût brûlée au dedans par les feux de la chair et de la volupté; et le Seigneur la brisa de tant de coups, pour qu'elle ne fût point, comme dit saint Paul, une veuve vivante, mais morte au milieu des délices. Dieu voulut, dans son amour paternel, lui faire subir assez de périls pour qu'elle ne fût pas indigne d'appartenir à cette filiation divine dont parle l'Écriture: Le Seigneur châtie tous les enfants qu'il accueille.

Adélaïde en rendait souvent grâces à Dieu, et aimait à raconter à ses familiers tout ce qu'elle avait souffert en ces temps funestes, et avec quelle miséricorde Dieu l'avait délivrée des mains de ses ennemis. Elle disait qu'il avait bien mieux valu pour elle d'être tourmentée d'inquiétudes qui passent, que d'être exposée, par une vie délicieuse, à une mort éternelle.

Lorsque Lothaire, son mari, fut mort, le royaume d'Italie passa à un certain Béranger dont la femme se nommait Willa. Par leurs ordres, malgré son innocence, Adélaïde fut impitoyablement arrêtée, on lui rasa les cheveux, on la rendit victime des tourments les plus divers, des plus ignobles voies de fait. N'ayant d'autre compagne qu'une seule servante, elle fut plongée dans un cachot affreux; puis, miraculeusement délivrée de ses chaînes, elle fut élevée, par l'ordre divin, au faîte des honneurs impériaux.

Dans la nuit même qu'elle fut tirée de prison, elle tomba dans

un marais où elle demeura patiemment plusieurs jours et plusieurs nuits, invoquant le secours de Dieu. Elle était en ce grave péril, quand tout à coup arriva près d'elle un pêcheur dans sa barque chargée de poissons qu'on appelle esturgeons. Le pêcheur, apercevant Adélaïde et sa servante, leur demanda qui elles étaient et ce qu'elles faisaient là. Elles lui firent une réponse suggérée par la nécessité pressante: Ne voyez-vous pas que nous sommes de pauvres voyageuses dépourvues de tout secours humain, et, ce qui est plus cruel, en péril d'être assassinées ou près de mourir de faim dans cette solitude? Donnez-nous, si yous le pouvez, quelque chose à manger, ou ne nous refusez pas du moins vos consolations et votre appui. Le pêcheur fut ému de pitié en entendant ces deux femmes, de même qu'autrefois le Christ fut touché à l'aspect de la multitude affamée qui l'avait suivi au désert. Il leur dit: Je n'ai rien à manger, si ce n'est du poisson et de l'eau. Il portait avec lui du feu, selon l'habitude des pêcheurs; il alluma du feu, prépara le poisson. La reine mangea; sa compagne et le pêcheur la servaient. Pendant ce temps-là survint un clerc qui avait été le compagnon de sa captivité et de sa fuite; il lui annonça l'arrivée de soldats armés qui la recueillirent avec joie, et la conduisirent dans un château inexpugnable.

Saint Odilon raconte ensuite tout ce que fit Adélaïde, devenue impératrice; combien elle fut l'arbitre de la paix et des bonnes mœurs, combien elle dota d'églises et construisit de monastères; puis il termine ainsi :

L'an mil de l'Incarnation du Seigneur, Adélaïde, désirant voir enfin dans le palais de Dieu le jour qui ne doit point avoir de couchant, disait souvent avec l'Apôtre : « Je souhaite la dissolution de mon corps, et je veux être avec le Christ..... » Et vers la fin du dix-septième jour de décembre, elle déposa heureusement le poids de la chair, et s'envola vers le plus pur éclat de l'éther le plus pur. Car elle avait avec les gens de sa maison une gaieté douce et grave, avec les étrangers une gravité très-polie; envers les pauvres une infatigable miséricorde; envers les églises de Dieu une largesse intarissable; envers les hommes de bien une bonté persévérante; envers les méchants une sévérité généreuse. Crain

tive dans ses désirs, mais constante dans ce qu'elle avait obtenu, elle était humble dans la prospérité, d'une longanimité patiente dans le malheur; sobre dans sa nourriture quotidienne, modeste dans ses vêtements. Toujours assidue dans ses pieuses lectures et dans ses prières, dans ses veilles et dans ses jeûnes, elle ne se laissait jamais dans ses aumônes. Jamais elle ne tirait d'orgueil de sa haute naissance, ni de gloire humaine des bontés de Dieu envers elle. Elle ne se montrait ni présomptueuse des vertus que le Seigneur lui avait accordées, ni découragée de ses imperfections personnelles. Au milieu des honneurs, des richesses et des délices du monde, elle ne se laissait point aller à une fierté ambitieuse : une discrète réserve, mère de toutes les vertus, l'accompagnait sans cesse. Ferme et sûre dans la foi, d'une sécurité inébranlable dans l'espérance, elle mettait à aimer Dieu et le prochain une charité complète, racine de tout bien, cause principale de toute vertu. Au reste, par les prodiges qui éclatèrent à son tombeau, la vertu divine a bien manifesté ce que fut sa vie.

Note C, page 38.

La vie de saint Maïeul a été écrite par saint Odilon, son successeur. II y a un charme si nouveau à lire cette pieuse biographie, de la main même d'un autre illustre et saint personnage, qu'on me pardonnera d'en citer quelque chose.

Le préambule de cette vie de saint Maïeul est une sorte de résumé historique des grandes et premières voies du catholicisme et des origines de la religion monastique.

Après que les apôtres et les évangélistes eurent laissé au monde leurs divins enseignements, source de sainteté et de salut; après que les invincibles et bienheureux martyrs eurent soutenu leurs illustres et victorieux combats; en troisième lieu, pour ainsi parler, la bonté de Dieu daigna donner à son église des consolations nouvelles, des flambeaux brûlants d'amour, d'éclatantes paroles,

je veux dire des prêtres apostoliques, grands hommes, doués, non des vanités de la science humaine, mais de tout ce qu'elle a de bon, et remplis de la sagesse divine. C'est à leur intelligence des choses spirituelles et à leurs études pénétrantes des saintes écritures qu'il était réservé d'éclairer les ombres de la loi, de mettre au grand jour le vrai sens des prophètes, dont la parole est aussi haute que profonde, et de dissiper enfin les épaisses ténèbres de l'univers, par la vertu, la majesté et la gloire de la lumière évangélique car, dans leurs travaux sincères, les actions des apôtres sont exposées et recommandées à l'esprit des fidèles. Par leurs pieuses études, le triomphe des bienheureux martyrs et les mérites de l'église sainte sont dignement célébrés; leur foi, leur science, le zèle opiniâtre de leurs prédications apaisent ou étouffent les sourds murmures et les attaques déclamatoires contre la foi catholique; calment les plaintes des schismatiques; ferment les bouches qui disent de vaines paroles; détruisent le pouvoir des idoles; triomphent de la cruautés des Gentils; jettent le mépris et l'impuissance sur les folies des philosophes; dissipent comme la fumée, et comme une fumée impure, les faussetés perfides, les infidélités, l'erreur et la rage des hérétiques, les réduisent au néant, et leur font si bien exhaler comme leur dernier souffle, qu'il n'en restera nulle trace jamais et nulle part.

Lorsque la cour céleste eut reçu avec joie, dans son sein, tant et de si grands hommes, citoyens du ciel, s'il est permis d'ainsi parler, et dignes de composer la maison du roi divin, la céleste et suprême république voulut, par un décret de Dieu, en quatrième ordre, songer aussi aux petits, et distribuer ses grâces, non plus par les hommes élevés et forts, mais par les humbles, les innocents et les simples.

re

C'est alors que l'ordre monastique commença à se féconder, ou, pour mieux dire, à renaître; car son origine, nous le savons, monte à Élie et à Jean-Baptiste; et nous nous félicitons qu'il soit ainsi arrivé jusqu'à nous par la multiplication des vertus, les habitudes et les vies apostoliques, et les pieux exercices de nos saints pères. A eux, en effet, il fut donné d'accomplir, dans toute sa perfection, ce précepte unique, ce précepte de l'Évangile, ou, pour mieux dire, ce précepte du Seigneur, lorsque, au jeune homme qui demandait au Sauveur ce qui lui manquait pour mériter la vie éternelle, il répondit en ces termes : «Si tu veux être parfait,

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