Le sommeil de Jacob lui fait voir des miracles : L'échelle, qu'il lui montre en lui fermant les yeux, De la terre atteint jusqu'aux cieux; Dieu s'appuie au-dessus pour rendre ses oracles; Les anges, dont soudain un luisant escadron De célestes clartés couvre chaque échelon, S'en servent sans relâche à monter et descendre; Et d'un songe si beau les claires visions L'assurent de la terre où son sang doit prétendre, Et de ce qu'a le ciel de bénédictions.
Marie est cette échelle; elle l'est, et la
Par elle on reçoit plus que Dieu n'avoit promis: Aussi pour lui parler l'ange qu'il a commis
La nomme dès l'abord toute pleine de grâce.
Elle nous donne un fils, mais un fils Homme-Dieu; 205 Et quand son corps sacré quitte ce triste lieu, Pour le porter au ciel elle a des milliers d'anges : De ce brillant séjour elle rompt tous nos fers,
De tous nos maux en biens elle fait des échanges,
Figurata fuit per scalam quam Jacob in somnis vidit. (Genesis cap. xxvIII.)
Dormiens Jacob somnio Scalam vidit contingentem Cœlum, cujus confinio Deum vidit innitentem; Angelorum descendentem Cœtum vidit; promissio Terræ sanctæ per potentem Datur, et benedictio.
O Maria, figuraris
Scala, sed scalam superas; Ab angelo salutaris; Deum hominem generas;
Super virtutes superas Per angelos collocaris; Genus humanum liberas,
Et nous prête son nom pour braver les enfers.
Moïse est tout surpris quand pour lui toucher l'âme Dieu se revêt de flamme:
Celle que sur l'Oreb il voit étinceler
Pare un buisson ardent, au lieu de le brûler,
Et s'en fait comme un trône où plus elle s'allume, Et moins elle consume.
O vierge mère, ainsi ne souffre aucune atteinte, Lorsqu'en tes chastes flancs se fait l'union sainte De l'essence divine à notre humanité.
Que la manne au désert est d'étrange nature! Son goût, le premier jour, se conforme au souhait; Et quand pour d'autres jours la réserve s'en fait, Elle souille le vase et tourne en pourriture; Ce peu seul qui dans l'arche en tient le souvenir S'y garde incorruptible aux siècles à venir,
souillure aucune à son vaisseau s'attache : Ainsi tu conçois Jésus-Christ,
Figurata
fuit per rubum qui
ardebat nec comburebatur. (Exodi cap. I.)
VIII. Figurata fuit per vas in quo servatum fuit manna. (Exodi cap. xvI.)
Ergo longe plus bearis.
Mater, tua virginitas
Rubo montis ostenditur
Oreb, cujus viriditas
Per ardorem non uritur : Sic nec tua corrumpitur Virginalis integritas, Dum ventre tuo jungitur Humanitati deitas.
In vase manna positum
Ut conservetur, legitur, Israëlitis traditum, Nec vas manna polluitur : In te Christus concipitur,
Et ta virginité demeure ainsi sans tache En nous donnant ce fils conçu du Saint-Esprit.
Comme tomboit du ciel cette manne mystique Qui du peuple de Dieu faisoit tout le soutien, Ainsi du sein du Père est descendue au tien Celle qui des enfants est le seul viatique. La manne merveilleuse, et que nous figuroit Celle qu'en la cueillant tout ce peuple admiroit, Par une autre merveille ainsi nous est donnée : Ainsi nous pouvons prendre, ainsi nous est offert Plus que ne recevoit cette troupe étonnée Qui durant quarante ans s'en nourrit au désert.
Ta grâce par l'effet avilit la figure,
Elle en ternit l'éclat, elle en sème l'oubli;
Et par sa nouveauté l'univers ennobli
N'a plus d'amour ni d'yeux pour la vieille peinture : Les nouvelles clartés de la nouvelle loi,
Virgo, per sanctum Spiritum,
Neque tuæ minuitur
Virginitatis meritum.
Nobis manna mirificum
Servasti mirabiliter, Manna terminans typicum, Figuratum veraciter,
In se misericorditer,
Per illud manna cœlicum
Quod dabatur communiter
Israël in viaticum.
Vetustum manna novitas
Tuæ gratiæ terminat ; Figurarum antiquitas Fugit, et lux illuminat Nova, quos lex discriminat
Que Dieu fait commencer par toi,
Ne laissent rien d'obscur pour ces nouveaux fidèles; Et ce qui jadis éblouit,
Sitôt que tu répands ces lumières nouvelles, Ou s'épure ou s'évanouit.
Ce grand auteur de toutes choses, Ce Dieu qui fait d'un mot quoi qu'il ait résolu, Te regarda toujours comme un vase impollu
Où ses grâces seroient encloses:
Vase noble, admirable, et charmant à l'aspect, Digne d'un saint hommage et d'un sacré respect, Digne enfin du trésor qu'en toi sa main enferme : C'est par toi qu'il voulut qu'on goûtât en ces lieux, Pour arrhes d'un bonheur et sans borne et sans terme, Ce pain des habitants des cieux.
Tu nous donnes ce pain des anges, Que tes entrailles ont produit,
Ce pain des voyageurs, ce pain qui nous conduit
Nova; cessat obscuritas; Purgat, mundat, eliminat Antiqua nova claritas.
Summus artifex omnium
Te providit, vas nobile, Vas dignum, vas egregium, Vas gratum, vas laudabile, Vas cunctis venerabile, Famulis ut edulium Ministres delectabile, Panemque cœli civium.
Tu ministras hominibus
Verum panem angelorum,
Tuis natum visceribus
Jusqu'où ces purs esprits entonnent ses louanges: C'est ce pain des enfants, ce comble de tous biens, 265 Qu'il ne faut pas donner aux chiens,
A ces hommes charnels qui ne vivent qu'en brutes; Il n'est que pour les cœurs d'un saint amour épris; Et comme il les guérit des plus mortelles chutes, Sur tous les autres pains ils lui doivent le prix.
que sont renfermées Les plus salutaires douceurs Que puissent aimer de tels cœurs, Et les plus dignes d'être aimées : Il est plein d'un suc ravissant,
D'un suc si gracieux, d'un suc si nourrissant,
Qu'il fait seul un banquet où toute chose abonde; Il est pain, il est viande, il est tout autre mets; Il rend seul une table en délices féconde, Et doit être pour nous le banquet des banquets.
Ce mets nous rétablit, ce mets nous régénère;
Pro salute peccatorum. Hic est panis viatorum, Qui non est dandus canibus, Qui est salus miserorum, Præstans omnibus panibus.
Ecce panis dulcissimus, Ecce panis amplectendus, Ecce panis pinguissimus, Ecce panis diligendus, Ecce panis recolendus, Ecce panis præoptimus, Cibus cunctis præferendus, Et præ cunctis gratissimus.
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