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désiraient conserver avec les Florentins la paix que ceux-ci leur avaient accordée. Ils craignaient aussi le courroux du Pape et ne voulaient pas attirer sur eux une excommunication; en sorte que les ambassadeurs qu'ils avaient envoyés au congrès de Trente, loin d'inviter l'empereur à venir dans leur ville, lui avaient offert soixante mille florins pour prix de la conservation de leur neutra— lité et de leur indépendance. La conduite de Louis de Bavière envers Galéaz Visconti redoubla la défiance des Pisans; pour n'être pas trahis, comme le seigneur de Milan, par les Allemands qu'ils avaient à leur solde, ils leur ôtèrent leurs chevaux et leurs armes. Cependant, à la persuasion de Guido des Tarlati, évêque d'Arezzo, leur allié, ils envoyèrent à Ripafratta, frontière de l'état lucquois, trois nouveaux ambassadeurs au-devant du monarque.

> Castruccio n'avait point abandonné le projet de soumettre Pise à sa domination; il engagea l'empereur à ne pas accueillir les députés de cette république, à refuser leur argent et à rejeter leurs offres; et, comme ces députés s'en retournaient, il les fit arrêter, et leur déclara qu'il les traiterait comme ôtages, et les ferait mourir si leur patrie n'ouvrait pas ses portes au roi des Romains. L'évêque d'Arezzo, qui avait engagé sa foi pour leur sûreté, vint réclamer devant-Louis de Bavière leur élargissement. Par cette violation du droit des gens, disait-il, sa parole était compromise; l'honneur même du monarque était sacrifié; et tous les ancieus Gibelins, effrayés de ce manque de foi, abandonneraient la cause du chef de l'empire au lieu de s'exposer pour elle 1. >>

Castruccio répondit à l'évêque avec violence, et Louis de Bavière se décida pour Castruccio. Aussitôt l'évêque d'Arezzo quitta le camp et abjura la cause du Bavarois. S'en retournant chez lui, il tomba malade en chemin, Se voyant en danger, il se repentit du parti qu'il avait pris, soit par chagrin, soit par remords de cons-cience; et, en présence de plusieurs personnes, religieux, clercs et séculiers, il reconnut qu'il avait failli contre le Pape et contre l'Eglise; que Jean XXII était un homme juste et saint, et que le Bavarois qui se faisait nommer empereur, était hérétique et fauteur de tyrans, loin d'être prince légitime. Il promit avec serment d'en faire dresser des actes publics par plusieurs notaires, et, si Dieu lui rendait la santé, d'être toujours obéissant à l'Eglise et au Pape, et ennemi de ceux qui lui étaient rebelles. Ensuite, fondant en larmes, il demanda pénitence, reçut les sacrements et mourut avec de grands témoignages de contrition, le vingt-unième d'oc

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tobre. Son corps fut porté à Arezzo, et enterré avec grand honneur. Toutefois le Pape donna commission à ses nonces d'informer si la pénitence avait paru sérieuse, et si on pouvait lui donner la sépulture ecclésiastique '.

La ville de Pise, ayant été assiégée pendant un mois par Louis de Bavière et par Castruccio, se rendit à des conditions honorables, entre autres que Castruccio n'y mettrait pas les pieds. Mais Louis n'observa point les conditions, il imposa aux Pisans une contribution de cent cinquante mille florins, permit à Castruccio l'entréc de la ville, et lui donna le titre de duc.

Louis s'étant mis en route au mois de décembre 1327 pour aller de Pise à Rome, arriva le deux janvier 1528 à Viterbe, dont le seigneur, Silvestre des Gatti, le reçut avec grand honneur; de quoi le Bavarois le récompensa quelques jours après, en le faisant arrêter et mettre à la torture, pour savoir où était son trésor; Silvestre n'en fut quitte que pour trențe mille florins et la seigneurie de Viterbe 2. Castruccio y arriva dans le même temps avec trois cents de ses meilleurs cavaliers et mille arbalétriers. Les Romains n'étaient pas bien d'accord sur la question de recevoir le Bavarois, et lui envoyèrent des ambassadeurs à Viterbe pour traiter avec lui. Mais, à la secrète instigation de Sciarra Colonne et des autres Gibelins, il amusa les ambassadeurs, fit marcher ses troupes, arriva le sept janvier 1328 à la cité léonine, monta au palais de Saint-Pierre, et y demeura quatre jours. Il entra ensuite dans Rome, et, monté au Capitole, fit faire une harangue au peuple romain, avec force remerciments, louanges et promesses d'exalter Rome jusqu'aux nues. Ces paroles emmiellées plurent tant aux Romains, qu'ils le déclarèrent sénateur et capitaine de Rome pour un an 3.

Mais avec Louis étaient venus à Rome plusieurs prélats, clercs et religieux schismatiques, révoltés contre le Pape. Cela fut cause que plusieurs clercs et religieux catholiques se retirèrent de la ville, qui demeura interdite, en sorte qu'on n'y sonnait point les cloches et qu'on n'y chantait point l'office divin, si ce n'était de la part des schismatiques. Louis chargea Sciarra Colonne d'y contraindre les catholiques; mais ils y résistèrent, et un chanoine de Saint-Pierre cacha le saint suaire, autrement la véronique, qu'il avait en garde; ce qui causa dans Rome un grand trouble".

Le dimanche, dix-sept du même mois de janvier, Louis se fit couronner avec sa femme à Saint-Pierre, non par le Pontife romain

1 J. Villani, 1. 10, c. 36. Raynald, 1327, n. 18. — 2 Muratori. Annali d'Italia, an. 1328.-3 Ibid. Baluz, t. 1, p. 713.

ou ses délégués, comme c'était l'ordre, mais par deux évêques schismatiques et excommuniés. Il fit ensuite lire trois décrets impériaux, par lesquels il promettait de maintenir la foi catholique, d'honorer le clergé, de protéger les orphelins et les veuves; ce qui ne fit pas un médiocre plaisir aux Romains. Le jeudi, quatorzième d'avril, Louis tint une assemblée dans la place de Saint-Pierre, et y publia une loi portant que, quiconque serait trouvé coupable d'hérésie ou de lèse-majesté, serait puni de mort suivant les anciennes lois; que tout juge compétent pourrait le juger, soit qu'il en fût requis ou non; et que cette loi s'étendrait aux crimes déjà commis, 'comme à ceux qui se commettraient à l'avenir 1.

On vit bientôt où devaient aboutir tous ces préliminaires : c'était tout simplement à déposer le pape Jean XXII, comme hérétique et criminel de lèse-majesté. Voici comme se joua la comédie impériale. Le lundi, dix-huitième d'avril, le soi-disant empereur Louis de Bavière vint à la même place, reyêtu de la pourpre, la couronne en tête, le sceptre d'or à la main droite, et la pomme ou le globe à la gauche. Il s'assit sur un trône riche et élevé, en sorte que tout le peuple pouvait le voir, et il était entouré de quelques prélats schismatiques et excommuniés, ainsi que de seigneurs et de nobles. Quand il fut assis, il fit faire silence. Aussitôt un moine schismatique et excommunié s'avance et crie à haute voix : Y a-t-il quelque procureur qui veuille défendre le prêtre Jacques de Cahors, qui se fait nommer le pape Jean? Il cria la même chose par trois fois. Personne n'ayant répondu, un abbé allemand se mit à prêcher en latin sur ce texte: C'est ici un jour de bonne nouvelle.

Après la prédication latine de l'abbé allemand, le soi-disant empereur romain fit lire une longue sentence qu'il conclut en ces termes: Ayant donc trouvé Jacques de Cahors convaincu d'hérésie par ses écrits contre la parfaite pauvreté de Jésus-Christ, et de lèse-majesté par ses injustes procédures faites contre l'empire en notre personne, nous le déposons de l'évêché de Rome par cette sentence, donnée de l'avis unanime et à la réquisition du clergé et du peuple romains, de nos princes et prélats allemands et italiens, et de plusieurs autres fidèles, y étant encore induits par les instantes prières de plusieurs syndics du clergé et du peuple romains, chargés de commission spéciale et par écrit. En conséquence, ledit Jacques étant dépouillé de tout ordre, office, bénéfice et privilége ecclésiastiques, nous le soumettons à la puissance séculière de nos officiers, pour le punir comme hérétique. Enfin, voulant pour voir

' J. Villani, 1. 10, c. 56 et 69.

incessamment d'un pasteur catholique à Rome et à toute l'Eglise, nous ordonnons à tous les chrétiens d'éviter ledit Jacques comme notoirement convaincu d'hérésie, sous peine de privation de tous les bénéfices qu'ils tiennent de l'empire, ainsi que de tous priviléges !.

C'est ainsi qu'un duc de Bavière, roi équivoque de Germanie, soi-disant empereur des Romains, s'arroge de déposer le vicaire du Christ, le chef de l'Eglise universelle, reconnu en cette qualité depuis douze ans par tous les rois et tous les peuples chrétiens, et même, comme nous le verrons, par l'empereur de la Chine, le grand khan des Tartares. Et ce qui montre à quel point cette altesse bavaroise savait ce qu'elle disait et faisait, c'est qu'en usurpant ainsi l'une et l'autre puissance, elle accusait le Pape d'avoir usurpé l'une des deux, et d'avoir mis en oubli cette parole de l'Evangile : Mon royaume n'est pas de ce monde. Car si le royaume du Christ n'est pas de ce monde, tout ce qui s'ensuit, c'est qu'un prince de ce monde, fût-il duc de Bavière, n'a rien à y voir.

Le soi-disant empereur assure encore que, s'il dépose le Pape, c'est à la réquisition et de l'avis unanime du clergé et du peuple romains. Certes, voilà un des plus gros mensonges que jamais prince ait dit dans une pièce officielle. On le vit bien quatre jours après. Le vingt-deux d'avril, Jacques Colonne, fils d'Etienne, vint à Rome, dans la place de Saint-Marcel. Là, en présence de plus de mille Romains qui y étaient assemblés, il tira une bulle du Pape contre le Bavarois, que personne n'avait encore osé publier à Rome. Il la lut exactement et dit: Il est venu aux oreilles du clergé de Rome qu'un certain syndic a comparu devant Louis de Bavière, soi-disant empereur, au nom du clergé romain, et un autre au nom du peuple, et que celui du clergé a proposé des accusations contre le pape Jean XXII. Mais ce prétendu syndic n'était pas véritable, puisque les chanoines de Saint-Pierre, de Saint-Jean de Latran et de SainteMarie-Majeure, qui sont les premiers du clergé romain, les autres ecclésiastiques les plus considérables, après eux les abbés, les religieux et les frères mendiants, étaient déjà partis de Rome il y a plusieurs mois, à cause des excommuniés qui y étaient entrés; autrement, s'ils y étaient demeurés, ils auraient été excommuniés eux-mêmes. C'est pourquoi je m'oppose à ce qui a été fait par Louis de Bavière, et je soutiens que le pape Jean est catholique et Pape légitime; et que celui qui se dit empereur ne l'est point, mais excommunié et tous ses adhérents avec lui.

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Jacques Colonne parla beaucoup sur ce sujet, offrant de prouver ce qu'il soutenait par raison, et, s'il était besoin, l'épée à la main, en lieu neutre. Puis il alla promptement afficher de sa main la bulle à la porte de l'église de Saint-Marcel, sans aucune opposition. Cela fait, il monta à cheval, lui cinquième, partit de Rome et se rendit à Palestrine. Cette action fit grand bruit dans tout Rome. L'empereur soi-disant, qui était à Saint-Pierre, l'ayant apprise, envoya cou— rir après Jacques Colonne quantité de gens d'armes à cheval pour le prendre; mais il s'était déjà fort éloigné. Le Pape, informé de cette action de valeur et de hardiesse, le fit évêque et lui manda de venir auprès de sa personne, comme il fit '.

Le lendemain samedi, vingt-trois avril 1328, l'empereur soi-disant fit venir devant lui les sénateurs et les autres chefs du peuple romain; et, après qu'ils eurent délibéré long-temps sur l'action de Jacques Colonne, on publia une loi portant que le Pape serait tenu de faire à Rome sa résidence continuelle, sans s'en éloigner plus de deux journées, s'il n'en obtenait la permission du clergé et du peuple romains, auquel cas la cour et le consistoire demeureraient à Rome. Si le Pape s'absente contre cette règle, et, après trois monitions de la part du clergé et du peuple, ne revient pas à Rome au terme prescrit, pour y faire sa continuelle demeure, nous voulons, dit le soi-disant empereur, que, de plein droit, il soit privé de sa dignité pontificale, et nous ordonnons qu'il sera procédé à l'élection d'un autre Pape, comme si l'absent était mort 2. Voilà comme Louis de Bavière, qui ne savait pas même lire 3, s'occupait à réglementer l'Eglise de Dieu, ou plutôt servait d'instrument à quelques brouillons schismatiques.

Pour achever la comédie, il ne manquait plus au soi-disant empereur que de faire un soi-disant Pape. Cela ne tarda guère. Le jour de l'Ascension, douzième de mai 1528, au matin, le peuple de Rome s'assembla devant Saint-Pierre, hommes et femmes, tous ceux qui voulurent. C'était le sacré collége qui entrait en conclave. Le soi-disant empereur Louis parut sur l'échafaud, qui était au haut des degrés de l'église. Il était couronné et paré des ornements impériaux, accompagné de clercs et de religieux schismatiques, avec le capitaine du peuple de Rome, et environné de plusieurs seigneurs de sa cour. Alors il appela un certain moine, et, s'étant levé de son siége, il le fit asseoir sous le dais. C'était un Franciscain schisma tique, Pierre, natif de Corbière dans l'Abbruze, qui soutenait qué

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