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gnore pas qu'il y a eu des fidèles dispersés par ci par là (ce sont ses termes) hors de l'enceinte du peuple juif. Il admet encore < que le nombre des particuliers qui adoraient Dieu parmi les gentils est peut-être plus grand qu'on ne pense. » Et, à cet égard, il présente la réflexion que « l'idolâtrie adorait tout, le vrai Dieu comme les autres. Concession évidemment basée sur ces exceptions, sur ces cas particuliers que nous présentent les fidèles dispersés par ci an par là hors de l'enceinte du peuple juif. » Ainsi donc, d'après M. Kersten, quand Bossuet dit : « L'idolâtrie adorait tout, il entend par idolatrie, les fidèles répandus parmi les idolâtres. En vérité, pardonnons-lui, à M. Kersten, car il ne sait ce qu'il dit.

La dernière partie de la critique de M. Kersten tombe sur les doctrines touchant la politique. Je ferai d'abord observer à M. Kersten que ces doctrines se trouvent textuellement dans les Rapports naturels, publiés d'après les conseils de ce qu'il y a de plus respectable dans l'université catholique de Louvain, et que, quatre ans après la publication de cet ouvrage, la même université catholique de Louvain m'envoya un diplôme de docteur en théologie, en récompense des services que j'avais rendus à la religion. Je fais cette observation à M. Kersten, pour lui donner lieu de comprendre qu'un laïque belge ferait mieux de consulter l'université catholique de Louvain et l'épiscopat de son pays, que de s'ériger en téméraire censeur de l'une et de l'autre, et de s'exposer à jeter imprudemment un brandon de discorde parmi les catholiques, à la grande joie des ennemis de la religion.

Mais encore à quoi donc se réduisent ces doctrines qui offusquent tant M. Kersten? Le voici en deux mots. Je crois que le temporel est subordonné au spirituel dans ce qui regarde la conscience; je crois avec le commun des théologiens et des juristes catholiques, entre autres avec le jésuite Suarès et avec le dominicain saint Thomas, que la souveraineté temporelle vient de Dieu par le peuple, ou du moins je crois qu'on est très-libre de le penser. Voilà tout, ni plus ni moins.

Que M. Kersten, tout Belge qu'il est, ne soit pas de cet avis, il en est sans doute fort libre. Mais ce que je ne lui crois pas permis, c'est de tromper ses lecteurs sur mon compte, en leur déguisant ce que je dis.

Ainsi, tome i liv. x, à propos d'Abimélech, fils de Gédéon, qui usurpa la royauté en Israël, je cite un passage de saint Grégoire VII, et un autre de saint Augustin, duquel même le texte latin se trouve au bas de la page, et dont voici le contenu : « Dieu ayant fa l'homme raisonnable à son image, ne voulut qu'il dominât que sur le

créatures sans raison, non pas l'homme sur l'homme, mais l'homme sur les bêtes. C'est pourquoi les premiers justes furent établis pasteurs de troupeaux plutôt que rois d'hommes, Dieu nous voulant faire entendre par là tout ensemble, et ce que demandait l'ordre des créatures, et ce qu'exigeait le mérite des péchés. >> Après cette citation, j'ajoute aussitôt : « Ainsi, d'après saint Augustin, la puissance royale ou la souveraineté prise, non pour l'autorité patriarchale qui dirige, comme un père ses enfants, mais pour la domination de la force qui contraint les hommes comme des troupeaux de bêtes, ne vient point originairement de Dieu, mais de l'orgueil, mais du péché et de celui qui en est l'auteur. »

Or, M. Kersten, page 179 de son article, sans mentionner les deux saints dont je ne fais que résumer les paroles, juge à propos de dire « Il présente Abimélech comme le premier roi qui nous apparaît en Israël; et ce fait lui semble prouver que la puissance royale, ou la simple puissance de fait, ne vient point originairement de Dieu, mais de l'orgueil, du péché, et de celui qui en est l'auteur. » En vérité, M. Kersten, si je m'étais permis pareil procédé à votre égard, je croirais avoir manqué au premier devoir d'un homme d'honneur, et j'en demanderais pardon à Dieu et aux hommes.

Autre exemple. Tome 1, livre vi, après avoir montré que tout ce que Confucius, Platon et Cicéron ont imaginé de plus parfait pour leur société idéale, se trouve réalisée et au-delà dans l'Eglise catholique, j'ajoute : « Dans cette divine constitution de l'humanité, la forme du gouvernement est telle que la souhaitaient Platon et Cicéron. Ils en distinguaient trois : le gouvernement d'un seul, le gouvernement de quelques-uns, le gouvernement du grand nombre. Tous les trois sont bons, quand la loi véritable y est observée; quand elle ne l'est pas, tous les trois dégénèrent en tyrannie. Un quatrième leur paraît, surtout à Cicéron, infiniment préférable, comme réunissant les avantages des trois autres, sans leurs dangers: c'est une monarchie tempérée d'aristocratie et de démocratie. Or, tel est le gouvernement de l'Eglise. »

Cette idée déplaît fort à M. Kersten. Il ne veut pas que le gouvernement de l'Eglise véritable soit, comme il dit élégamment, un état monarchico-aristocratico-démocratique. A la bonne heure. Mais il n'aurait pas dû dissimuler, ce qui est marqué au bas de la page, que cette idée est d'un très-célèbre jésuite. Il paraît que M. Kersten pense bien différemment du pieux et savant cardinal Bellarmin, et qu'il aimerait beaucoup mieux un gouvernement byzantino-turcico-moscovite. Chacun son goût.

Voici comme j'explique l'idée de Bellarmin: << Sous le monarque éternel et invisible, le Christ, est un monarque visible et mortel, son vicaire, le Pape, qui a reçu de lui la pleine puissance de paître et de régir l'Eglise universelle. Par son canal, d'autres princes et pasteurs, appelés en partage de sa sollicitude, reçoivent à paître et à régir des églises particulières, non pas comme ses vicaires ou lieutenants, mais comme princes et pasteurs véritables. Enfin, ni la papauté, ni l'épiscopat, ni le simple sacerdoce n'est héréditaire. Tout se recrute dans le peuple, qui est toute l'humanité chrétienne. »

M. Kersten, qui cite ce passage, y trouve si peu de démocratie, qu'il demande où donc elle est? Je conviens avec lui qu'il y en a fort peu, et cependant voilà tout ce que j'en vois dans l'Eglise. Mais il paraît que M. Kersten est de ces gens qui aiment à se créer des monstres, pour le plaisir d'avoir peur et de crier contre les autres.

En somme, sur toutes les questions délicates de doctrine, je ne dis rien de moi-même, mais je résume et j'adopte ce que disent les Pères et les théologiens les plus autorisés dans l'Eglise catholique. Voilà ce que je prie de considérer, les personnes qui voudront bien me signaler les erreurs que je puis avoir commises.

Ensuite, comme on ne peut pas tout dire dans chaque endroit, il faut voir et comparer l'ensemble. Ainsi, en tête du cinquième volume, j'ai mis cette déclaration : « Dans ce volume et les suivants, pour plusieurs documents originaux, l'auteur suit habituellement la traduction de Fleury, par la raison que cette traduction est la plus connue et généralement la plus exacte; et, en second lieu, afin que le lecteur puisse apprécier plus facilement les corrections qui y ont été faites. » Or, M. Lenormant, n'ayant pas lu cet avertissement ou l'ayant oublié, suppose (Cours d'histoire moderne, 20° leçon) que j'ai pour système de refaire les phrases de Fleury et de les compléter à ma manière. Ce n'est pas cela. J'estime très-fort la phrase de Fleury, et je la conserve autant que possible. Mais le récit dont parle M. Lenormant est la traduction d'un monument original, où je n'ai fait que suppléer ce que Fleury avait omis. — Il est même arrivé ceci de curieux. Un critique, d'ailleurs bienveillant, a fait cette observation, que, si je n'avais pas l'élégance de Fleury, au moins j'avais une doctrine sûre, et, pour prouver que je n'avais pas ladite élégance, il me reprochait des locutions qui sont de Fleury. Autant m'est arrivé pour Bossuet, dont j'ai mis à profit le style dans ce qui regarde la sainte Ecriture.

Je fais ces observations, afin que les personnes qui voudront bien me donner aide et conseil puissent le faire plus utilement. Il y en a

b-: qui m'ont conseillé de mettre dans le dernier volume différentes tables, et qui se sont même engagées à les préparer. Entre autres, il y aura une table des vies des saints, mois par mois; car généralement tous les saints de Godescard se trouvent dans cette histoire, peut-être même quelques-uns de plus. Je réclame, surtout pour la nouvelle édition, les conseils des séminaires et des congrégations religieuses, notamment de celles à qui Dieu fait la grâce d'être persécutées à la Chine, au Tonquin, et même ailleurs.

Enfin, pour remercier Dieu des bénédictions qu'il a répandues sur mon travail, et pour obtenir qu'il me les continue jusqu'au bout, mon intention est de consacrer le bénéfice de la nouvelle édition à une œuvre de charité chrétienne et publique. J'ai l'honneur d'être, M. le rédacteur, etc.

L'ABBÉ ROHRBACHER.

DE LA GRACE ET DE LA NATURE.

Paragraphes cités page 508.

§ LXXI.

L'homme, intelligence incarnée, est à la fois esprit et corps ; il n'est pas corps seul, ni esprit seul, mais l'un et l'autre ; il ne l'est point isolément, mais avec ses semblables. Pour donc bien connaître la raison humaine, il faut connaître l'homme total et complet, non dans son corps seul, non dans son esprit seul, non dans son individu seul, non dans la société seule, mais dans le tout ensemble; car l'homme est à la fois tout cela. Si, de plus, il est chrétien, si par la foi divine son esprit et son cœur sont élevés à un ordre de choses au-dessus de la nature, il ne faut pas confondre l'homme et le chrétien ; il ne faut pas méconnaître l'homme pour le chrétien, ni le chrétien pour l'homme.

S LXXII.

Or, les systèmes de philosophie les plus connus de nos jours pèchent tous contre ce que nous venons de dire. Le sensualisme ne voit dans l'homme que les sens, le corps, l'animal; l'idéalisme n'y voit que les idées, l'esprit, sans relation avec l'univers sensible; le rationalisme n'y voit que la raison de l'individu, sans relation avec celle de ses semblables; le système exclusif de la raison générale ne voit que la société et méconnaît l'individu; le système exclusif de

TOME XX.

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la foi divine ne voit que le chrétien et méconnaît l'homme. Chaque système est faux en ce qu'il exclut les autres; tous sont vrais, dės qu'ils viennent à s'embrasser et à s'unir.

S LXXIII.

Ils s'embrassent et s'unissent dans la personne du Christ. Comme Dieu, le Christ a créé tout l'homme, non pas son corps seul, non pas son âme seule, mais l'un et l'autre. Il ne l'a pas fait pour demeurer seul, mais pour être en société. Il l'a fait à son image, à l'image de Dieu. Or, Dieu, quoique un et unique, n'est pas seul : il est une société de trois personnes, dont la seconde, par une ineffable tradition, procède de la première, et la troisième de la première et de la seconde. Le Christ est cette sagesse éternelle qui se joue dans l'univers et fait ses délices d'être avec les enfants des hommes1; qui va cherchant ceux qui sont dignes d'elle; qui se montre à eux avec hilarité au milieu des chemins et dans toutes sortes de rencontres 2; qui parmi les nations se communique aux âmes saintes et y établit des amis de Dieu et des prophètes 3. Il est cette lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde". Et cette lumière, et cette sagesse, et ce Verbe-Dieu s'est fait homme; il a pris un corps et une âme, non pas un corps illusoire, mais un corps réel; non pas une âme différente de la nôtre, mais une âme pareille. Il unit à jamais dans l'unité de sa personne divine, et l'humanité et la divinité, et le corps et l'âme, sans que jamais cependant l'âme se confonde avec le corps, ni la divinité avec l'humanité. Et avec cela il dit, en parlant de l'ordre surnaturel de la grâce et de la gloire : Personne ne peut venir à moi, si mon Père ne l'attire ".

§ LXXIV.

Lors donc que la philosophie des sens nous dit que les sens du corps nous donnent la certitude, elle a raison; car celui qui est la vérité même nous a donné les sens corporels, il les a pris lui-même en se faisant notre semblable, et nous a dit : Palpez et voyez 6. Et

'Ludens in orbe terrarum ; et deliciæ meæ, esse cum filiis hominum. Prov. 8, 31. - 2 Quoniam dignos seipsa circuit quærens, et in viis ostendit se illis hilariter, et in omni providentid occurrit illis. Sap., 6, 17. - Et per nationes in animas sanctas se transfert, amicos Dei et prophetas constituit. Sap., 7, 27. Erat lux vera, quæ illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. Joan., 1, 9. 5 Nemo potest venire ad me, nisi Pater, qui misit me, traxerit eum. Joan., 6, 44. — 6 Palpate et videte. Luc, 24, 39.

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