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l'Allemagne et prenant pour des vérités certaines les soupçons de l'antipathie nationale. Les médecins, interrogés par le pape Clément V, protestèrent qu'il n'y avait aucune trace de poison. Mais l'historien Mussat, quoique partisan de l'empereur, observe que ce prince, tant qu'il fut d'accord avec l'Eglise, réussit dans ses affaires; mais que, dès qu'il s'éleva contre elle, il fut accablé par la vengeance divine 1.

Après la mort de l'empereur Henri, le pape Clément publia deux constitutions qui le concernent. La première au sujet de la protestation que l'empereur avait faite de n'être engagé à personne par serment de fidélité. Le Pape déclare au contraire que les serments prêtés par Henri avant et après son couronnement, sont des serments de fidélité et doivent être réputés tels. Par la seconde constitution, le Pape déclare nulle la sentence prononcée par l'empereur contre le roi Robert, attendu qu'il n'avait pas été cité légalement et ne pouvait. se présenter en sûreté au lieu où était l'empereur. De plus, ajoute le Pape, ce roi est notre vassal et a son domicile continuel dans son royaume et non dans l'empire; en sorte qu'il n'est point sujet de l'empereur ni capable d'être accusé de lèsemajesté envers lui. Nous donc, par la supériorité que nous avons sur l'empire, par la puissance en laquelle nous succédons à l'empereur pendant la vacance, et par la plénitude de puissance que Jésus-Christ nous a donnée en la personne de saint Pierre, nous déclarons nulle et de nul effet cette sentence et tout ce qui s'est ensuivi 2. L'empire étant vacant, le Pape en fit le roi Robert vicaire en Italie quant au temporel, tant qu'il plairait au Saint-Siége. La bulle est du quatorzième de mars 1514 3.

Le cinquième jour de mai de l'année précédente, le pape Clément canonisa solennellement, dans la cathédrale d'Avignon, son prédécesseur Célestin V, et marqua sa fête le jour de sa mort, dixneuvième de mai. L'année suivante 1514, le vingt-unième de mars, il publia en consistoire les constitutions du concile de Vienne qu'il avait fait mettre en ordre. Le Jeudi-Saint, quatrième d'avril, il publia une sentence contre les Modénais, les bannis de Bologne, et d'autres de la Romagne et de Mantoue, pour avoir attaqué à main armée Raymond, marquis d'Ancône, neveu du Pape, qui conduisait le trésor de l'Eglise accompagné de quarante personnes et avec un sauf-conduit. Ils ne laissèrent pas de le tuer et de piller tout le trésor.

'Raynald, 1313, n. 25, avec la note de Mansi, Pastoral. 2 de sent. 3 Raynald, 1314, n. 2.

2 Clement, un, de jurejurand.

Le pape Clément était dès-lors malade. Il se fit porter à Bordeaux pour reprendre son air natal; mais il mourut en route, à la Roquemaure, près d'Avignon, le vingtième d'avril 1314, après avoir tenu le Saint-Siége huit ans, dix mois et quinze jours. Parmi les auteurs italiens de l'époque, Jean Villani accuse Clément V d'avarice et de simonie, et rapporte un bruit défavorable à ses mœurs ; mais, dans les six biographies que nous avons de ce Pape, il n'est point fait mention de ces reproches. D'ailleurs, comme Clément V s'attira l'inimitié de bien du monde par sa condamnation des Templiers, surtout des Italiens par son séjour en France, les accusations italiennes surtout sont loin d'être des preuves. Il y a plus: parmi les Italiens mêmes, il y en a qui parlent de sa conduite et de ses mœurs avec éloge. Tel, entre autres, Ferret de Vicence. Après avoir rapporté, comme un bruit, que le grand-maître du Temple, au moment de la mort, avait ajourné le Pape et le roi de France à comparaître dans l'année au tribunal de Dieu, et avoir remarqué qu'ils moururent effectivement tous deux avant l'année révolue, Ferret ajoute néanmoins en parlant de la condamnation des Templiers: Quoique la rigueur de cet édit soit condamnée par l'impéritie du vulgaire, il ne faut pas penser pour cela qu'un pasteur aussi exemplaire et aussi agréable à Dieu se soit laissé corrompre par l'argent ou des sollicitations pour s'écarter de la justice; car nul homme de bon sens ne met en doute qu'il n'ait bien et sagement fait toutes choses'. Enfin le pape Jean XXII appelle son prédécesseur, Clément V, un Pontife de sainte mémoire, qui passa des afflictions de la vie pré– sente à la patrie céleste 2.

Cependant le roi Philippe de France, surnommé le Bel, à cause de la beauté de sa taille et de sa robuste constitution, était dans la force de l'âge; il n'avait que quarante-six ans. Il se voyait entouré de trois fils, qui lui ressemblaient pour la beauté et la santé : tous les trois avaient épousé des princesses dignes d'eux par leur rang, et promettaient une postérité nombreuse et florissante. Le roi Philippe le Bel pouvait se croire au comble de la prospérité; il avait réussi dans ses principales entreprises. C'était en 1314. Tout à coup les épouses de ses trois fils sont accusées en même temps toutes les trois d'avoir trahi la foi conjugale : l'affaire se débat en plein parlement, en présence du roi : les corrupteurs présumés sont mis à la torture, ils avouent le crime; deux des princesses sont convaincues, la troisième échappe ou par son innocence ou par l'indulgence de

'Murat. Script. rer. ital., t. 9, p. 1018. - 2 Joan. XXII, 1. 1, epist. Apud Raynald., 1314, n. 15.

son mari : les corrupteurs périssent dans d'affreux supplices, ainsi que leurs complices en grand nombre. La même année, le roi Philippe le Bel étant à la chasse, un sanglier vient se jeter entre les jambes de son cheval et le renverse: Philippe se fait transporter à Fontainebleau, lieu de sa naissance, et y meurt le vingt-neuf novembre 1314, dans la trentième année de son règne, et la quarantesixième de son âge. Quatorze ans après, le troisième de ses fils suit dans la tombe les deux autres, sans postérité; et le fils de Charles de Valois, l'ami et le capitaine de Boniface VIII, monte sur le · trône de France pour y régner dans sa postérité pendant deux siècles et plus.

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DE LA MORT DE CLÉMENT v, 1314, a LA MORT D'URBAIN v, 1370.

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Séjour des Papes à Avignon. - Sort de la postérité de Philippe le Bel. — Double élection dans l'empire d'Allemagne. —Origine de la politique moderne. — Baisse dans les idées et les caractères. Schisme de Louis de Bavière. — Archevêque catholique à Péking. — Correspondance de l'empereur de la Chine, chef des Tartares, avec le Pape. — Etat des lettres et arts en Italie. Le Dante. —L'Italie également féconde en saints. · Relations filiales de l'Arménie avec le Pontife romain. -La Pomeranie demande à être fief de l'Eglise romaine. Mort funeste de Louis de Bavière. - Guerre civile entre la France et l'Angleterre. - Différence de la théologie mystique en Occident et en Orient.

Pendant les cinquante-six années qu'embrasse ce livre, le siége de saint Pierre fut occupé, de l'an 1316 à 1334, par Jean XXII; 1334 à 1342, par Benoit XII; de 1542 à 1352, par Clément VI; de 1352 à 1562, par Innocent VI; de 1362 à 1570, par Urbain V. Tous ces Papes étaient Français. Nous avons sur chacun d'eux plusieurs vies contemporaines : sept de Jean XXII, huit de Benoit XII, six de Clément VI, quatre d'Innocent VI, quatre d'Urbain V. Pas une ne dit rien contre les mœurs de pas un; au contraire, tous y sont loués sous ce rapport. Seulement, l'Italien Mathieu Villani, dans sa continuation des histoires florentines commencées par Jean Villani, son frère, reproche à Clément VI que les grandes et nobles dames étaient admises dans ses appartements, comme les prélats; mais l'auteur de la troisième vie de ce Pape l'appelle expressément un modèle de religion et de modestie1; ce qui donne lieu de penser que le reproche contraire était un bruit répandu par la malveillance et accueilli un peu légèrement par Mathieu Villani, qui, comme les autres Italiens, en voulait aux Papes français de ce qu'ils demeuraient en-deçà des monts.

Jean XXII fut élu Pape le septième d'août 1316, après que le Saint-Siége eut vaqué deux ans, trois mois et dix-sept jours. D'après

'Modestiæ norma, religionis exemplar. Baluz. Vitæ Paparum avenionensium, t. 1, p. 300.

ce qui paraît, cette longue vacance est due aux compatriotes du précédent Pape, aux Gascons.

Clément V était mort le vingtième d'avril 1514, à la Roquemaure, près d'Avignon. Son corps fut d'abord reporté à Carpentras, où résidaient les cardinaux avec le reste de la cour de Rome; mais au mois d'août, il fut transféré en Gascogne, sa patrie, et enterré, comme il en avait donné l'ordre, à Useste, diocèse de Bazas. Incontinent après la mort du Pape, son trésor fut pillé, et l'on accusa son neveu, le Gascon Bertrand, comte de Lomagne, d'avoir détourné plus de trois cent mille florins d'or destinés aux frais de la croisade. D'ailleurs, au mois de juin de la même année, Hugucion de Fayole, avec ses Gibelins, surprit Lucques, qui fut pillée pendant huit jours par les Pisans et les Allemands. Ils prirent entre autres le trésor de l'Eglise romaine, que, par ordre du Pape, le cardinal Gentil de Montefiore avait amené de Rome, de la Campanie et du patrimoine de Saint-Pierre, et déposé dans l'église de Saint-Fridien, à Lucques; mais il fut enlevé tout entier et porté à Pise. L'Eglise romaine se voyait ainsi volée en même temps, et par des Italiens, et par des Allemands, et par des Gascons.

Après la mort du Pape, les cardinaux qui étaient à Carpentras, au nombre de vingt-trois, la plupart Gascons, entrèrent au conclave, dans le palais épiscopal, pour procéder à l'élection du successeur. Ils y demeurèrent quelque temps, mais sans pouvoir s'accorder. Survint une querelle entre leurs domestiques, qui pillèrent les marchands romains et les autres étrangers qui suivaient la cour; on mit le feu à la ville, une partie fut brûlée. Touchés de ce désordre, les cardinaux convinrent de se séparer, à la charge de se réunir à un certain jour. Ils sortirent ainsi du conclave vers la fin de juillet 1314; mais ils furent deux années entières sans se rassembler, n'étant pas moins divisés sur le lieu de l'élection que sur le choix de la personne. Les Italiens disaient qu'il fallait aller à Rome, d'autres ailleurs, et ainsi ils se dispersèrent; quelques-uns se retirèrent à Orange, d'autres à Avignon, chacun où il lui plut1.

Les cardinaux italiens, qui n'étaient que six, écrivirent sur ce sujet une lettre circulaire aux cinq premiers abbés de Citeaux et au chapitre général de l'ordre, pour les prémunir contre les faux bruits et les instruire au vrai de ce qui s'était passé à Carpentras ; ce qu'ils racontent ainsi : Comme nous étions dans le palais, en conclave pour élire un Pape, tout d'un coup les Gascons, sous prétexte d'emporter le corps de Clément V, prirent les armes le

'Raynald, 1514, n. 16. Baluz, t. 1, p. 80.

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