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Le serviteur de Dieu continua pendant plusieurs années le cours de ses travaux apostoliques. Lorsque ses forces épuisées ne lui permirent plus de s'occuper du salut du prochain et de l'accroissement de son ordre, il retourna avec empressement dans son ermitage et s'y livra tout entier à la prière, à la contemplation et à la pratique de la pénitence. Il avait annoncé sa mort comme prochaine, et s'y préparait avec soin. Sachant donc qu'il touchait à sa dernière heure, il sort un matin en bonne santé, monte sur un rocher, et là il rend son âme à Dieu, le trente-un août 1315. Au bout de quelque temps, les solitaires, qui avaient coutume de se réunir en ce lieu pour y écouter les conférences qu'André leur faisait habituellement, s'étant approchés de lui, et l'ayant trouvé agenouillé, les yeux élevés au ciel, les mains jointes devant la poitrine, le visage animé et resplendissant, crurent qu'il avait un ravissement, et ne s'aperçurent pas d'abord qu'il était mort. Le bruit de son bienheureux trépas s'étant répandu dans le pays, le peuple accourut en foule à l'ermitage pour rendre à ce saint homme les derniers devoirs. Ses frères portèrent son corps dans l'église de Borgo, où il fut honorablement inhumé, et où il n'a cessé de recevoir des marques de la dévotion des fidèles, à cause des miracles qui s'y sont opérés. Le pape Pie VII, informé du culte du bienheureux André, y donna son approbation 1.

La conversion de Bonaventure Bonacorsi fut encore plus merveilleuse. A Pistoie en Toscane, où sa famille était une des plus distinguées, il naquit à l'époque des plus vives dissensions entre les Gibelins et les Guelfes. Aussitôt qu'il fut en âge de prendre part aux discordes civiles, il s'y livra avec impétuosité et finit par devenir un des chefs les plus ardents de la faction gibeline. Tout occupé du soin de soutenir le parti qu'il avait embrassé et de faire du mal à ses ennemis, il étouffait en lui les sentiments de la religion et contribuait à causer la désolation de sa ville natale, qui se trouvait dans un désordre effroyable. Saint Philippe Béniti, s'enfuyant de Florence, dont on voulait le faire évêque, vint prêcher à Pistoie et exhorter ses habitants à faire cesser leurs funestes divisions. Son discours simple, mais plein d'onction et accompagné de cette bénédiction particulière que le Seigneur accorde aux paroles des saints, produisit des effets merveilleux; plusieurs de ses auditeurs, touchés de la grâce, se convertirent à l'heure même et se réconcilièrent avec leurs ennemis.

Mais personne ne profita mieux que Bonacorsi du sermon de saint

1 Godescard, 3 septembre.

Philippe. Pénétré de douleur à la pensée des crimes qu'il avait commis, il va se jeter aux pieds du prédicateur, et, sans écouter le respect humain, il lui en fait publiquement l'aveu, lui demandant la faveur d'être admis dans son ordre et d'en recevoir l'habit. L'homme de Dieu l'embrasse tendrement et lui promet de satisfaire så demande à deux conditions: la première, qu'il se réconcilierait avec tous ses ennemis et principalement avec les partisans de la faction opposée, qu'il avait si cruellement traitée; la seconde, qu'il réparerait tout le dommage qu'il avait causé pendant le cours de la guerre civile. Le nouveau pénitent promit tout et remplit fidèlement sa promesse. S'étant prosterné devant tout le peuple, il demanda publiquement pardon à ses concitoyens du mal qu'il leur avait fait, et les sollicita de lui accorder sa grâce. Malgré son orgueil et sa fierté, il alla voir ses plus mortels ennemis, et souffrit patiemment les rebuts de plusieurs d'entre eux. Ses restitutions surpassèrent de beaucoup les injustices dont il s'était rendu coupable. Après une confession publique de ses désordres, il reçut l'habit des Servites et donna par cette démarche éclatante un exemple de générosité chrétienne qui porta plusieurs chrétiens à se convertir.

Bonacorsi, qui, pour exprimer la joie qu'il ressentait de son retour à Dieu, avait pris le surnom de Bonaventure, se hâta de se rendre au mont Senario, où il fit de si grands progrès dans la vertu, que saint Philippe le proposait aux autres religieux pour modèle. Il se livrait sans relâche aux jeûnes, aux veilles et à la prière. Sa pratique favorite était de méditer souvent sur la mort, dont la pensée est si salutaire et si négligée de la plupart des chrétiens. Devenu ministre de Jésus-Christ par le sacerdoce, le serviteur de Dieu établit à Pistoie, sous la direction de saint Philippe, une congrégation appelée des Pénitents de Sainte-Marie, et dans la même ville, ainsi que dans plusieurs autres, des maisons pour les sœurs du tiersordre des Servites. Rarement séparé de saint Philippe, Bonaventure, sous la conduite de ce grand-maître de la vie spirituelle, y fit tant de progrès, qu'après la mort de ce saint, le général qui lui succéda lui confia les affaires les plus importantes de l'ordre, et lui donna successivement plusieurs couvents à gouverner en qualité de supérieur. Il s'acquitta de son emploi de la manière la plus édifiante et la plus utile à ses religieux.

Non content de diriger ses frères dans les voies de la perfection Į religieuse avec prudence et sagesse, le serviteur de Dieu travaillait avec un saint zèle au salut des peuples; il fit entrer un grand nombre de pécheurs dans les sentiers de la pénitence, et porta

d'autres âmes à mener une vie plus parfaite. Pendant qu'il était prieur de Monte-Pulciano, l'évêque de cette ville, qui avait en lui beaucoup de confiance, le chargea de recevoir les vœux de sainte Agnès, célèbre religieuse dominicaine, de lui donner le voile et de gouverner le monastère que cette sainte fille avait fondé. Les habitants de Monte-Pulciano et d'Orviète, ainsi que des lieux d'alentour, avaient tant de vénération pour Bonaventure, que, de son vivant, ils l'appelaient ordinairement le Bienheureux. Il mourut à Orviète l'an 1515, et fut enterré dans l'église de son ordre, sous l'autel de la sainte Vierge. Les miracles opérés à son tombeau et le concours du peuple qui venait honorer ses reliques depuis un temps immémorial, déterminèrent le pape Pie VII à approuver son culte le vingttrois avril 1822 1.

Entre ceux que l'exemple de ce saint personnage fit rentrer dans la voie du salut, le plus remarquable peut-être fut Ubald d'Adimari, noble florentin et l'un des chefs les plus furieux de la faction gibeline. Le généreux sacrifice de Bonacorsi le toucha, et il résolut de l'imiter. Ayant été admis dans l'ordre des Servites par saint Philippe en 1280, il se retira au mont Senario qu'habitaient encore les saints fondateurs de son institut, et y pratiqua de grandes austérités. Ses vertus éminentes lui procurèrent l'honneur d'être élevé au sacerdoce. Devenu le compagnon de saint Philippe, il partagea les travaux apostoliques de cet illustre serviteur de Dieu, qui lui donna toute sa confiance et le choisit pour son confesseur. Après la mort de celui-ci, Ubald revint au mont Senario, où il passa le reste de ses jours dans la pratique de la pénitence et d'une humilité d'autant plus remarquable qu'il avait l'esprit cultivé et joignait à une rare prudence beaucoup de capacité. Plusieurs miracles qu'il opéra pendant sa vie devinrent autant de preuves de sa sainteté. Des membres de son illustre famille, touchés de ses exemples, entrèrent dans l'ordre des Servites, auxquels ils donnèrent un nouvel éclat. Le bienheureux mourut à l'âge de plus de soixante-six ans, le neuf avril 1515. Le pape Pie VII approuva son culte le trente-un mars 1821. Il est honoré dans son ordre le jour de sa mort 2.

Sainte Agnès, dont le bienheureux Bonacorsi fut chargé de recevoir les vœux, naquit à Mont-Politien ou Monte-Pulciano en Toscane, de parents fort riches. Elle avait à peine atteint l'âge où l'on sait. discerner le bien d'avec le mal, qu'elle montra beaucoup de mépris pour toutes les choses du monde; elle n'avait de goût que pour les exercices de piété, et elle y consacrait un temps considérable. Lors

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qu'elle fut dans sa neuvième année, ses parents la mirent chez les religieuses nommées Sachines, de leur habit ou de leur scapulaire, qui était de cette grosse toile avec laquelle on fait les sacs. La jeune Agnès ne fut point effrayée des mortifications qu'elle voyait pratiquer; elle s'y assujétit avec plaisir, et devint bientôt elle-même le modèle de toutes les vertus. Elle résolut de renoncer pour toujours au monde, afin de préserver son innocence des dangers qui se rencontrent dans le siècle.

Elle n'avait que quinze ans lorsqu'on l'envoya dans le couvent des Dominicaines qui venait d'être fondé à Proceno, dans le comté d'Orviète. Quelque temps après, elle en fut nommée abbesse par le pape Nicolas IV. Cette place ne fit que redoubler son zèle pour la perfection. Elle couchait sur la terre nue, et n'avait qu'une pierre pour oreiller. Durant l'espace de quinze ans, elle jeûna continuellement au pain et à l'eau. Il fallut un ordre exprès de son directeur pour l'obliger ensuite à modérer ses austérités, à cause de l'extrême faiblesse de sa santé.

Ses compatriotes, touchés de l'éclat de ses vertus, mirent tout en œuvre pour la rappeler à Monte-Pulciano. Ils lui donnèrent un couvent qu'ils avaient fait bâtir dans un lieu où était auparavant une maison de débauche. Cette circonstance engagea la sainte à retourner dans sa patrie. Elle prit possession du monastère et y mit des religieuses de Saint-Dominique, dont elle suivait la règle. Sa sainteté reçut un nouveau lustre du don des miracles et de celui de prophétie. Ses longues infirmités, qu'elle supporta avec une soumission entière à la volonté du ciel, achevèrent de perfectionner ses vertus. Elle mourut à Monte-Pulciano, le vingt avril 1317, dans la quarantième année de son âge. En 1435, son corps fut porté chez les Dominicains d'Orviète, où il est encore. Clément VIII approuva un office fait en son honneur pour l'usage de l'ordre de Saint-Dominique, et inséra son nom dans le martyrologe romain. La bienheureuse Agnès fut solennellement canonisée par Benoit XIII en

1726'.

D'autres saintes illustraient encore à cette époque le tiers-ordre de Saint-Dominique. Emilie fut de ce petit nombre d'âmes pures qui, ne vivant que pour Dieu, sont absolument étrangères à la corruption du monde et passent leurs jours dans l'innocence. Cette sainte fille, qui appartenait à une famille illustre, celle des Bicchieri, naquit à Verceil le trois mai 1238. Elle perdit sa mère dès son bas âge, et la piété devançant en elle les années, elle pria la

'Acta SS., et Godescard, 20 avril.

sainte Vierge de la prendre sous sa protection et de suppléer ainsi à la perte qu'elle venait de faire. Cette confiance filiale en Marie lui mérita des grâces spéciales.

Sentant de bonne heure le prix du silence et de la mortification, elle parlait aux créatures le moins qu'elle pouvait, afin de s'entretenir plus facilement avec Dieu dans l'oraison, exercice qui avait pour elle beaucoup d'attrait. Elle affligeait son corps par le jeûne, et domptait sa volonté par des actes continuels de renoncement. D'un autre côté, elle était si ennemie du faste et des parures mondaines, qu'elle ôtait les ornements que ses femmes de chambre ajoutaient à ses vêtements. Remplie de compassion pour les pauvres, elle les soulageait de tout son pouvoir. Pierre Bicchieri, son père, la regardait comme la gloire et le soutien de sa maison. Aussi formait-il des projets pour son établissement dans le monde. Mais tout le désir d'Emilie était de se consacrer à Dieu dans l'état religieux. A l'âge de quinze ans elle se jeta aux pieds de son père et lui demanda son consentement pour suivre la voix du Seigneur qui l'appelait à son service. Cette prière inattendue surprit et troubla Bicchieri. Il se montra d'abord peu disposé à répondre aux vœux de sa fille; mais bientôt, vaincu par ses pressantes sollicitations, il la laissa libre d'exécuter sa pieuse résolution.

La servante de Dieu, se regardant dès ce moment comme séparée du monde, commença dans la maison paternelle à essayer du genre de vie qu'elle voulait embrasser. Accoutumée au jeûne depuis son enfance, elle s'y livra plus fréquemment alors, et elle y joignit plusieurs jours d'abstinence par semaine. Quoique très-fervente, elle mettait tant de discrétion dans sa conduite, qu'on ne pouvait blåmer sa dévotion.

A l'âge de dix-huit ans, l'année 1256, elle entra dans l'ordre de Saint-Dominique, pour lequel elle s'était décidée après de sérieuses réflexions et d'ardentes prières, son père ayant fait construire exprès un couvent de cet ordre pour recevoir sa fille, et l'ayant en même temps doté de revenus suffisants. Mais, avant de se séparer de ce bon père, elle lui demanda le pardon des fautes qu'elle avait commises contre lui, ainsi que sa bénédiction, d'une manière si touchante, que Bicchieri fondit en larmes et la bénit avec tendresse.

Emilie, au comble de ses désirs, prit l'habit du tiers-ordre de Saint-Dominique, et, après avoir passé une année dans les exercices d'un fervent noviciat, elle se lia au Seigneur par les vœux de religion. Il serait difficile d'exprimer avec quelle joie elle fit son sacrifice. Tout entière à Dieu, elle ne voulut plus avoir aucun

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