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Voulez-vous connaître la grandeur de ses souffrances? Consumé de langueur pendant de longues années dans les cachots des barbares, il a été réduit à un tel excès de misère qu'il s'est attiré la pitié de ses propres ennemis, infortune qui semble aux hommes de cœur plus pesante et plus amère que les douleurs mêmes. Et cela, pourquoi? pourquoi! si ce n'est assurément, comme je l'ai déja dit, parce que les barbares s'humilient devant Dieu, et que nous lui sommes rebelles; parce qu'ils ont cru que la victoire est dans les mains de Dieu, et que nous l'avons cru placée dans les nôtres, c'est-à-dire dans des mains sacrilèges et impies, ce qui est bien plus coupable encore. Enfin, le bruit en a couru et le fait est prouvé; le Roi des ennemis lui-même, prosterné sur un cilice, a répandu des prières jusqu'au jour de la bataille; avant le combat, il s'est agenouillé sous les yeux du Seigneur, il s'est levé de son oratoire pour voler à la guerre. Près d'en venir aux mains, il a combattu par ses supplications, et voilà pourquoi, confiant, il s'est avancé contre l'ennemi, parce que ses prières lui avaient déjà mérité la victoire.

La même chose nous est arrivée avec les Vvandales; nos armées allaient les combattre en Espagne; elles se promettaient la victoire, aveuglées par cette présomptueuse confiance qu'elles avaient apportée naguère contre les Goths; le même faste d'orgueil les entraîna dans les mêmes désastres, dans la même ruine. Et alors s'accomplit sur nos soldats cette parole du Prophète : Le Seigneur renversera votre confiance et vous n'aurez aucun succès. Nous nous reposions sur notre sagesse, sur notre force, contre ces préceptes mêmes du Seigneur :

sapienta sua, nec fortis in fortitudine sua: sed in hoc glorietur qui gloriatur, scire et nosse me quia ego sum Dominus (1). Non immerito itaque victi sumus, ad meliora enim se illi subsidia contulere quam nostri. Nam cum armis nos atque auxiliis superbiremus, a parte hostium nobis liber divinæ legis occurrit. Ad hanc enim præcipue opem timor et perturbatio tunc Vvandalica confugit, ut seriem nobis cœlestis eloquii opponeret, et adversum venientes æmulos suos sacri voluminis scripta, quasi ipsa quodammodo divinitatis ora, reseraret. Hic nunc requiro, quis hoc unquam a nostris partibus fecerit, aut quis non inrisus fuerat, si putasset esse faciendum? inrisus utique, sicut a nostris omnia ferme religiosa ridentur. Et ideo quid prodesse nobis prærogativa illa religiosi nominis potest, quod nos catholicos esse dicimus, quod fideles esse jactamus, quod Gothos ac Vvandalos hæretici nominis exprobratione despicimus, cum ipsi hæretica pravitate vivamus? Itaque, rectissime nobis dicitur illud quod Judæis lege fidentibus dixit sermo divinus: Quomodo dicitis, sapientes sumus, et lex Dominus nobiscum est? Nolite, inquit, confidere in verbis mendacii, dicentes: Templum Domini, templum Domini, templum Domini est. Quoniam si bene direxeritis vias vestras et studia

(1) Jer. IX. 23-24.

Que le sage ne se glorifie point dans sa sagesse, que le fort ne se glorifie point dans sa force; mais que celui qui se glorifie, se glorifie de me connaitre et de savoir que je suis le Seigneur. Nous avons donc bien mérité d'être vaincus, car nos ennemis ont eu recours à de meilleurs auxiliaires que nous. Pendant que nous mettions notre orgueil dans nos armes et nos alliés, le livre de la loi divine marchait contre nous dans les rangs ennemis. La seule défense des Vvandales, au milieu de leurs craintes et de leurs troubles, a été de nous opposer les discours célestes et de faire retentir contre leurs assaillans les paroles des saints volumes, comme autant de voix de la divinité. Et maintenant, je le demande ici, où est l'homme parmi nous qui se fût jamais avisé d'un pareil stratagême ? qui n'eût pas encouru la risée générale, seulement en proposant la chose? Oui, la risée générale, car, chez nous, tout ce qu'il y a de sacré n'estil pas un objet de dérision? Ainsi donc, à quoi bon nous glorifier de cette prérogative d'un nom religieux, à quoi bon nous dire catholiques, à quoi bon vanter notre foi, à quoi bon déshonorer les Goths et les Vvandales par le reproche d'hérésie, lorsque nous vivons nous-mêmes dans une dépravation hérétique? Aussi, les paroles que l'Ecriture adressait aux Juifs qui mettaient leur confiance dans la loi, on peut bien nous les adresser avec raison: Comment dites-vous, nous sommes sages, et la loi du Seigneur est parmi nous?— Ne vous confiez pas en des paroles de mensonge, disant: Temple du Seigneur, temple du Seigneur, ce temple est au Seigneur. Car, si vous redressez vos voix et vos - si vous ne faites point d'injustice à l'étranger,

désirs,

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vestra, advenæ et pupillo et viduæ non feceritis calumniam, nec sanguinem innocentem effuderitis in loco hoc, habitabo vobiscum in loco isto a seculo usque in seculum (1). Quo utique ostenditur quod si ista non facimus, superflue nobis catholici nominis præsumptione plaudamus. Sed hinc jam et superius satis dictum est, et adhuc fortasse dicetur; nec opus est ut de hoc amplius disseramus, ubi Dei juge judicium est. Quid enim de nobis. vel de Gothis ac Vvandalis Deus judicet, res probat. Illi crescunt quotidie, nos decrescimus; illi proficiunt, nos humiliamur : illi florent, et nos arescimus. Ut vere in nos veniat dictum illud, quod de Saul et David ait sermo divinus: Quia David erat proficiens, et semper seipso robustior; domus autem Saul decrescens quotidie (1). Justus enim, ut Propheta ait, justus est Dominus, et rectum judicium suum.

Judicamur itaque etiam præsente judicio a Deo ; ideo excitata est in perniciem ac dedecus nostrum gens quæ de loco in locum pergens, de urbe in urbem transiens, universa vastaret. Ac primum a solo patrio effusa est in Germaniam primam, nomine Barbaram, ditione Romanam; post cujus exitium primum arsit regio Belgarum, deinde opes Aquitanorum luxuriantium, et post hæc, corpus omnium Galliarum;

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au pupille et à la veuve, si vous ne répandez pas en ce lieu le sang innocent; j'habiterai avec vous de siècle en siècle dans cette terre. D'où il est évident que si nous ne faisons toutes ces choses, nous nous applaudissons bien à tort du nom de catholiques. Mais c'en est assez sur ce sujet, j'y reviendrai peut-être encore; il n'est pas besoin de s'étendre plus au long sur des faits où la justice de Dieu se manifeste sans cesse. Car les événemens ont assez prouvé quelle différence le Seigneur met entre nous, et les Goths et les Vvandales. Ils grandissent tous les jours, nous décroissons; ils se fortifient, nous sommes abaissés; ils fleurissent, et nous desséchons; en sorte qu'on peut dire de nous ce que dit l'Ecriture Sainte de Saül et de David: Toujours David s'avançait, et se fortifiait de plus en plus, mais la maison de Saül s'affaiblissait chaque jour. Car le Seigneur est juste, dit le Prophète, il est juste, et ses jugemens sont équitables.

Nous sommes donc jugés par Dieu, même dès ce monde; et voilà pourquoi a été suscitée pour notre ruine et notre honte, une nation qui, courant de lieux en lieux, passant de ville en ville, avait mission de ravager l'univers. Et d'abord, du sol natal, elle s'est répandue sur la Germanie, Barbare par le nom, Romaine par la conquête; après les saccagemens de cette province, l'incendie a dévoré en premier lieu les régions Belgiques, puis, l'opulence de la molle Aquitaine, et puis ensuite, le corps entier des Gaules : tout cela néanmoins s'accomplissait lentement, afin que le fléau qui atteignait les uns, devînt pour les autres un exemple salutaire.

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