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les Apotres, ont du moins valu des richeff immenfes à leurs fucceffeurs. Pour ceux-ci le bâton le plus groffier eft devenu une Crofe un bâton de commandement, dont le pouvoi fe fit fentir aux plus puiffans Souverains de la terre. Le fac ou la beface des Apôtres fe font convertis en Tréfors, en Bénéfices, en Principautés, en Revenus; la permiffion de mandier eft devenue le droit d'exiger des dixmes, de dévorer les nations, de s'engraiffer de la fubftance des malheureux, de jouir de droit divin de la faculté de piller la fociété & de la troubler impunément. En un mot les fucceffeurs de ces premiers Miffionnaires envoyés par Jésus-Chrift font devenus des mandians qui eurent le privilége d'affommer tous ceux qui refuferent de leur faire des charités, ou d'obéir à leurs commandemens. Bien des gens fe font imaginé que Jéfus n'avoit nullement fongé à la fubfiftance des Miniftres de fon Eglife: mais fi l'on examine attentivement l'Evangile, & fur-tout les Actes des Apôtres, on y trouvera les fondemens des richeffes, de la grandeur, & même du defpotifme du Clergé. Ce n'eft jamais que pour eux-mêmes & pour leurs confidens que les impofteurs imaginent des réfor mes, ou fondent de nouvelles Sectes,

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CHAPITRE X.

Sermon fur la Montagne. Précis de la Morale de Jéfus. Obfervations fur cette Morale.

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A crainte d'être arrêté ayant contraint Jéfus d'abandonner les villes, où il avoit trop d'ennemis, la campagne devint fon féjour ordinaire; le peuple, attendri par fes leçons, ou du moins quelques dévots & dévotes qu'il avoit convertis, fourniffoient à la fubfiftance de l'homme divin & de fa troupe. Obligés d'errer fans ceffe, de s'enfoncer dans les montagnes & les déferts, de coucher à la belle étoile; nos Apôtres durent fouvent être mécontens de leur fort; ce genre de vie comparé à celui qui l'avoit précédé dut leur paroître fort dur & fouvent les faire murmurer. Malgré la multitude des graces fpirituelles qu'ils ne pouvoient manquer de recevoir dans la fociété du Meffie, ces hommes charnels s'attendoit à toute autre chofe en s'attachant à lui. Ils s'étoient fans doute promis des emplois importans, des richeffes & du pouvoir dans le royaume qu'il devoit é tablir, il paroît donc que Jéfus avoit fouvent prefqu'autant de peine à les contenir qu'à' convaincre les Juifs rebelles à fes miracles & à fes beaux argumens. La mefure de leur appétit & de leur bien-être étoit pour lors unique régle de leur foi. Pour prévenir donc leurs murmures & les apprivoifer avec la vie frutgale que no

tre Miffionnaire prévoyoit être obligé de leur faire mener, peut-être encore pendant long tems, il leur fit un difcours für le vrai bonheur: c'eft celui qui eft connu fous le nom du Sermon fur la montagne, rapporté par S. Matthieu chapitre V.

Selon notre Orateur le vrai bonheur confif te dans la pauvreté d'esprit, c'est-à-dire, dans l'ignorance, dans le mépris d'une fcience altiere qui apprend à raifonner, & qui prive l'homme de cette foumiffion aveugle néceffaire pour fe laiffer guider. En un mot dans cette occafion Jéfus prêche à fes Apôtres & au peu-* ple qui l'écoute, un ftupidité très-utiles à fes vues, une docillité pieufe qui fait tout croire fans examen; il leur fait fentir que le royaume du ciel fera la récompenfe de cette heureuse difpofition. C'eft là le fens que l'Eglife a toujours donné à ces mots de Jéfus: bienheureux les pauvres d'efprit, parce que le royaume du ciel est à eux.

Parmi les Apôtres il y en a quelques-uns, dont le caractere emporté pouvoit nuire aux progrès de la fecte: en général il eft à préfumer que des hommes groffiers & fans éducation avoient de la rudeffe dans leurs manieres; Jént • fus leur fait donc fentir la néceffité d'être doux,/ polis, patiens pour gagner des profélytes & pour parvenir à fes fins; il leur recommande la modération & la tolérance comme des moyens de s'infinuer dans les efprits & réuffir dans le monde, en un mot comme les voies les plus fures pour faire des conquêtes. C'est le fens de

ses paroles: bienheureux ceux qui font doux, parce qu'ils pofféderont la terre.

Voulant enfuite leur infpirer du courage & les confoler de leur fituation miférable, il leur fait entendre que c'est un bonheur que de vivre dans les larmes; que c'est un moyen fûr pour expier fes fautes. Il leur promet que leurs chagrins ne dureront pas toujours, que leurs pleurs feront féchés, que leur mifere finira; que leur faim s'appaifera. Ces confolations & ces promeffes étoient très-néceffaires afin de prémunir les Apôtres contre tous les accidens qui pouvoient leur arriver dans le cours de leurs entreprises, & à la fuite d'un Chef dépourvu de richeffes & de pouvoir, incapable de fe procurer à lui-même & aux autres aucunes des douceurs de la vie.

Jéfus dans la vue fans doute d'adoucir le fort de fes Apôtres recommande la miféricorde au peuple qui l'écoute, c'est-à-dire, l'exhorte à montrer de la pitié dont lui-même ainfi que fa troupe avoit le plus grand befoin. En général il est aifé de fentir que le Meffie avoit le plus grand intérêt à prêcher la charité à ses auditeurs; ils ne vivoit que d'aumônes; sa subfiftance & fes fuccès dépendoient visiblement de la générofité du public & des bienfaits des bonnes ames qui écoutoient fes leçons.

Le Prédicateur recommande la paix & la concorde; difpofitions très- néceffaires dans ung fecte naiffante, foible & perfécutée, mais qui deviennent très-utiles lorfqu'elle eft une fois affez forte pour faire la loi.

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Il prémunit enfuite fes Difciples contre les perfécutions qu'ils devoient effuyer, il s'adref fe à leur amour - propre, il les pique d'honneur, il leur dit vous êtes le fel de la terre, la lumiere du monde. Il leur fait entendre qu'ils font les fucceffeurs des Prophètes, ces hommes fi refpectés parmi les Juifs, & que pour partager leur gloire il doivent s'attendre aux mêmes traverfes que ces illuftres dévanciers ont éprouvées autrefois. Enfin il leur fait envifager comme un bonheur très-digne des récompenfes céleftes d'être haï, perfécuté, méprisé, diffamé, en un mot d'être privé de tout ce qui eft communément regardé comme conftituant le bienêtre des hommes.

Après avoir ainfi fortifié fes Difciples contre les malheurs dont leur miffion devoit être accompagnée, il s'adreffa plus particuliérement au peuple. Il lui préfenta une nouvelle morale, qui, fans être totalement oppofée à celles des Juifs, fût telle qu'on pût la concilier avec elle. Il n'étoit pas encore tems d'abroger entiérement la loi de Moyfe; les trop grands changemens effrayent les hommes; un Miffionnaire encore foible ne doit chercher d'abord qu'à réformer les abus, fans fe permettre de toucher au fond. Jéfus fe contenta donc fagement de faire voir que cette loi péchoit par quelques endroits & qu'il fe propofoit de la perfectionner. C'eft le langage que tiennent tous les réformateurs.

Ainfi Jéfus déclare formellement au peuple qu'il n'est point venu pour détruire, mais pour accomplir la loi il affure même que dans le ciel

les

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