Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

XII.

DES DEUX ESPÈCES DE MARTYRES ".

(ADRESSÉ A FORTUNE.)

Je ne saurais trop remercier la divine Providence, mon cher Fortuné, d'abord de vous avoir inspiré la pensée de faire un appel à mon ministère, en m'engageant à réunir dans un court traité tout ce qu'il peut y avoir de plus propre à exciter le courage de nos frères, appelés à combattre comme nous, et à leur présenter les armes les plus nécessaires pour repousser, avec la grâce de l'Esprit saint, les assauts de la persécution; ensuite d'avoir daigné seconder mes efforts pour exécuter ce que vous m'aviez demandé.

Elle a permis que notre vœu à l'un et à l'autre ne restât point stérile: le vôtre en accomplissant votre pieux désir, le mien en faisant tourner au profit de tout le troupeau la correspondance de l'amitié. Vous m'écrivez que ce livre a singulièrement ranimé l'ardeur et le courage de nos généreux athlètes; que les

a

Quelques expressions peu mesurées, des anachronismes palpables ont fourni aux critiques modernes des raisons légitimes pour ranger ce traité parmi les œuvres apocryphes.

Le latin porte: Hoc est quod mei Fortunati pium desiderium bene fortunavit. Cette expression, en effet païenne, est si peu ordinaire à l'antiquité apostolique, qu'elle a suffi pour faire rejeter ce livre du catalogue de ceux de saint Cyprien.

faibles et les plus timides y ont gagné des dispositions telles qu'elles nous font espérer de leur part, avec le soutien du Seigneur, la victoire au jour du combat. Dans cette confiance, la bonté divine ayant daigné rendre l'ouvrage utile, j'ai bien volontiers accédé à la demande exprimée par votre dernière lettre, d'ajouter un nouvel écrit sur les deux espèces de martyres, dont l'un consiste à confesser Jésus-Christ en présence des bourreaux et des supplices; l'autre, moins éclatant, ne demande pas moins l'héroïsme de la foi et toute la force d'en haut. Plaise à Dieu que celui-ci ne profite pas moins à nos frères! Car de même qu'il n'y a rien de saint que ce qui est sanctifié par le Seigneur, ni rien de puissant à moins d'être soutenu par sa main toute-puissante; de même ne devons-nous nous attendre à aucun succès, qu'à ceux qu'il veut bien accorder à nos efforts. Je commence donc sous les auspices et de vos prières et de la grâce du Seigneur.

Le mot martyr (comme tout le monde le sait, même sans savoir le grec, d'où il tire son étymologie) signifie témoin. Affecté particulièrement à ceux qui sont morts en confessant la foi de Jésus-Christ, et qui ont scellé de leur sang la foi à Jésus-Christ en présence des infidèles, il peut également s'appliquer à tous ceux dont la vie pure et innocente rend témoignage à l'Evangile; non qu'il ait besoin de notre profession de foi, lui qui est à lui-même le principe de son éternelle gloire. Ni les honneurs qu'il reçoit de notre part ne sauraient ajouter à sa majesté souveraine, ni les hommages qu'on lui refuse ne peuvent en obscurcir l'éclat. Mais tel est l'ordre établi par sa bonté, par sa sagesse et sa puissance, qu'il demande à être glorifié au milieu des hommes par les hommes.

Comme il a voulu que ses anges eussent le gouvernement du monde, bien que leur intervention ne lui fût nullement nécessaire, il daigne employer le ministère des hommes dans une foule de circonstances où il pourrait agir par lui-même, en vertu de cette absolue puissance à qui il suffit de vouloir pour exécuter. Ainsi, bien que la souveraine indépendance de sa grandeur s'élève infiniment au-dessus de toutes les choses de la terre, vous l'entendez parler dans les Ecritures comme s'il était réellement affecté de nos hommages ou de nos offenses. Par exemple, au livre du Deuteronome, le Seigneur se plaint à Moïse de ce qu'il avait péché contre lui au milieu des enfants d'Israël, aux eaux de contradiction, à Cadès, au désert de Sin, lui et son frère Aaron, et de ce qu'ils n'avaient pas rendu gloire à sa sainteté devant les enfants d'Israël'; c'est pourquoi il ne leur sera pas donné à l'un et à l'autre d'entrer dans la terre promise, l'objet de tant de vœux et d'espérances, et qu'il leur est permis seulement de voir de loin'. On sait que dans la langue hébraïque les mots sanctifier ou glorifier le Seigneur sont synonymes; l'Ecriture nous en fournit grand nombre de témoignages. Dans l'Oraison dominicale nous disons: Que votre nom soit sanctifié; c'est-à-dire qu'il soit glorifié. Saint Paul, dans sa lettre aux Corinthiens, les exhorte à glorifier le Seigneur en portant Jésus-Christ dans leurs corps. De même que le nom de Dieu est glorifié par la bonne vie de ses fidèles adorateurs, dans qui il agit par la grâce de son Esprit saint et opère tout le bien qu'ils font; de même les mauvais exemples donnés par ceux qui professent son culte et le démentent par leurs œuvres, exposent

'Deut., XXXII, 59.

ce saint nom aux blasphèmes des infidèles. Le courage du soldat, la probité du serviteur honorent celui qui les commande, comme aussi leurs infidélités dans leur service retombent sur le général ou sur le maître, par la raison que leurs mœurs se règlent la plupart du temps sur celles des personnes de qui ils dépendent. La conduite de ceux-ci a beau être exempte de tout reproche, on ne saurait empêcher le préjugé public d'apprécier les mœurs des serviteurs par celles des maîtres. Il est donc ordinaire de voir ici nos livres saints en conformité avec le langage populaire. Dans le Lévitique, parlant de celui qui aurait sacrifié à l'idole de Moloch: celui-là, est-il dit, a souillé la sainteté de mon nom1. Ce qui a été sanctifié par les hommes, peut être souillé, mais le nom du Seigneur conserve toute sa gloire, alors qu'il est profané par les hommes, comme une accusation calomnieuse ne souille pas le juste sur qui elle tombe. Dans le prophète Ezéchiel2, Dieu se plaint que son nom soit souillé parmi les Gentils, par les mœurs criminelles du peuple d'Israël; et l'apôtre saint Paul, reprochant aux Juifs de violer les commandements de la loi qu'ils faisaient profession d'honorer, leur dit: Vous êtes cause, comme dit l'Ecriture, que le nom de Dieu est blasphémé parmi les nations3. Je vousai déjà cité les paroles de notre divin Rédempteur dans l'Oraison dominicale, où il est dit que votre nom soit sanctifié, c'est-à-dire qu'il soit honoré, glorifié parmi les hommes, par leurs actions et dans leurs personnes. Il est glorifié quand c'est son esprit qui domine dans. nous, qui règle nos pensées et nos actions, et les assujettit sur la terre à sa volonté comme dans le ciel

' Lev., XX..

3

Ezech., xx, 39. — 3 Rom., 11, 24.

où elle règne souverainement. L'homme ne pouvant rien par lui-même, tout ce qu'il fait de bien tourne à la gloire du Seigneur qui a placé le trésor de sa gráce dans les vases de terre où nous le portons, afin que l'on connaisse que la grandeur de la puissance qui est en nous est de Dieu et non pas de nous1.

Quoique la vie tout entièrè du véritable chrétien soit un témoignage continuel rendu à Dieu et à son divin fils Jésus-Christ, il n'en est point de plus éclatant que celui qui résulte de l'effusion de son sang versé pour la cause de Jésus-Christ: c'est la preuve que, pour lui, on n'a tenu nul compte de la vie et que l'on s'est courageusement exposé à la mort. Les miracles de Jésus-Christ attestaient sa toute-puissance divine, particulièrement aux yeux des incrédules; car c'était surtout pour eux qu'ils s'opéraient, comme le déclare l'apôtre des Gentils; mais donner sa vie pour Jésus-Christ, a offert dans tous les temps un témoignage plus efficace. Que de maladies déclarées incurables cédaient à sa simple parole! que d'aveugles rendus par lui à la lumière! que de paralytiques guéris! que de morts ressuscités! et cependant, peu croyaient en lui, et l'on disait même en sa présence qu'il chassait les démons au nom de Beelzebuth3. A peine le sang de ses martyrs a-t-il commencé à être répandu, le règne de Satan s'ébranle, le monde est vaincu. Il y en a trois, nous dit l'évangiliste saint Jean, qui rendent témoignage dans la terre, l'esprit, l'eau et le sang, et ces trois sont une même chose'. Ce qu'il connaît de plus puissant, il le place au dernier rang. Il avait été donné à Jean-Baptiste de voir l'Esprit saint descendre, sous la forme d'une colombe, sur la

3

II Cor., iv, 7.- Ib., xiv, 22.- Luc, x1, 18.-'I Joan., v, 8.

« ZurückWeiter »