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tableaux ce que nous avons dit ailleurs des sujets de poëmes: le christianisme a fait naître pour le peintre une partie dramatique très-supérieure à celle de la mythologie. C'est aussi la religion qui nous a donné les Claude le Lorrain, comme elle nous a fourni les Delille et les Saint-Lambert (23). | Mais tant de raisonnements sont inutiles: parcourez la galerie du Louvre, et dites encore, si vous le pouvez, que le génie du christianisme est peu favorable aux beaux-arts.

CHAPITRE V.

SCULPTURE.

A quelques différences près qui tiennent à la partie technique de l'art, ce que nous avons dit de la peinture s'applique également à la sculpture.

La statue de Moïse, par Michel-Ange, à Rome; Adam et Ève, par Baccio, à Florence; le groupe du Vou de Louis XIII, par Coustou, à Paris; le saint Denis, du même; le tombeau du cardinal de Richelieu, ouvrage du double génie de le Brun et de Girardon; le monument de Colbert, exécuté d'après le dessin de le Brun, par Coyzevox et Tuby; le Christ, la Mère de pitié, les huit Apôtres de Bouchardon, et plusieurs autres statues du genre pieux, montrent que le christianisme ne sauroit pas moins animer le marbre que la toile.

Cependant il est à désirer que les sculpteurs bannissent à l'avenir de leurs compositions funèbres ces squelettes qu'ils ont placés au monument: ce n'est point là le génie du christianisme, qui peint le trépas si beau pour le juste.

Il faut également éviter de représenter des cadavres' (quel que soit d'ailleurs le mérite de l'exécution), ou l'humanité succombant sous de longues infirmités. Un guerrier expirant au champ d'honneur dans la force de l'âge peut être superbe, mais un corps usé de maladies est une image que les arts repoussent, à moins qu'il ne s'y mêle un miracle, comme dans le tableau de saint Charles Borromée 3. Qu'on place done au monument d'un chrétien, d'un côté, les pleurs de la famille et les regrets des hommes; de l'autre, le sourire de

l'espérance et les joies célestes: un tel sépulcre, des deux bords duquel on verroit ainsi les scènes du temps et de l'éternité, seroit admirable. La mort pourroit y paroître, mais sous les traits d'un ange à la fois doux et sévère; car le tombeau du juste doit toujours faire s'écrier avec saint Paul : O mort! où est ta victoire? qu'as-tu fait de ton aiguillon'

CHAPITRE VI.

ARCHITECTURE.

HOTEL DES INVALIDES.

En traitant de l'influence du christianisme dans les arts, il n'est besoin ni de subtilité, ni d'éloquence; les monuments sont là pour répondre aux détracteurs du culte évangélique. Il suffit, par exemple, de nommer Saint-Pierre de Rome, Sainte-Sophie de Constantinople, et Saint-Paul de Londres, pour prouver qu'on est redevable à la religion des trois chefs-d'œuvre de l'architecture moderne.

Le christianisme a rétabli dans l'architecture, comme dans les autres arts, les véritables proportions. Nos temples, moins petits que ceux d'Athènes, et moins gigantesques que ceux de Memphís, se tiennent dans ce sage milieu où règnent le beau et le goût par excellence. Au moyen du dóme, inconnu des anciens, la religion a fait un heureux mélange de ce que l'ordre gothique a de hardi, et de ce que les ordres grecs ont de simple et de gracieux.

Ce dôme, qui se change en clocher, dans la plupart de nos églises, donne à nos hameaux et à nos villes un caractère moral que ne pouvoient avoir les cités antiques. Les yeux du voyageur viennent d'abord s'attacher sur cette flèche religieuse dont l'aspect réveille une foule de sentiments et de souvenirs : c'est la pyramide funèbre autour de laquelle dorment les aïeux; c'est le monument de joie où l'airain sacré annonce la vie du fidèle ; c'est là que les époux s'unissent; c'est là que les chrétiens se prosternent au pied des autels, le foible pour prier le Dieu de force, le coupable pour implorer le Dieu de miséricorde, l'innocent pour chanter le Dieu de bonté. Un paysage paroît-il nu, triste, désert, placez-y un

Comme aux mausolées de François Ier et d'Anne de clocher champêtre; à l'instant tout va s'animer: Bretagne.

2 Comme au tombeau du duc d'Harcourt.

» La peinture souffre plus facilement la représentation du cadavre que la sculpture, parce que dans celle-ci le marbre, offrant des forces palpables et glacées, ressemble trop à la vérité.

les douces idées de pasteur et de troupeau, d'a sile pour le voyageur, d'aumône pour le pèlerin,

II Cor., chap. xv, v. 55.

d'hospitalité et de fraternité chrétienne, vont | habile parce qu'on redresse quelques erreurs de naître de toutes parts.

Plus les âges qui ont élevé nos monuments ont eu de piété et de foi, plus ces monuments ont été frappants par la grandeur et la noblesse de leur caractère. On en voit un exemple remarquable dans l'hôtel des Invalides et dans l'École militaire on diroit que le premier a fait monter ses voûtes dans le ciel à la voix du siècle religieux, et que le second s'est abaissé vers la terre à la parole du siècle athée.

Trois corps de logis, formant avec l'église un carré long, composent l'édifice des Invalides, Mais quel goût dans cette simplicité ! quelle beauté dans cette cour qui n'est pourtant qu'un cloître militaire où l'art a mêlé les idées guerrières aux idées religieuses, et marié l'image d'un camp de vieux soldats aux souvenirs attendrissants d'un hospice! C'est à la fois le monument du Dieu des armées et du Dieu de l'Évangile. La rouille des siècles qui commence à le couvrir lui donne de nobles rapports avec ces vétérans, ruines animées, qui se promènent sous ses vieux portiques. Dans les avant-cours, tout retrace l'idée des combats: fossés, glacis, remparts, canons, tentes, sentinelles. Pénétrez-vous plus avant, le bruit s'affoiblit par degrés, et va se perdre à l'église, où règne un profond silence. Ce bâtiment religieux est placé derrière les bâtiments militaires, comme l'image du repos et de l'espérance, au fond d'une vie pleine de troubles et de périls.

Le siècle de Louis XIV est peut-être le seul qui ait bien connu ces convenances morales, et qui ait toujours fait dans les arts ce qu'il falloit faire, rien de moins, rien de plus. L'or du commerce a élevé les fastueuses colonnades de l'hôpital de Greenwich, en Angleterre; mais il y a quelque chose de plus fier et de plus imposant dans la masse des Invalides. On sent qu'une nation qui båtit de tels palais pour la vieillesse de ses armées a reçu la puissance du glaive, ainsi que le sceptre

des arts.

CHAPITRE VII.

VERSAILLES.

La peinture, l'architecture, la poésie et la grande éloquence ont toujours dégénéré dans les siècles philosophiques. C'est que l'esprit raisonneur, en détruisant l'imagination, sape les fondements des beaux-arts. On croit être plus

physique (qu'on remplace par toutes les erreurs de la raison); et l'on rétrograde en effet, puisqu'on perd une des plus belles facultés de l'esprit.

C'est dans Versailles que les pompes de l'âge religieux de la France s'étoient réunies. Un siècle s'est à peine écoulé, et ces bosquets, qui retentissoient du bruit des fêtes, ne sont plus animés que par la voix de la cigale et du rossignol. Ce palais, qui lui seul est comme une grande ville, ces escaliers de marbre qui semblent monter dans les nues, ces statues, ces bassins, ces bois, sont maintenant ou croulants, ou couverts de mousse, ou desséchés, ou abattus, et pourtant cette demeure des rois n'a jamais paru ni plus pompeuse, ni moins solitaire. Tout étoit vide autrefois dans ces lieux; la petitesse de la dernière cour (avant que cette cour eût pour elle la grandeur de son infortune) sembloit trop à l'aise dans les vastes réduits de Louis XIV.

Quand le temps a porté un coup aux empires, quelque grand nom s'attache à leurs débris et les couvre. Si la noble misère du guerrier succède aujourd'hui dans Versailles à la magnificence des cours, si des tableaux de miracles et de martyres y remplacent de profanes peintures, pourquoi l'ombre de Louis XIV s'en offenseroitelle? Il rendit illustres la religion, les arts et l'armée : il est beau que les ruines de son palais servent d'abri aux ruines de l'armée, des arts et de la religion.

CHAPITRE VIII.

DES ÉGLISES GOTHIQUES.

Chaque chose doit être mise en son lieu, vérité triviale à force d'être répétée, mais sans laquelle, après tout, il ne peut y avoir rien de parfait. Les Grecs n'auroient pas plus aimé un temple égyptien à Athènes que les Égyptiens un temple grec à Memphis. Ces deux monuments, changés de place, auroient perdu leur principale beauté, c'est-à-dire leurs rapports avec les institutions et les habitudes des peuples. Cette réflexion s'applique pour nous aux anciens monuments du christianisme. Il est même curieux de remarquer que, dans ce siècle incrédule, les poëtes et les romanciers, par un retour naturel vers les mœurs de nos aïeux, se plaisent à introduire dans leurs fictions des souterrains, des fantô

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mes, des châteaux, des temples gothiques : tant ont de charmes les souvenirs qui se lient à la religion et à l'histoire de la patrie! Les nations ne jettent pas à l'écart leurs antiques mœurs comme on se dépouille d'un vieil habit. On leur en peut arracher quelques parties, mais il en reste des lambeaux qui forment avec les nouveaux vêtements une effroyable bigarrure.

Les forêts ont été les premiers temples de la Divinité, et les hommes ont pris dans les forêts la première idée de l'architecture. Cet art a donc dû varier selon les climats. Les Grecs ont tourné l'élégante colonne corinthienne avec son chapiteau de feuilles sur le modèle du palmier 1. Les énormes piliers du vieux style égyptien représentent le sycomore, le figuier oriental, le bananier et la plupart des arbres gigantesques de

On aura beau bâtir des temples grecs bien élégants, bien éclairés, pour rassembler le bon peu-l'Afrique et de l'Asie. ple de saint Louis, et lui faire adorer un Dieu métaphysique, il regrettera toujours ces NotreDame de Reims et de Paris, ces basiliques toutes moussues, toutes remplies des générations des décédés et des âmes de ses pères; il regrettera toujours la tombe de quelques messieurs de Montmorency, sur laquelle il souloit se mettre à genoux durant la messe, sans oublier les sacrées fontaines où il fut porté à sa naissance. C'est que tout cela est essentiellement lié à nos mœurs; c'est qu'un monument n'est vénérable qu'autant qu'une longue histoire du passé est pour ainsi dire empreinte sous ces voûtes toutes noires de siècles. Voilà pourquoi il n'y a rien de merveilleux dans un temple qu'on a vu bâtir, et dont les échos et les dômes se sont formés sous nos yeux. Dieu est la loi éternelle; son origine et tout ce qui tient à son culte doit se perdre dans la nuit des temps.

On ne pouvoit entrer dans une église gothique sans éprouver une sorte de frissonnement et un sentiment vague de la Divinité. On se trouvoit tout à coup reporté à ces temps où des cénobites, après avoir médité dans les bois de leurs monastères, se venoient prosterner à l'autel, et chanter les louanges du Seigneur dans le calme et le silence de la nuit. L'ancienne France sembloit revivre on croyoit voir ces costumes singuliers, ce peuple si différent de ce qu'il est aujourd'hui; on se rappelloit et les révolutions de ce peuple, et ses travaux, et ses arts. Plus ces temps étoient éloignés de nous, plus ils nous paroissoient magiques, plus ils nous remplissoient de ces pensées qui finissent toujours par une réflexion sur le néant de l'homme et la rapidité de la vie.

L'ordre gothique, au milieu de ces proportions barbares, a toutefois une beauté qui lui est particulière '.

1 On pense qu'il nous vient des Arabes, ainsi que la sculpture du même style. Son affinité avec les monuments de l'Égypte nous porteroit plutôt à croire qu'il nous a été transmis

Les forêts des Gaules ont passé à leur tour dans les temples de nos pères, et nos bois de chènes ont ainsi maintenu leur origine sacrée. Ces voûtes ciselées en feuillages, ces jambages, qui appuient les murs et finissent brusquement comme des troncs brisés, la fraîcheur des voûtes, les ténèbres du sanctuaire, les ailes obscures, les passages secrets, les portes abaissées, tout retrace les labyrinthes des bois dans l'Église gothique; tout en fait sentir la religieuse horreur, les mystères et la divinité. Les deux tours hautaines plantées à l'entrée de l'édifice surmontent les ormes et les ifs du cimetière, et font un effet pittoresque sur l'azur du ciel. Tantôt le jour naissant illumine leurs têtes jumelles; tantôt elles paroissent couronnées d'un chapiteau de nuages, ou grossies dans une atmosphère vaporeuse. Les oiseaux eux-mêmes semblent s'y méprendre et les adopter pour les arbres de leurs forêts: des corneilles voltigent autour de leurs faîtes et se perchent sur leurs galeries. Mais tout à coup des rumeurs confuses s'échappent de la cime de ces tours et en chassent les oiseaux effrayés. L'architecte chrétien, non content de bâtir des forêts, a voulu, pour ainsi dire, en imiter les murmures; et, au moyen de l'orgue et du bronze suspendu, il a attaché au temple gothique jusqu'au bruit des vents et des tonnerres, qui roulent dans la profondeur des bois. Les siècles, évoqués par ces sons religieux, font sortir leur antique voix du sein des pierres, et soupirent dans la vaste basilique le sanctuaire mugit comme l'antre de l'ancienne Sibyle; et, tandis que l'airain se ba

par les premiers chrétiens d'Orient; mais nous aimons mieux encore rapporter son origine à la nature.

1 Vitruve raconte autrement l'invention du chapiteau; mais cela ne détruit pas ce principe général, que l'architecture est née dans les bois. On peut seulement s'étonner qu'on n'ait pas, d'après la variété des arbres, mis plus de variété dans la colonne. Nous concevons, par exemple, une colonne qu'on pourroit appeler palmiste, et qui seroit la représentation naturelle du palmier. Un orbe de feuilles un peu recourbées, et sculptées au haut d'un léger fût de marbre feroit, ce nous semble, un effet charmant dans un portique.

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lance avec fracas sur votre tête, les souterrains | telle découverte philosophique; mais aussi com-
voûtés de la mort se taisent profondément sous
vos pieds.

LIVRE DEUXIÈME.

PHILOSOPHIE.

CHAPITRE PREMIER.

ASTRONOMIE ET MATHÉMATIQUES. Considérons maintenant les effets du christia

nisme dans la littérature en général. On peut la classer sous ces trois chefs principaux : philosophie, histoire, éloquence.

Par philosophie, nous entendons ici l'étude de toute espèce de sciences.

On verra qu'en défendant la religion, nous n'attaquons point la sagesse : nous sommes loin

de confondre la morgue sophistique avec les saines connoissances de l'esprit et du cœur. La vraie philosophie est l'innocence de la vieillesse des peuples, lorsqu'ils ont cessé d'avoir des vertus par instinct, et qu'ils n'en ont plus que par raison: cette seconde innocence est moins sûre que la première; mais, lorsqu'on y peut atteindre, elle est plus sublime.

De quelque côté qu'on envisage le culte évangélique, on voit qu'il agrandit la pensée, et qu'il est propre à l'expansion des sentiments. Dans les sciences, ses dogmes ne s'opposent à aucune vérité naturelle; sa doctrine ne défend aucune étude. Chez les anciens, un philosophe rencontroit toujours quelque divinité sur sa route; il étoit, sous peine de mort ou d'exil, condamné par les prêtres d'Apollon ou de Jupiter, à être absurde toute sa vie. Mais comme le Dieu des chrétiens ne s'est pas logé à l'étroit dans un soleil, il a livré les astres aux vaines recherches des savants; il a jeté le monde devant eux, comme une pâture pour leurs disputes1. Le physicien peut peser l'air dans son tube, sans craindre d'offenser Junon. Ce n'est pas des éléments de notre corps, mais des vertus de notre âme, que le souverain Juge nous demandera compte un jour.

Nous savons qu'on ne manquera pas de rappeler quelques bulles du saint-siége, ou quelques décrets de la Sorbonne, qui condamnent telle ou

1 Ecclésiaste, III, v. II.

bien ne pourroit-on pas citer d'arrêts de la cour
de Rome en faveur de ces mêmes découvertes?
Qu'est-ce donc à dire, sinon que les prêtres, qui
sont hommes comme nous, se sont montrés plus
ou moins éclairés, selon le cours naturel des siè-
cles? Il suffit que le christianisme lui-même ne
prononce rien contre les sciences pour que nous
soyons fondé à soutenir notre première assertion.
Au reste, remarquons bien que l'Église a pres-
que toujours protégé les arts, quoiqu'elle ait dé-
couragé quelquefois les études abstraites: en cela
elle a montré sa sagesse accoutumée. Les hommes
rien à la nature, parce que ce ne sont pas eux
ont beau se tourmenter, ils n'entendront jamais
qui ont dit à la mer : Vous viendrez jusque-là,
vous ne passerez pas plus loin, et vous briserez
ici l'orgueil de vos flots1. Les systèmes succéde-
ront éternellement aux systèmes, et la vérité
restera toujours inconnue. Que ne plait-il un
jour à la nature, s'écrie Montaigne, de nous
ouvrir son sein? O Dieu! quel abus, quels mé-
comptes nous trouverions en notre pauvre
science 2!

Les anciens législateurs, d'accord sur ce point
de la religion chrétienne, s'opposoient aux philo-
comme sur beaucoup d'autres avec les principes
sophes3, et combloient d'honneurs les artistes 4.
Ces prétendues persécutions du christianisme con-
tre les sciences doivent donc être aussi reprochées
aux anciens, à qui toutefois nous reconnoissons
tant de sagesse. L'an de Rome 591, le sénat ren-
dit un décret pour bannir les philosophes de la
ville; et six ans après, Caton se hâta de faire
renvoyer Carnéade, ambassadeur des Athéniens,
goût pour les subtilités des Grecs, ne perdît la
« de peur, disoit-il, que la jeunesse, en prenant du
Copernic fut méconnu de la cour de Rome,
simplicité des mœurs antiques. » Si le système de
prouva-t-il pas un pareil sort chez les Grecs?
devoient mettre en justice Cléanthe le Samien, et
Aristarchus, dit Plutarque, estimoit que les Grecs
le condamner de blasphesme encontre les dieux,
comme remuant le foyer du monde; d'autant que
supposoit que le ciel demouroit immobile, et que
cest homme taschant à sauver les apparences,

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I JOB, XXXVII, V. II.

2 Essais, liv. II, chap. XII.

n'é

3 XENOPH., Hist. Græc.; PLUT., Mor.; PLAT., in. Phæd., in Repub.

Les Grecs poussèrent cette haine des philosophes jusqu'au crime, puisqu'ils firent mourir Socrate.

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Si cette idée est véritable, qu'elle est terrible! car pour un seul génie capable d'arriver à cette plénitude de savoir demandée par Bacon, et où, selon Pascal, on se rencontre dans une autre ignorance, que d'esprits médiocres n'y parviendront jamais, et resteront dans ces nuages de la science qui cachent la Divinité!

c'estoit la terre qui se mouvoit par le cercle oblique | phie peut conduire à méconnoître l'essence predu zodiaque, tournant à l'entour de son aixieu.» mière; mais qu'un savoir plus plein mène l'homme Encore est-il vrai que Rome moderne se montra à Dieu '. » plus sage, puisque le même tribunal ecclésiastique qui condamna d'abord le système de Copernic permit, six ans après, de l'enseigner comme hypothèse (24). D'ailleurs pouvoit-on attendre plus de lumières astronomiques d'un prêtre romain que de Tycho-Brahé, qui continuoit à nier le mouvement de la terre? Enfin un pape Grégoire, réformateur du calendrier; un moine Bacon, peut-être inventeur du télescope; un cardinal Cuza, un prêtre Gassendi, n'ont-ils pas été ou les protecteurs, ou les lumières de l'astronomie?

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Ainsi, si la religion avoit besoin d'être justifiée à ce sujet, nous ne manquerions pas d'autorités chez les anciens, ni même chez les modernes. Hobbes a écrit plusieurs traités3 contre l'incertitude de la science la plus certaine de toutes, celle des mathématiques. Dans celui qui a pour titre : Contra Geometras, sive contra phastum Professorum, il reprend une à une les définitions d'Euclide, et montre ce qu'elles ont de faux, de vague ou d'arbitraire. La manière dont il s'énonce est remarquable: Itaque per hanc epistolam hoc ago ut ostendam tibi non minorem esse dubitandi causam in scriptis mathematicorum, quam in scriptis physicorum, ethicorum, etc. « Je te ferai voir dans ce traité qu'il n'y a pas moins de sujets de doute en mathématiques qu'en physique, en morale, etc. »

Bacon s'est exprimé d'une manière encore plus forte contre les sciences, même en paroissant en prendre la défense. Selon ce grand homme, il est prouvé « qu'une légère teinture de philoso

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Ce qui perdra toujours la foule, c'est l'orgueil : c'est qu'on ne pourra jamais lui persuader qu'elle ne sait rien au moment où elle croit tout savoir. Les grands hommes peuvent seuls comprendre ce dernier point des connoissances humaines, où l'on voit s'évanouir les trésors qu'on avoit amassés, et où l'on se retrouve dans sa pauvreté originelle. C'est pourquoi la plupart des sages ont pensé que les études philosophiques avoient un extrême danger pour la multitude. Locke emploie les trois premiers chapitres du quatrième livre de son Essai sur l'entendement humain à montrer les bornes de notre connoissance, qui sont réellement effrayantes, tant elles sont rapprochées de

nous.

<< Notre connoissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l'ai montré, pour mieux voir l'état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile... de prendre connoissance de notre ignorance, qui... peut servir beaucoup à terminer les disputes... si, après avoir découvert jusqu'où nous avons des idées claires... nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauroient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entétés de cette folle pensée, que rien n'est au-dessus de notre compréhension 2. »

Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l'étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l'apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l'évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre

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