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droits célèbres remplissoient, à quelque distance, tous les sites de beaux noms, tous les champs de beaux souvenirs; la ville de Henri IV et de Louis le Grand étoit assise dans le voisinage; et la sépulture royale de Saint-Denis se trouvoit au centre de notre puissance et de notre luxe, comme un trésor où l'on déposoit les débris du temps, et la surabondance des grandeurs de l'empire françois.

C'est là que venoient, tour à tour, s'engloutir les rois de la France. Un d'entre eux, et toujours le dernier descendu dans ces abîmes, restoit sur les degrés du souterrain, comme pour inviter sa postérité à descendre. Cependant Louis XIV a vainement attendu ses deux derniers fils: l'un s'est précipité au fond de la voûte, en laissant son ancêtre sur le seuil; l'autre, ainsi qu'OEdipe, a disparu dans une tempête. Chose digne de méditation! le premier monarque que les envoyés de la justice divine rencontrèrent fut ce Louis si fameux par l'obéissance que les nations lui portoient. Il étoit encore tout entier dans son cercueil. En vain, pour défendre son trône, il parut se lever avec la majesté de son siècle, et une arrière-garde de huit siècles de rois; en vain son geste menaçant épouvanta les ennemis des morts, lorsque, précipité dans une fosse commune, il tomba sur le sein de Marie de Médicis: tout fut

détruit. Dieu, dans l'effusion de sa colère, avoit juré par lui-même de châtier la France: ne cherchons point sur la terre les causes de pareils événements; elles sont plus haut.

Dès le temps de Bossuet, dans le souterrain de ces princes anéantis, on pouvoit à peine déposer madame Henriette, « tant les rangs y sont pressés! s'écrie le plus éloquent des orateurs; tant la mort est prompte à remplir ces places!» En présence des âges, dont les flots écoulés semblent gronder encore dans ces profondeurs, les esprits sont abattus par le poids des pensées qui les oppressent. L'âme entière frémit en contemplant tant de néant et tant de grandeur. Lorsqu'on cherche une expression assez magnifique pour peindre ce qu'il y a de plus élevé, l'autre moitié de l'objet sollicite le terme le plus bas, pour exprimer ce qu'il y a de plus vil. Ici, les ombres des vieilles voûtes s'abaissent, pour se confondre avec les ombres des vieux tombeaux; là, des grilles de fer entourent inutilement ces bières, et ne peuvent défendre la mort des empressements des hommes. Écoutez le sourd travail du

sépulcre, qui semble filer dans ces cercueils, les indestructibles réseaux de la mort ! Tout annonce qu'on est descendu à l'empire des ruines; et, à je ne sais quelle odeur de vétusté répandue sous ces arches funèbres, on croiroit, pour ainsi dire, respirer la poussière des temps passés.

Lecteurs chrétiens, pardonnez aux larmes qui coulent de nos yeux en errant au milieu de cette famille de saint Louis et de Clovis. Si tout à coup, jetant à l'écart le drap mortuaire qui les couvre, ces monarques alloient se dresser dans leurs sépulcres, et fixer sur nous leurs regards, à la lueur de cette lampe!... Oui, nous les voyons tous se lever à demi, ces spectres des rois; nous les reconnoissons, nous osons interroger ces majestés du tombeau. Hé bien, peuple royal de fantômes, dites-le-nous : voudriez-vous revivre maintenant au prix d'une couronne? Le trône vous tente-t-il encore?... Mais d'où vient ce profond silence? D'où vient que vous êtes tous muets sous ces voûtes? Vous secouez vos têtes royales, d'où tombe un nuage de poussière; vos yeux se referment, et vous Vous recouchez lentement dans vos cercueils!

Ah! si nous avions interrogé ces morts champêtres, dont naguère nous visitions les cendres, ils auroient percé le gazon de leurs tombeaux ; et, sortant du sein de la terre comme des vapeurs brillantes, ils nous auroient répondu : « Si Dieu l'ordonne ainsi, pourquoi refuserions-nous de revivre? Pourquoi ne passerions-nous pas encore des jours résignés dans nos chaumières? Notre hoyau n'étoit pas si pesant que vous le pensez; nos sueurs mêmes avoient leurs charmes, lorsqu'elles étoient essuyées par une tendre épouse, ou bénies par la religion. »

Mais où nous entraîne la description de ces tombeaux déjà effacés de la terre? Elles ne sont plus, ces sépultures! Les petits enfants se sont joués avec les os des puissants monarques : SaintDenis est désert; l'oiseau l'a pris pour passage, l'herbe croît sur ses autels brisés; et au lieu du cantique de la mort, qui retentissoit sous ses dômes, on n'entend plus que les gouttes de pluie qui tombent par son toit découvert, la chute de quelque pierre qui se détache de ses murs en ruine, ou le son de son horloge, qui va roulant dans les tombeaux vides et les souterrains dévastés (46).

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LIVRE TROISIÈME.

VUE GÉNÉRALE DU CLERGÉ.

CHAPITRE PREMIER.

DE JÉSUS-CHRIST ET DE SA VIE.

l'Homme. Les nations longtemps désunies de
mœurs, de gouvernement, de langage, entrete-
noient des inimitiés héréditaires; tout à coup le
bruit des armes cesse,
et les peuples, réconciliés
ou vaincus, viennent se perdre dans le peuple
romain.

D'un côté, la religion et les mœurs sont parvenues à ce degré de corruption qui produit de Vers le temps de l'apparition du Rédempteur force un changement dans les affaires humaines'; sur la terre, les nations étoient dans l'attente de l'autre, les dogmes de l'unité d'un Dieu et de de quelque personnage fameux. « Une ancienne l'immortalité de l'âme commencent à se répanet constante opinion, dit Suétone, étoit répandre (47): ainsi les chemins s'ouvrent à la doctrine due dans l'Orient, qu'un homme s'élèveroit de évangélique, qu'une langue universelle va servír la Judée, et obtiendroit l'empire universel 1. » à propager. Tacite raconte le même fait presque dans les mêmes mots. Selon cet historien, « la plupart des Juifs étoient convaincus, d'après un oracle conservé dans les anciens livres de leurs prêtres, que dans ce temps-là (le temps de Vespasien) l'Orient prévaudroit, et que quelqu'un, sorti de Judée, régneroit sur le monde.

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Josèphe, parlant de la ruine de Jérusalem, rapporte que les Juifs furent principalement poussés à la révolte contre les Romains par une obscure3 prophétie qui leur annonçoit que, vers cette époque, un homme s'élèveroit parmi eux, et soumettroit l'univers 4.

Cet empire romain se compose de nations, les unes sauvages, les autres policées, la plupart infiniment malheureuses: la simplicité du Christ pour les premières, ses vertus morales pour les condes; pour toutes, sa miséricorde et sa charité, sont des moyens de salut que le ciel ménage. Et ces moyens sont si efficaces, que, deux siècles après le Messie, Tertullien disoit aux juges de Rome : « Nous ne sommes que d'hier, et nous remplissons tout, vos cités, vos îles, vos forteresses, vos colonies, vos tribus, vos décuries, vos conseils, le palais, le sénat, le forum; nous ne vous laissons que vos temples; » Sola relinquimus templa1.

Le Nouveau Testament offre aussi des traces de cette espérance répandue dans Israël : la foule A la grandeur des préparations naturelles qui court au désert demande à saint Jean-Baptiste s'unit l'éclat des prodiges les vrais oracles, s'il est le grand Messie, le Christ de Dieu, de- depuis longtemps muets dans Jérusalem, recoupuis longtemps attendu : les disciples d'Emmaüs vrent la voix, et les fausses sibylles se taisent. sont saisis de tristesse lorsqu'ils reconnoissent Une nouvelle étoile se montre dans l'Orient, Gaque Jean n'est pas l'homme qui doit racheter | briel descend vers Marie, et un chœur d'esprits Israël. Les soixante-dix semaines de Daniel, ou bienheureux chante au haut du ciel, pendant la les quatre cent quatre-vingt-dix ans, depuis la nuit Gloire à Dieu, paix aux hommes! Tout reconstruction du Temple, étoient accomplis. à coup le bruit se répand que le Sauveur a vu Enfin Origène, après avoir rapporté ces traditions le jour dans la Judée : il n'est point né dans la des Juifs, ajoute « qu'un grand nombre d'entre pourpre, mais dans l'asile de l'indigence; il n'a eux avouèrent Jésus-Christ pour le libérateur point été annoncé aux grands et aux superbes, promis par les prophètes 5. mais les anges l'ont révélé aux petits et aux simCependant le ciel prépare les voies du Fils de ples; il n'a pas réuni autour de son berceau les heureux du monde, mais les infortunés; et, par ce premier acte de sa vie, il s'est déclaré de préférence le Dieu des misérables.

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1 Percrebuerat Oriente toto vetus et constans opinio, esse in fatis ut eo tempore Judæa profecti rerum potirentur. ( SUET., in Vespas., cap. IV.)

2 Pluribus persuasio inerat, antiquis sacerdotum litteris contineri, eo ipso tempore fore, ut valesceret Oriens, profectique Judæa rerum potirentur. (TACIT., Hist., lib. v, cap. x.) 3 'Aupibolos, applicable à plusieurs personnes; et voilà pourquoi les historiens latins l'attribuent à Vespasien. * JOSEPH., de Bell. Judaic., pag. 1283. 5. Καὶ πεποιθέναι αὐτὸν εἶναι τὸν προφητευόμενον.

(ORIG., cont. Cels., pag. 127.)

Arrêtons-nous ici pour faire une réflexion. Nous voyons, depuis le commencement des siècles, les rois, les héros, les hommes éclatants, devenir les dieux des nations. Mais voici que le fils

TERTULL., Apologet., cap. XXXVII.

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d'un charpentier, dans un petit coin de la Judée, est un modèle de douleurs et de misère : il est flétri publiquement par un supplice ; il choisit ses disciples dans les rangs les moins élevés de la société; il ne prêche que sacrifices, que renoncement aux pompes du monde, au plaisir, au pouvoir: il préfère l'esclave au maître, le pauvre au riche, le lépreux à l'homme sain; tout ce qui pleure, tout ce qui a des plaies, tout ce qui est abandonné du monde fait ses délices: la puissance, la fortune et le bonheur sont au contraire menacés par lui. Il renverse les notions communes de la morale; il établit des relations nouvelles entre les hommes, un nouveau droit des gens, une nouvelle foi publique : il élève ainsi sa divinité, triomphe de la religion des Césars, s'assied sur leur trône, et parvient à subjuguer la terre. Non, quand la voix du monde entier s'élèveroit contre Jésus-Christ, quand toutes les lumières de la philosophie se réuniroient contre ses dogmes, jamais on ne nous persuadera qu'une religion fondée sur une pareille base soit une religion humaine. Celui qui a pu faire adorer une croix, celui qui a offert pour objet de culte aux hommes l'humanité souffrante, la vertu persécutée, celui-là, nous le jurons, ne sauroit être qu'un

Dieu.

reux ceux qui ont faim et soif, etc. Ceux qui
observent ses préceptes et ceux qui les mépri-
sent sont comparés à deux hommes qui bâtissent
deux maisons, l'une sur le roc, l'autre sur un
sable mouvant selon quelques interprètes, il
montroit, en parlant ainsi, un hameau florissant
sur une colline, et au bas de cette colline, des
cabanes détruites par une inondation'. Quand il
demande de l'eau à la femme de Samarie, il lui
peint sa doctrine sous la belle image d'une source
d'eau vive.

Les plus violents ennemis de Jésus-Christ n'ont jamais osé attaquer sa personne. Celse, Julien. Volusien', avouent ses miracles, et Porphyre raconte que les oracles même des païens l'appeloient un homme illustre par sa piété3. Tibère avoit voulu le mettre au rang des dieux4: selon Lampridius, Adrien lui avoit élevé des temples, et Alexandre-Sévère le révéroit avec les images des âmes saintes, entre Orphée et Abraham 5. Pline a rendu un illustre témoignage à l'innocence de ces premiers chrétiens qui suivoient de près les exemples du Rédempteur. Il n'y a point de philosophie de l'antiquité à qui l'on n'ait reproché quelques vices : les patriarches même ont eu des foiblesses; le Christ seul est sans tache : c'est la plus brillante copie de cette beauté souveraine Jésus-Christ apparoît au milieu des hommes, qui réside sur le trône des cieux. Pur et sacré plein de grâce et de vérité ; l'autorité et la douceur comme le tabernacle du Seigneur, ne respirant de sa parole entraînent. Il vient pour être le plus que l'amour de Dieu et des hommes, infiniment malheureux des mortels, et tous ses prodiges sont supérieur à la vaine gloire du monde, il poursuipour les misérables. Ses miracles, dit Bossuet, voit, à travers les douleurs, la grande affaire de tiennent plus de la bonté que de la puissance. notre salut, forçant les hommes, par l'ascendant Pour inculquer ses préceptes, il choisit l'apologue de ses vertus, à embrasser sa doctrine, et à imiou la parabole, qui se grave aisément dans l'es-ter une vie qu'ils étoient contraints d'admiprit des peuples. C'est en marchant dans les rer (48). campagnes qu'il donne ses leçons. En voyant les fleurs d'un champ, il exhorte ses disciples à espérer dans la Providence, qui supporte les foibles plantes et nourrit les petits oiseaux; en apercevant les fruits de la terre, il instruit à juger l'homme par ses œuvres. On lui apporte un enfant, et il recommande l'innocence; se trouvant au milieu des bergers, il se donne à lui-même le titre de pasteur des ámes, et se représente rapportant sur ses épaules la brebis égarée. Au printemps, il s'assied sur une montagne, et tire des objets environnants de quoi instruire la foule assise à ses pieds. Du spectacle même de cette foule pauvre et malheureuse, il fait naître ses béatitudes: Bienheureux ceux qui pleurent; bienheu

CHATEAUBRIAND. - TOME I.

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Son caractère étoit aimable, ouvert et tendre, sa charité sans bornes. L'Apôtre nous en donne une idée en deux mots : Il alloit faisant le bien. Sa résignation à la volonté de Dieu éclate dans tous les moments de sa vie; il aimoit, il connoissoit l'amitié : l'homme qu'il tira du tombeau, Lazare, étoit son ami; ce fut pour le plus grand sentiment de la vie qu'il fit son plus grand miracle. L'amour de la patrie trouva chez lui un modèle : Jérusalem! Jérusalem! s'écrioit-il, en pensant au jugement qui menaçoit cette cité coupable,j'ai

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FORTIN., on the truth of the Christ. Relig., pag. 218.

2 ORIG., cont. Cels., 1, 11; JUL., ap. Cyril., lib. vi; AUG., ep. II, IV, t. II.

3 EUSEB., Dem. Ev. III, 3.

4 TERT., Apologet.

5 LAMP., in Alex. Sev., cap. IV et xxxi.

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voulu rassembler tes enfants, comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes; mais tu ne l'as pas voulu!» Du haut d'une colline, jetant les yeux sur cette ville condamnée, pour ses crimes, à une horrible destruction, il ne prut retenir ses larmes: Il vit la cité, dit l'Apôtre, et il pleura. Sa tolérance ne fut pas moins remarquable quand ses disciples le prièrent de faire descendre le feu sur un village de Samaritains qui lui avoit refusé l'hospitalité. Il répondit avec indignation: Vous ne savez pas ce que vous me demandez!

Si le Fils de l'Homme étoit sorti du ciel avec toute sa force, il eût eu sans doute peu de peine å pratiquer tant de vertus, à supporter tant de maux; mais c'est ici la gloire du mystère le Christ ressentoit des douleurs; son cœur se brisoit comme celui d'un homme; il ne donna jamais aucun signe de colère que contre la dureté de l'âme et l'insensibilité. Il répétoit éternellement: Aimez-vous les uns les autres. Mon père, s'écrioit-il sous le fer des bourreaux, pardonnezleur, car ils ne savent ce qu'ils font. Prêt à quitter ses disciples bien-aimés, il fondit tout à coup en larmes; il ressentit les terreurs du tombeau et les angoisses de la croix : une sueur de sang coula le long de ses joues divines; il se plaignit que son père l'avoit abandonné. Lorsque l'ange lui présenta le calice, il dit : O mon Père! fais que ce calice passe loin de moi; cependant, si je dois le boire, que ta volonté soit faite. Ce fut alors que ce mot, où respire la sublimité de la douleur, | échappa à sa bouche: Mon âme est triste jusqu'à la mort. Ah! si la morale la plus pure et le cœur le plus tendre, si une vie passée à combattre l'erreur et à soulager les maux des hommes, sont les attributs de la divinité, qui peut nier celle de Jésus-Christ? Modèle de toutes vertus, l'amitié le voit endormi dans le sein de saint Jean, ou léguant sa mère à ce disciple; la charité l'admire dans le jugement de la femme adultère : partout la pitié le trouve bénissant les pleurs de l'infortune; dans son amour pour les enfants, son innocence et sa candeur se décèlent ; la force de son âme brille au milieu des tourments de la croix, et son dernier soupir est un soupir de miséricorde.

CHAPITRE II.

CLERCE SÉCULIER.

HIERARCHIE.

Le Christ, ayant laissé ses enseignements à ses disciples, monta sur le Thabor et disparut. Dès ce moment, l'Église subsiste dans les apotres : elle s'établit à la fois chez les Juifs et chez les gentils. Saint Pierre, dans une seule prédication, convertit cinq mille hommes à Jérusalem, et saint Paul reçoit sa mission pour les nations infidèles. Bientôt le prince des apôtres jette dans la capitale de l'empire romain les fondements de la puissance ecclésiastique (49). Les premiers Césars régnoient encore, et déjà circuloit au pied de leur trône, dans la foule, le prêtre inconnu qui devoit les remplacer au Capitole. La hiérarchie commence; Lin succède à Pierre, Clément à Lin: cette chaîne de pontifes, héritiers de l'au torité apostolique, ne s'interrompt plus pendant dix-huit siècles, et nous unit à Jésus-Christ (50).

Avec la dignité épiscopale, on voit s'établir dès le principe les deux autres grandes divisions de la hiérarchie, le sacerdoce et le diaconat. Saint Ignace exhorte les Magnésiens à agir en unité avec leur évêque, qui tient la place de Jésus-Christ; leurs prêtres, qui représentent les apótres; et leurs diacres, qui sont chargés du soin des autels. Pie, Clément d'Alexandrie, Origène et Tertullien, confirment ces degrès *.

Quoiqu'il ne soit fait mention, pour la première fois, des métropolitains ou des archevêques, qu'au concile de Nicée, néanmoins ce concile parle de cette dignité comme d'un degré hiérarchique établi depuis longtemps 3. Saint Athanase et saint Augustin 5 citent des métropolitains existants avant la date de cette assemblée. Dès le second siècle, Lyon est qualifié, dans les actes civils, de ville métropolitaine; et saint Irénée, qui en étoit évêque, gouvernoit toute l'Église (apoztov) gallicane 6.

Quelques auteurs ont pensé que les archevêques

1IGNAT., Ep. ad Magnes., no vi.

2 PIUS, еp. 1; CLEM. ALEX., Strom., lib. vt, pag. 667; ORIG., hom. II, in Num., hom. in Cantic.; TERTULL., de Monogam., cap. XI; de Fuga, cap. XII; de Baptismo, cap. XVII. 3 Conc. Nicen., can. vi.

ATHAN., de Sentent, Dionys., t. 1, pag. 552.

AUG., Brevis. Collat. tert. die, cap. XVI.

⚫ EUSEB., H. E., lib. v, cap. xxm. De napozíoy nous avons fait paroisse.

même sont d'institution apostolique ; en effet, I le leur pardonner, puisqu'ils en remplissoient si
Eusèbe et saint Chrysostôme disent que Tite, bien les conditions'.
évêque, avoit la surintendance des évêques de
Crète '.

Les opinions varient sur l'origine du patriarcat; Baronius, de Marca et Richerius la font remonter aux apôtres ; mais il paroît néanmoins qu'il ne fut établi dans l'Église que vers l'an 385, quatre ans après le concile général de Constantinople.

Le nom de cardinal se donnoit d'abord indistinctement aux premiers titulaires des églises 3. Comme ces chefs du clergé étoient ordinairement des hommes distingués par leur science et leur vertu, les papes les consultoient dans les affaires délicates; ils devinrent peu à peu le conseil permanent du saint-siége, et le droit d'élire le souverain pontife passa dans leur sein, quand la communion des fidèles devint trop nombreuse pour être assemblée.

Les mêmes causes qui avoient donné naissance aux cardinaux près des papes produisirent les chanoines près des évêques : c'étoit un certain nombre de prêtres qui composoient la cour épiscopale. Les affaires du diocèse augmentant, les membres du synode furent obligés de se partager le travail. Les uns furent appelés vicaires, les autres grands vicaires, etc., selon l'étendue de leur charge. Le conseil entier prit le nom de chapitre, et les conseillers celui de chanoines, qui ne veut dire qu'administrateur canonique.

De simples prêtres, et même des laïques, nommés par les évêques à la direction d'une communauté religieuse, furent la source de l'ordre des abbés. Nous verrons combien les abbayes furent utiles aux lettres, à l'agriculture, et en général à la civilisation de l'Europe.

Les paroisses se formèrent à l'époque où les ordres principaux du clergé se subdivisèrent. Les évêchés étant devenus trop vastes pour que les prêtres de la métropole pussent porter les secours spirituels et temporels aux extrémités du diocèse, on éleva des églises dans les campagnes. Les ministres attachés à ces temples champêtres ont pris longtemps après le nom de curé, peut-être du latin cura, qui signifie soin, fatigue. Le nom du moins n'est pas orgueilleux, et on auroit dû

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Outre ces églises paroissiales, on bâtit encore des chapelles sur le tombeau des martyrs et des solitaires. Ces temples particuliers s'appeloient martyrium ou memoria; et, par une idée encore plus douce et plus philosophique, on les nommoit aussi cimetières, d'un mot grec qui signifie sommeil.

Enfin, les bénéfices séculiers durent leur origine aux agapes, ou repas des premiers chrétiens. Chaque fidèle apportoit quelques aumônes pour l'entretien de l'évêque, du prêtre et du diacre, et pour le soulagement des malades et des étrangers 3. Des hommes riches, des princes, des villes entières, donnèrent dans la suite des terres à l'Église, pour remplacer ces aumônes incertaines. Ces biens partagés en divers lots, par le conseil des supérieurs ecclésiastiques, prirent le nom de prébende, de canonicat, de commande, de bénéfices-cures, de bénéfices-manuels, simples, claustraux, selon les degrés hiérarchiques de l'administrateur aux soins duquel ils furent confiés 4.

Le

Quant aux fidèles en général, le corps des chrétiens primitifs se distinguoit en marol, croyants ou fidèles, et xaτexoúμsvoi, catéchumènes 3. privilége des croyants étoit d'être reçus à la sainte table, d'assister aux prières de l'Église, et de prononcer l'Oraison dominicale 6, que saint Augustin appelle pour cette raison oratio fidelium, et saint Chrysostome εὐχὴ πιστῶν. Les catechumènes ne pouvoient assister à toutes les cérémonies, et l'on ne traitoit des mystères devant eux qu'en paraboles obscures 7.

Le nom de laïque fut inventé pour distinguer l'homme qui n'étoit pas engagé dans les ordres du corps général du clergé. Le titre de clerc se forma en même temps: laïci et xhepixòç se lisent

à chaque page des anciens auteurs. On se servoit de la dénomination d'ecclésiastique, tantôt en parlant des chrétiens en opposition aux gentils, tantôt en désignant le clergé, par rapport

1 S. ATHANASE, dans sa seconde Apologie, dit que de son temps il y avoit déjà dix églises paroissiales établies dans le Maréotis, qui relevoit du diocèse d'Alexandrie. 2 FLEURY, Hist. eccl.

3 S. JUST., Apol.

4 HÉRIC., Lois eccl., pag. 204-13.

EUs., Demonst. Evang., lib. VII, cap. II.

• Constit. Apost., lib. vii, cap. viu et xìì. THEODOR., Epit. div. dog., cap. XXIV; AUG., Serm. ad Neophytos, in append., tom. X, pag. 845.

Eus., lib. v, cap. vi; lib. v, cap. XXVп; CYRIL., Catech.

XV, n° 4.

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