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du sang avoit redoublé à la vue des victimes. On | rive aux deux martyrs. Il se lève debout, et encrie de toutes parts: fonçant ses ongles dans les flanes du fils de Las« Les bêtes! Qu'on lâche les bêtes! Les impies thénès, il déchire avec ses dents les épaules du aux bêtes! >> confesseur intrépide. Comme Cymodocée, tou

Eudore veut parler au peuple en faveur de Cy- jours pressée dans le sein de son époux, ouvroit modocée; mille voix étouffent sa voix : sur lui des yeux pleins d'amour et de frayeur,

« Qu'on donne le signal! Les bêtes! Les chré- elle aperçoit la tête sanglante du tigre auprès de tiens aux bêtes!

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Cymodocée, répondit Eudore, il y a plus longtemps que vous que je suis chrétien ; je pourrai mieux supporter la douleur; laissez-moi quitter la terre le dernier. »

En prononçant ces paroles, le martyr se dépouille de son manteau; il en couvre Cymodocée, afin de mieux dérober aux yeux des spectateurs les charmes de la fille d'Homère, lorsqu'elle sera traînée sur l'arène par le tigre. Eudore craignoit qu'une mort aussi chaste ne fût souillée par l'ombre d'une pensée impure, même dans les autres. Peut-être aussi étoit-ce un dernier instinct de la nature, un mouvement de cette jalousie qui accompagne le véritable amour jusqu'au tombeau. La trompette sonne pour la seconde fois.

On entend gémir la porte de fer de la caverne du tigre : le gladiateur qui l'avoit ouverte s'enfuit effrayé. Eudore place Cymodocée derrière lui. On le voyoit debout, uniquement attentif à la prière, les bras étendus en forme de croix, et les yeux levés vers le ciel.

La trompette sonne pour la troisième fois.

Les chaînes du tigre tombent, et l'animal furieux s'élance en rugissant dans l'arène : un mouvement involontaire fait tressaillir les spectateurs. Cymodocée, saisie d'effroi, s'écrie:

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Ah! sauvez-moi! »

Et elle se jette dans les bras d'Eudore, qui se retourne vers elle. Il la serre contre sa poitrine, il auroit voulu la cacher dans son cœur. Le tigre ar

1 Gladiateurs qui combattoient avec un filet.

la tête d'Eudore. A l'instant la chaleur abandonne les membres de la vierge victorieuse; ses paupiè res se ferment; elle demeure suspendue aux bras de son époux, ainsi qu'un flocon de neige aux rameaux d'un pin du Ménale ou du Lycée. Les saintes martyres, Eulalie, Félicité, Perpétue, descendent pour chercher leur compagne : le tigre avoit brisé le cou d'ivoire de la fille d'Homère. L'ange de la mort coupe en souriant le fil des jours de Cymodocée. Elle exhale son dernier soupir sans effort et sans douleur; elle rend au ciel un souffle divin qui sembloit tenir à peine à ce corps formé par les Grâces: elle tombe comme une fleur que la faux du villageois vient d'abattre sur le gazon. Eudore la suit un moment après dans les éternelles demeures: on eût cru voir un de ces sacrifices de paix où les enfants d'Aaron offroient au Dieu d'Israël une colombe et un jeune taureau.

Les époux martyrs avoient à peine reçu la palme, que l'on aperçut au milieu des airs une croix de lumière, semblable à ce Labarum qui fit triompher Constantin; la foudre gronda sur le Vatican, colline alors déserte, mais souvent visitée par un esprit inconnu ; l'amphithéâtre fut ébranlé jusque dans ses fondements; toutes les statues des idoles tombèrent, et l'on entendit, comme autre fois à Jérusalem, une voix qui disoit :

« LES DIEUX S'EN VONT. »

La foule éperdue quitte les jeux. Galérius, rentré dans son palais, s'abandonne aux plus noires fureurs; il ordonne qu'on livre au glaive les illustres compagnons d'Eudore. Constantin paroît aux portes de Rome. Galérius succombe aux horreurs de son mal: il expire en blasphémant l'Éternel. En vain un nouveau tyran s'empare du pouvoir suprême: Dieu tonne du haut du ciel; le signe du salut brille; Constantin frappe; Maxence est précipité dans le Tibre. Le vainqueur entre dans la cité reine du monde : les ennemis des chrétiens se dispersent. Le prince, ami d'Eudore, s'empresse alors de recueillir les derniers soupirs de Démodocus, que la douleur enlève à la terre, et qui demande le baptême pour aller

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LES MARTYRS. LIVRE XXIV.

rejoindre sa fille bien-aimée. Constantin vole aux,
lieux où l'on avoit entassé les corps des victimes:
les deux époux conservoient toute leur beauté dans
la mort. Par un miracle du ciel, leurs plaies se
trouvoient fermées, et l'expression de la paix et
du bonheur étoit empreinte sur leur front. Une
fosse est creusée pour eux dans ce cimetière où
le fils de Lasthénès fut autrefois retranché du nom-

bre des fidèles. Les légions des Gaules, jadis conduites à la victoire par Eudore, entourent le monument funèbre de leur ancien général. L'aigle guerrière de Romulus est décorée de la croix pa cifique. Sur la tombe des jeunes martyrs Constantin reçoit la couronne d'Auguste, et sur cette même tombe il proclame la religion chrétienne religion de l'empire.

FIN DES MARTYRS.

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