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volonté que votre volonté même qui doit vouloir en nous. Cette sagesse divine doit être cachée en nous comme elle l'est sous les voiles du sacrement. Le dehors doit être simple, faible, méprisable à l'orgueilleuse sagesse des hommes; le dedans doit être tout mort à soi, tout transformé, tout divin. Jusqu'ici, ô mon Sauveur, je ne me suis point nourri de votre vérité; je me suis nourri des cérémonies de la religion, de l'éclat de certaines vertus qui élèvent le courage de la bienséance, de la régularité des actions extérieures, de la victoire que j'avais besoin de remporter sur mon humeur pour ne montrer rien qui ne fût parfait. Voilà le voile grossier du sacrement; mais le fond du sacrement même, mais cette vérité substantielle est au-dessus de toute substance bornée et comprise, où est-elle ? Hélas! je ne l'ai point cherchée. J'ai songé à régler le dehors sans changer le dedans. Cette adoration en esprit et en vérité, qui consiste en la destruction de toute volonté propre pour laisser régner en moi celle de Dieu seul, m'est encore presque inconnue. Ma bouche a mangé ce qui est extérieur et sensible dans le sacrement, et mon cœur n'a point été nourri de cette vérité substantielle. Je vous sers, mon Dieu, mais à ma mode et selon les vues de ma sagesse qui est une vraie folie. Je vous aime, mais pour mon

bien plus que pour votre gloire. Je desire vous glorifier, mais avec un zèle qui n'est point abandonné sans réserve à toute l'étendue de vos desseins. Je veux vivre pour vous, mais renfermé en moi, et je crains de mourir à moi-même. Quelquefois je crois être prêt à tous les plus grands sacrifices, et la moindre perte que vous exigez de moi un moment après me trouble, me décourage.

O amour! que ma misère et mon indignité ne vous rebutent point! C'est sous ce voile méprisable que vous voulez cacher la vertu et la grandeur de votre mystère. Vous voulez faire de moi un sacrement qui exerce la foi des autres et la mienne même. En cet état de faiblesse je me livre à vous: je ne puis rien; mais vous pouvez tout, et je ne crains point ma faiblesse, sentant si près de moi votre toute-puissance. Verbe de Dieu, soyez sous cette faible créature comme vous êtes sous l'espèce du pain. O parole souveraine et vivifiante! parlez dans le silence de mon ame: faites taire ce qui n'est point vous; faites taire mon ame même, et qu'elle ne se parle plus intérieurement, pour n'écouter que vous. O pain de vie! je ne me veux plus nourrir que de vous seul: tout autre aliment me ferait vivre à moi-même, me donnerait une force propre et me remplirait

Que mon ame meure de la mort des justes, de cette bienheureuse mort qui doit prévenir la mort corporelle; de cette mort. intérieure qui divise l'ame d'avec elle-même, qui fait qu'elle ne se trouve ni ne se possède plus, qui éteint toute ardeur, qui détruit tout intérêt, qui anéantit tout retour sur soi! O amour! vous tourmentez merveilleusement. Le même pain du ciel fait mourir et fait vivre; il arrache l'ame à ellemême, et il la met en paix; il lui ôte tout, et il lui donne tout; il lui ôte tout en elle, et lui donne tout en Dieu, en qui seul les choses sont pures. O mon amour, ô ma vie, ô mon tout! je n'ai plus que vous, ( divin pain! je vous mangerai tous les jours, et je ne craindrai rien tant que d'être privé de cette céleste nourriture.

XII. Pour le vendredi saint.

Le mystère de la passion de Jesus-Christ est incompréhensible aux hommes. Il a paru (1) un scandale aux Juifs et une folie aux gentils. Les juifs étaient zélés pour la gloire de leur religion; ils ne pouvaient souffrir l'opprobre de Jesus-Christ. Les gentils, pleins de leur philosophie, étaient sages, et leur sagesse se révoltait à la vue d'un Dieu crucifié : c'était renverser la rai

(1) I. Cor. 1, v. 23.

son humaine que de précher ce Dieu sur la croix. Cependant cette croix precuée dans tout l'univers surmonte le zele srperbe des Juifs et la sagesse hautaine des gentis. Voilà donc à quoi aboutit le mystere de la passion de Jesus-Christ, à confoudre no seulement la sagesse profane des gens du monde, qui, comme les gentils, regardent la piété comme une folie, et qui ne connaissent de vertu que celle qui est revêtue d'un certain éclat, mais encore le zele superbe de certaines personnes pieuses qui ne veulent rien voir dans la religion qui ne soit conforme à leurs fausses idées.

O mon Dieu, je suis du nombre de ces Juifs scandalisés. Il est vrai, ô Jesus, que je vous adore sur la croix; mais cette adoration n'est qu'en cérémonie, elle n'est point en vérité.

La véritable adoration de Jesus - Christ crucifié consiste à se sacrifier avec lui, à perdre sa raison dans la folie de la croix, à en avaler tout l'opprobre, à vouloir être, si Dieu le veut, un spectacle de dérision à tous les sages de la terre, à consentir de passer pour insensé comme Jesus-Christ.

Voilà ce qu'on dit volontiers de bouche, mais voilà ce que le cœur ne dit point. On s'excuse par de vains prétextes, on frémit, on recule lâchement dès qu'il faut paraître

de douleurs. O mon Dieu, mon amour, on vous aime pour se consoler ; mais on ne vous aime point pour vous suivre jusqu'à la mort de la croix. Tous vous fuient, tous vous abandonnent, tous vous méconnaissent, tous vous renient. Tant que la raison trouve son compte et son bonheur à vous suivre, on court avec empressement et l'on se vante comme saint Pierre; mais il ne faut qu'une question d'une servante pour tout renverser. On veut borner la religion à la courte mesure de son esprit ; dès qu'elle surpasse notre faible raison, elle se tourne en scandale.

Cependant la religion doit être dans la pratique ce qu'elle est dans la spéculation, c'est-à-dire qu'il faut qu'elle aille réellement jusqu'à faire perdre pied à notre raison et à nous livrer à la folie du Sauveur crucifié. O qu'il est aisé d'être chrétien à condition d'être sage, maître de soi, courageux, grand, régulier et merveilleux en tout ! Mais être chrétien pour être petit, faible, méprisable et insensé aux yeux des hommes, c'est ce qu'on ne peut entendre sans en avoir horreur. Aussi l'on n'est chrétien qu'à demi. Non-seulement on s'abandonne à son vain raisonnement comme les gentils, mais encore on se fait un honneur de suivre son zèle comme les Juifs. C'est avilir la religion, diton, c'est la tourner en petitesse d'esprit : il

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