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le parricide Néron croyoit ouïr autour du tombeau de sa mère'. Quand la nature et les hommes sont impitoyables, il est bien touchant de trouver un Dieu prêt à pardonner : il n'appartenoit qu'à la religion chrétienne d'avoir fait deux sœurs de l'innocence et du repentir.

CHAPITRE VII.

De la Communion.

C'EST à douze ans, c'est au printemps de l'année, que l'adolescent s'unit à son Créateur. Après avoir pleuré la mort du Rédempteur du monde avec les montagnes de Sion, après avoir rappelé les ténèbres qui couvrirent la terre, la chrétienté sort de la douleur les cloches se raniment; les saints se dévoilent; le cri de la joie, l'antique alleluia d'Abraham et de Jacob fait retentir le dôme des églises. De jeunes filles vêtues de lin, et des garçons parés de feuillages, marchent sur une route semée des premières fleurs de l'année ; ils s'avancent vers le temple, en répétant de nouveaux cantiques; leurs parents les suivent; bientôt le Christ descend sur l'autel pour ces ames délicates. Le froment des anges est déposé sur la langue véridique qu'aucun mensonge n'a encore souillée; tandis que le prêtre boit, dans le vin pur, le sang méritoire de l'Agneau.

Dans cette solennité, Dieu rappelle un sacrifice sanglant, sous les espèces les plus paisibles. Aux incommensurables hauteurs de ces mystères se mêlent les souvenirs des scènes les plus riantes. La nature ressuscite avec son Créateur, et l'ange du printemps semble lui ouvrir les portes du tombeau, comme cet esprit de lumière qui dérangea la pierre du glorieux sépulcre. L'âge des tendres communiants et celui de la naissante année confondent leurs jeunesses, leurs harmonies et leurs innocences. Le pain et le vin annoncent les dons des champs prêts à mûrir, et retracent les tableaux de l'agriculture; enfin Dieu descend dans les ames de ces enfants pour les féconder, comme il descend, en cette saison, dans le sein de la terre, pour lui faire porter ses fleurs et ses richesses.

Mais, dira-t-on, que signifie cette Communion mystique où la raison est obligée de se soumettre à une absurdité, sans aucun profit pour les mœurs?

Qu'on nous permette d'abord de répondre en général pour tous les rites chrétiens, qu'ils sont de la plus haute moralité, par cela

Tacit. Hist.

seul qu'ils ont été pratiqués par nos pères; par cela seul que nos mères ont été chrétiennes sur nos berceaux; enfin, parce que la religion a chanté autour du cercueil de nos aïeux, et souhaité la paix à leurs cendres.

Ensuite, supposé même que la Communion fût une cérémonie puérile, c'est du moins s'aveugler beaucoup de ne pas voir qu'une solennité qui doit être précédée d'une confession générale, qui ne peut avoir lieu qu'après une longue suite d'actions vertueuses', est très favorable aux bonnes mœurs. Elle l'est même à un tel point, que si un homme approchoit dignement, une seule fois par mois, du sacrement d'Eucharistie, cet homme seroit, de nécessité, l'homme le plus vertueux de la terre. Transportez le raisonnement individuel au collectif, de l'homme au peuple, et vous verrez que la Communion est une législation tout entière.

"Voilà donc 'des hommes, dit Voltaire (dont l'autorité ne sera pas suspecte), voilà des hommes qui reçoivent Dieu dans eux, au milieu d'une cérémonie auguste, à la lueur de cent cierges, après une musique qui a enchanté leurs sens, au pied d'un autel brillant d'or. L'imagination est subjuguée, l'ame saisie et attendrie; on respire à peine, on est détaché de tout bien terrestre, on est uni avec Dieu, il est dans notre chair et dans notre sang. Qui osera, qui pourra commettre après cela une seule faute, en concevoir seulement la pensée! Il étoit impossible, sans doute, d'imaginer un mystère qui retînt plus fortement les hommes dans la vertu '. »

Si nous nous exprimions nous-même avec cette force, on nous traiteroit de fanatique.

L'Eucharistie a pris naissance à la Cène; et nous en appelons aux peintres, pour la beauté du tableau où Jésus-Christ est représenté disant ces paroles: Hoc est corpus meum. Quatre choses sont ici :

1o Dans le pain et le vin matériels, on voit la consécration de la nourriture des hommes, qui vient de Dieu, et que nous tenons de sa munificence. Quand il n'y auroit dans la Communion qué cette offrande des richesses de la terre à celui qui les dispense, cela seul suffiroit pour la comparer aux plus belles coutumes religieuses de la Grèce.

2° L'Eucharistie rappelle là Pâque des Israélites, qui remonte aux temps des Pharaons; elle annonce l'abolition des sacrifices sanglants; elle est aussi l'image de la vocation d'Abraham, et de * Questions sur l'Encyclopédie, tom. iv, édit. de Genève.

la première alliance de Dieu avec l'homme. Tout ce qu'il y a de grand en antiquité, en histoire, en législation, en figures sacrées, se trouve donc réuni dans la Communion du chrétien.

3o L'Eucharistie annonce la réunion des hommes en une grande famille; elle enseigne la fin des inimitiés, l'égalité naturelle et l'établissement d'une nouvelle loi, qui ne connoîtra ni Juifs, ni Gentils, et invitera tous les enfants d'Adam à la même table.

Enfin la quatrième chose que l'on découvre dans l'Eucharistie, c'est le mystère direct et la présence réelle de Dieu dans le pain consacré. Ici il faut que l'ame s'envole un moment vers ce monde intellectuel qui lui fut ouvert avant sa chute.

Lorsque le Tout-Puissant eut créé l'homme à son image, et qu'il l'eut animé d'un souffle de vie, il fit alliance avec lui. Adam et Dieu s'entretenoient ensemble dans la solitude. L'alliance fut de droit rompue par la désobéissance. L'Être éternel ne pouvoit plus communiquer avec la Mort, la Spiritualité avec la Matière. Or, entre deux choses de propriétés différentes, il ne peut y avoir de point de contact que par un milieu. Le premier effort que l'amour divin fit pour se rapprocher de nous, fut la vocation d'Abraham et l'établissement des sacrifices: figures qui annoncent au monde l'avénement du Messie. Le Sauveur, en nous rétablissant dans nos fins, comme nous l'avons observé au sujet de la rédemption, a dû nous rétablir dans nos priviléges, et le plus beau de ces priviléges, sans doute, étoit de communiquer avec le Créateur. Mais cette communication ne pouvoit plus avoir lieu immédiatement comme dans le Paradis terrestre : premièrement, parceque notre origine est demeurée souillée; en second lieu, parceque notre corps, maintenant sujet au tombeau, est resté trop foible pour communiquer directement avec Dieu sans mourir. Il falloit donc un moyen médiat, et c'est le Fils qui l'a fourni. Il s'est donné à l'homme dans l'Eucharistie, il est devenu la route sublime par qui nous nous réunissons de nouveau à celui dont notre ame est émanée.

Mais si le Fils fût resté dans son essence primitive, il est évident que la même séparation eût existé ici-bas entre Dieu et l'homme, puisqu'il ne peut y avoir d'union entre la pureté et le crime, entre une réalité éternelle et le songe de notre vie. Or, le Verbe, en entrant dans le sein d'une femme, a daigné se faire semblable à nous. D'un côté, il touche à son Père par sa spiritualité; de l'autre, il s'unit à la chair par son effigie humaine. Il devient donc ce rapprochement cherché entre l'enfant coupa

ble et le père miséricordieux. En se cachant sous l'emblème du pain, il est, pour l'œil du corps, un objet sensible, tandis qu'il reste un objet intellectuel pour l'œil de l'ame. S'il a choisi le pain pour se voiler, c'est que le froment est un emblème noble et pur de la nourriture divine.

Si cette haute et mystérieuse théologie, dont nous nous contentons d'ébaucher quelques traits, effraie nos lecteurs, qu'ils remarquent toutefois combien cette métaphysique est lumineuse auprès de celle de Pythagore, de Platon, de Timée, d'Aristote, de Carnéade, d'Épicure. On n'y trouve aucune de ces abstractions d'idées pour lesquelles on est obligé de se créer un langage inintelligible au commun des hommes.

En résumant ce que nous avons dit sur la Communion, nous voyons qu'elle présente d'abord une pompe charmante; qu'elle enseigne la morale, parcequ'il faut être pur pour en approcher; qu'elle est l'offrande des dons de la terre au Créateur, et qu'elle rappelle la sublime et touchante histoire du Fils de l'homme. Unie au souvenir de la Pâque et de la première alliance, la Communion va se perdre dans la nuit des temps; elle tient aux idées premières sur la nature de l'homme religieux et politique, et exprime l'antique égalité du genre humain ; enfin, elle perpétue la mémoire de notre chute primitive, de notre rétablissement et de notre réunion avec Dieu.

CHAPITRE VIII.

LA CONFIRMATION, L'ORDRE ET LE MARIAGE.

Examen du vœu de célibat, sous ses rapports moraux.

ON ne cesse de s'étonner lorsqu'on remarque à quelle époque de la vie la religion a fixé le grand hyménée de l'homme et du Créateur. C'est le moment où le cœur va s'enflammer du feu des passions, le moment où il peut concevoir l'Être suprême: Dieu devient l'immense génie qui tourmente tout à coup l'adolescent, et qui remplit les facultés de son ame inquiète et agrandie. Mais le danger augmente; il faut de nouveaux secours à cet étranger sans expérience, exposé sur le chemin du monde. Lá religion ne l'oubliera point; elle tient en réserve un appui. Là Confirmation vient soutenir ses pas tremblants comme le bâton dans la main du voyageur, ou comme ces sceptres qui passoient de race en race chez les rois antiques, et sur lesquels Évandre et Nestor, pasteurs des hommes, s'appuyoient en jugeant les peu

ples. Observons que la morale entière de la vie est renfermée dans le sacrement de Confirmation ; quiconque a la force de confesser Dieu pratiquera nécessairement la vertu, puisque commettre le crime, c'est renier le Créateur.

Le même esprit de sagesse a placé l'Ordre et le Mariage immédiatement après la Confirmation. L'enfant est maintenant devenu homme, et la religion,, qui l'a suivi des yeux avec une tendre sollicitude dans l'état de nature, ne l'abandonnera pas dans l'état de société. Admirez ici la profondeur des vues du législateur des chrétiens. Il n'a établi que deux sacrements sociaux, si nous osons nous exprimer ainsi; car en effet il n'y a que deux états dans la vie, le célibat et le mariage. Ainsi, sans s'embarrasser des distinctions civiles, inventées par notre étroite raison, JésusChrist divise la société en deux classes. A ces classes il ne donne point de lois politiques, mais des lois morales, et par là il se trouve d'accord avec toute l'antiquité. Les anciens sages de l'Orient, qui ont laissé une si merveilleuse renommée, n'assembloient pas des hommes pris au hasard, pour méditer d'impraticables constitutions. Ces sages étoient de vénérables solitaires qui avoient voyagé longtemps, et qui chantoient les dieux sur la lyre. Chargés des richesses puisées chez les nations étrangères, plus riches encore des dons d'une vie sainte, le luth à la main, une couronne d'or dans leurs cheveux blancs, ces hommes divins, assis sous quelque platane, dictoient leurs leçons à tout un peuple ravi. Et quelles étoient ces institutions des Amphion, des Cadmus, des Orphée? Une belle musique appelée Loi, des danses, des cantiques, quelques arbres consacrés, des vieillards conduisant des enfants, un hymen formé auprès d'un tombeau, la religion et Dieu partout. C'est aussi ce que le christianisme a fait, mais d'une manière encore plus admirable.

Cependant les hommes ne s'accordent jamais sur les principes, et les institutions les plus sages ont trouvé des détracteurs. On s'est élevé dans ces derniers temps contre le vœu de célibat, attaché au sacrement d'Ordre. Les uns, cherchant partout des armes contre la religion, en ont cru trouver dans la religión même : ils ont fait valoir l'ancienne discipline de l'Église, qui, selon eux, permettoit le mariage du prêtre; les autres se sont contentés de faire de la chasteté chrétienne l'objet de leurs railleries. Répondons d'abord aux esprits sérieux et aux objections morales.

Il est certain d'abord que le septième canon du second concile

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