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de Latran, l'an 1139, fixe sans retour le célibat du clergé catholique. A une époque plus reculée, on peut citer quelques dispositions du concile de Latran, en 1123; de Trébur, en 895; de Troisi3, en 909; de Tolède 4, en 633, et de Chalcédoine 5, en 451. Baronius prouve que le vœu de célibat étoit général parmi le clergé dès le sixième siècle 6. Un canon du premier concile de Tours excommunie tout prêtre, diacre ou sous-diacre, qui auroit conservé sa femme après avoir reçu les ordres: Si inventus fuerit presbyter cum sua presbytera, aut sub-diaconus cum sua sub-diaconissa, annum integrum excommunicatus habeatur 7. Dès le temps de saint Paul, la virginité étoit regardée comme l'état le plus parfait pour un chrétien. Mais, en admettant un moment que le mariage des prêtres eût été toléré dans la primitive Église, ce qui ne peut se soutenir ni historiquement ni canoniquement, il ne s'ensuivroit pas qu'il dût être permis à présent aux ecclésiastiques. Les mœurs modernes s'opposent à cette innovation, qui détruiroit d'ailleurs de fond en comble la discipline de l'Eglise.

Dans les anciens jours de la religion, jours de combats et de triomphes, les chrétiens, peu nombreux et remplis de vertu, vivoient fraternellement ensemble, goûtoient les mêmes joies, partageoient les mêmes tribulations à la table du Seigneur. Le pasteur auroit donc pu, à la rigueur, avoir une famille au milieu de cette société sainte, qui étoit déja sa famille; il n'auroit point été détourné par ses propres enfants du soin de ses autres brebis, puisqu'ils auroient fait partie du troupeau; il n'auroit pu trahir pour eux les secrets du pécheur, puisqu'on n'avoit point de crimes à cacher, et que les confessions se faisoient à haute voix dans ces basiliques de la mort 8, où les fidèles s'assembloient pour prier sur les cendres des martyrs. Ces chrétiens avoient reçu du Ciel un sacerdoce que nous avons perdu. C'étoit moins une assemblée du peuple, qu'une communauté de lévités et de religieuses: le baptême les avoit tous créés prêtres et confesseurs de JésusChrist.

Saint Justin le philosophe, dans sa première Apologie, fait une admirable description de la vie des fidèles de ce temps-là: «On nous accuse, dit-il, de troubler la tranquillité de l'État; et, cependant, un des principaux dogmes de notre foi est que rien n'est caché aux yeux de Dieu, et qu'il nous jugera sévèrement un jour sur nos bonnes et nos mauvaises actions: mais, ô puissant empe■ Can. 21. Cap. 28. -3 Cap. 8. -A Can. 52. 5 Can. 16.6 Baron. An. 88, no 18. Can. 20. 8 S. Hieron.

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reur! les peines mêmes que vous avez décernées contre nous ne font que nous affermir dans notre culte, puisque toutes ces persécutions nous ont été prédites par notre maître, fils du souverain Dieu, père et seigneur de l'univers....

« Le jour du soleil ( le dimanche), tous ceux qui demeurent à la ville et à la campagne s'assemblent en un lieu commun. On lit les saintes Écritures; un ancien1 exhorte ensuite le peuple à imiter de si beaux exemples. On se lève, on prie de nouveau ; on présente l'eau, le pain et le vin; le prélat fait l'action de graces, l'assistance répond Amen. On distribue une partie des choses consacrées, et les diacres portent le reste aux absents. On fait une quête; les riches donnent ce qu'ils veulent. Le prélat garde ces aumônes pour en assister les veuves, les orphelins, les malades, les prisonniers, les pauvres, les étrangers, en un mot, tous ceux qui sont dans le besoin, et dont le prélat est spécialement chargé. Si nous nous réunissons le jour du soleil, c'est que Dieu fit le monde ce jour-là, et que son fils ressuscita à pareil jour, pour confirmer à ses disciples la doctrine que nous vous avons exposée. Si vous la trouvez bonne, respectez-la; rejetez-la, si elle vous semble méprisable: mais ne livrez pas pour cela aux bourreaux des gens qui n'ont fait aucun mal; car nous osons vous annoncer que vous n'éviterez pas le jugement de Dieu, si vous demeurez dans l'injustice au reste, quel que soit notre sort, que la volonté de Dieu soit faite. Nous aurions pu réclamer votre équité en vertu de la lettre de votre père, César Adrien, d'illustre et glorieuse mémoire; mais nous avons préféré nous confier en la justice de notre cause 2. »

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L'Apologie de Justin étoit bien faite pour surprendre la terre. Il venoit de révéler un âge d'or au milieu de la corruption, de découvrir un peuple nouveau dans les souterrains d'un antique empire. Ces mœurs durent paroître d'autant plus belles, qu'elles n'étoient pas, comme aux premiers jours du monde, en harmonie avec la nature et les lois, et qu'elles formoient au contraire un contraste frappant avec le reste de la société. Ce qui rend surtout la vie de ces fidèles plus intéressante que la vie de ces hommes parfaits chantés par la fable, c'est que ceux-ci sont représentés heureux, et que les autres se montrent à nous à travers les charmes du malheur. Ce n'est pas sous le feuillage des bois et au bord des fontaines, que la vertu paroît avec le plus de puissance; il faut la voir à l'ombre des murs des prisons, et parmi des flots —a Just., Apol., édit. Marc, fol. 1742. Voyez la note 2, à la fin du volume.

Un prêtre.

de sang et de larmes. Combien la religion est divine, lorsqu'au fond d'un souterrain, dans le silence et la nuit des tombeaux, un pasteur que le péril environne célèbre, à la lueur d'une lampe, devant un petit troupeau de fidèles, les mystères d'un Dieu persécuté!

Il étoit nécessaire d'établir solidement cette innocence des chrétiens primitifs, pour montrer que si, malgré tant de pureté on trouva des inconvénients au mariage des prêtres, il seroit tout à fait impossible de l'admettre aujourd'hui.

En effet, quand les chrétiens se multiplièrent, quand la corruption se répandit avec les hommes, comment le prêtre auroit-il pu vaquer en même temps aux soins de sa famille et de son église? Comment fût-il demeuré chaste avec une épouse qui eût cessé de l'être? Que si l'on objecte les pays protestants, nous dirons que dans ces pays on a été obligé d'abolir une grande partie du culte extérieur, qu'un ministre paroît à peine dans un temple deux ou trois fois par semaine, que presque toutes relations ont cessé entre le pasteur et le troupeau, et que le premier est trop souvent un homme du monde, qui donne des bals et des festins pour amuser ses enfants. Quant à quelques sectes moroses, qui affectent la simplicité évangélique, et qui veulent une religion sans culte, nous espérons qu'on ne nous les opposera pas. Enfin, dans les pays où le mariage des prêtres s'est établi, la confession, la plus belle des institutions morales, a cessé et a dû cesser à l'instant. Il est naturel qu'on n'ose plus rendre maître de ses secrets l'homme qui a rendu une femme maîtresse des siens; on craint, avec raison, de se confier au prêtre qui a rompu son contrat de fidélité avec Dieu, et répudié le Créateur pour épouser la créature. Il ne reste plus qu'à répondre à l'objection que l'on tire de la loi générale de la population.

Or, il nous paroît qu'une des premières lois naturelles qui dut s'abolir à la nouvelle alliance, fut celle qui favorisoit la population au delà de certaines bornes. Autre fut Jésus-Christ, autre Abraham celui-ci parut dans un temps d'innocence, dans un temps où la terre manquoit d'habitants; Jésus-Christ vint, au contraire, au milieu de la corruption des hommes, et lorsque le monde avoit perdu sa solitude. La pudeur peut donc fermer aujourd'hui le sein des femmes; la seconde Eve, en guérissant les maux dont la première avoit été frappée, a fait descendre la virginité du ciel, pour nous donner une idée de cet état de pureté et de joie, qui précéda les antiques douleurs de la mère,

Le législateur des chrétiens naquit d'une vierge et mourut vierge. N'a-t-il pas voulu nous enseigner par là, sous les rapports politiques et naturels, que la terre étoit arrivée à son complément d'habitants, et que, loin de multiplier les générations, il faudroit désormais les restreindre? A l'appui de cette opinion, on remarque que les Etats ne périssent jamais par le défaut, mais par le trop grand nombre d'hommes. Une population excessive est le fléau des empires. Les Barbares du Nord ont dévasté le globe, quand leurs forêts ont été remplies; la Suisse étoit obligée de verser ses industrieux habitants aux royaumes étrangers, comme elle leur verse ses rivières fécondes; et sous nos propres yeux, au moment même où la France a perdu tant de laboureurs, la culture n'en paroît que plus florissante. Hélas! misérables insectes que nous sommes! bourdonnant autour d'une coupe d'absinthe, où par hasard sont tombées quelques gouttes de miel, nous nous dévorons les uns les autres, lorsque l'espace vient à manquer à notre multitude. Par un malheur plus grand encore, plus nous nous multiplions, plus il faut de champ à nos desirs. De ce terrain qui diminue toujours, et de ces passions qui augmentent sans cesse, doivent résulter tôt ou tard d'effroyables révolutions'.

Au reste, les systèmes s'évanouissent devant des faits. L'Europe est-elle déserte parcequ'on y voit un clergé catholique qui a fait vœu de célibat? Les monastères mêmes sont favorables à la société, parceque les religieux, en consommant leurs denrées sur les lieux, répandent l'abondance dans la cabane du pauvre. Où voyoit-on en France des paysans bien vêtus et des laboureurs dont le visage annonçoit l'abondance et la joie, si ce n'étoit dans la dépendance de quelque riche abbaye? Les grandes propriétés n'ont-elles pas toujours cet effet? et les abbayes étoient-elles autre chose que des domaines où les propriétaires résidoient ? Mais ceci nous mèneroit trop loin, et nous y reviendrons lorsque nous traiterons des ordres monastiques. Disons pourtant encore que le clergé favorisoit la population, en prêchant la concorde et l'union entre les époux, en arrêtant les progrès du libertinage, et en dirigeant les foudres de l'Église contre le système du petit nombre d'enfants, adopté par le peuple des villes.

Enfin, il semble à peu près démontré qu'il faut, dans un grand État, des hommes qui, séparés du reste du monde, et revêtus d'un caractère auguste, puissent, sans enfants, sans épouse, sans les embarras du siècle, travailler aux progrès des lumières, à la Voyez la note 3, à la fin du volume.

perfection de la morale et au soulagement du malheur. Quels miracles nos prêtres et nos religieux n'ont-ils point opérés sous 'ces trois rapports dans la société! Qu'on leur donne une famille, et ces études et cette charité qu'ils consacroient à leur patrie, ils les détourneront au profit de leurs parents: heureux même si de vertus qu'elles sont, ils ne les transforment en vices!

Voilà ce que nous avions à répondre aux moralistes, sur le célibat des prêtres. Voyons si nous trouverons quelque chose pour les poëtes ici, il nous faut d'autres raisons, d'autres autorités, et un autre style.

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LA plupart des sages de l'antiquité ont vécu dans le célibat; on sait combien les gymnosophistes, les brachmanes, les druides ont tenu la chasteté à honneur. Les sauvages mêmes la regardent comme céleste; car les peuples de tous les temps et de tous les pays n'ont eu qu'un sentiment sur l'excellence de la virginité. Chez les anciens, les prêtres et les prêtresses qui étoient censés commercer intimement avec le Ciel devoient vivre solitaires; la moindre atteinte portée à leurs vœux étoit suivie d'un châtiment terrible. On n'offroit aux dieux que des génisses qui n'avoient point encore été mères. Ce qu'il y avoit de plus sublime et de plus doux dans la fable possédoit la virginité; on la donnoit à Vénus-Uranie et à Minerve, déesses du génie et de la sagesse; l'Amitié étoit une adolescente, et la Virginité elle-même, personnifiée sous les traits de la Lune, promenoit sa pudeur mystérieuse dans les frais espaces de la nuit.

Considérée sous ses autres rapports, la virginité n'est pas moins aimable. Dans les trois règnes de la nature, elle est la source des graces et la perfection de la beauté. Les poëtes, que nous voulons surtout convaincre ici, nous serviront d'autorité contre euxmêmes. Ne se plaisent-ils pas à reproduire partout l'idée de la virginité comme un charme à leurs descriptions et à leurs tableaux? Ils la retrouvent ainsi au milieu des campagnes, dans les roses du printemps et dans la neige de l'hiver; et c'est ainsi qu'ils la placent aux deux extrémités de la vie, sur les lèvres de l'enfant, et sur les cheveux du vieillard. Ils la mêlent encore aux mystères de la tombe, et ils nous parlent de l'antiquité qui consacroit aux mânes des arbres sans semence, parceque la mort est stérile, ou parceque, dans une autre vie, les sexes sont inconnus, et que l'ame

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