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paru faux en religion, en philosophie, en politique; contre les crimes ou les erreurs de mon siècle; contre les hommes qui abusoient du pouvoir pour corrompre ou pour enchaîner les peuples, Je n'ai jamais calculé le degré d'élévation de ces hommes; et depuis Buonaparte, qui faisoit trembler le monde, et qui ne m'a jamais fait trembler, jusqu'aux oppresseurs obscurs qui ne sont connus que par mon mépris, j'ai osé tout dire à qui osoit tout entreprendre. Partout où je l'ai pu, j'ai tendu la main à l'infortune'; mais je ne comprends rien à la prospérité : toujours prêt à me dévouer aux malheurs, je ne sais point servir les passions dans leur triomphe.

Auroit-on bien fait de suivre le chemin que j'avois tracé pour rendre à la religion sa salutaire influence? Je le crois. En entrant dans l'esprit de nos institutions, en se pénétrant de la connoissance du siècle, en tempérant les vertus de la foi par celles de la charité, on seroit arrivé sûrement au but. Nous vivons dans un temps où il faut beaucoup d'indulgence et de miséricorde. Une jeunesse généreuse est prête à se jeter dans les bras de quiconque lui prêchera les nobles sentiments qui s'allient si bien aux sublimes préceptes de l'Évangile; mais elle fuit la soumission servile, et, dans son ardeur de s'instruire, elle a un goût pour la raison, tout-à-fait au dessus de son âge.

Le Génie du Christianisme paroît maintenant dégagé des circonstances auxquelles on auroit pu attribuer une partie de son succès. Les autels sont relevés, les prêtres sont revenus de la captivité, les prélats sont revêtus des premières dignités de l'État. L'espèce de défaveur qui, en général, s'attache au pouvoir, devroit pareillement s'attacher à tout ce qui a favorisé le rétablissement de ce pouvoir : on est ému du combat; on porte peu d'intérêt à la victoire.

Peut-être aussi l'auteur nuiroit-il à présent, dans un certain monde, à Pouvrage. Je ne sais comment il arrive que les services que j'ai eu le bonheur de rendre aient rarement été une cause de bienveillance pour moi auprès de ceux à qui je les ai rendus, tandis que les hommes que j'ai combattus ont toujours, au contraire, montré du penchant pour mes écrits et même pour ma personne : ce ne sont pas mes ennemis qui m'ont calomnié. Y auroit-il dans les opinions que j'ai appuyées, parceque sous beaucoup de rapports elles sont les miennes, y auroit-il un certain fonds d'ingratitude naturelle? Non, sans doute, et toute faute est de mon côté.

Par les diverses considérations de temps, de lieux, de personnes, je suis obligé de conclure que, si le Génie du Christianisme continue à trouver des lecteurs, on ne peut plus en chercher les raisons dans celles qui firent son premier succès autant les chances lui furent favorables autrefois, autant elles lui sont contraires aujourd'hui. Cependant l'ouvrage se réimprime malgré la multitude des anciennes éditions, et je le regarde toujours comme mon premier titre à la bienveillance du public.

J'ai dit ' que j'avois, dans cette édition de mes œuvres, retranché Atala et René du Génie du Christianisme, pour les donner à part dans un volume avec un ouvrage analogue; j'ai dit également, dans la Préface générale, les raisons qui m'avoient déterminé à faire cette division : elle étoit, au surplus, si naturelle, que le Génie du Christianisme, dégagé de ses épisodes, marche avec plus de rapidité, et n'en paroit que mieux composé. Il a suffi de faire disparoître une douzaine de phrases dans les chapitres qui précédoient et suivoient Atala et René, pour qu'on n'aperçût pas même la trace de ces épisodes.

Dans la Préface générale des OEuvres complètes.

GÉNIE

DU

CHRISTIANISME.

PREMIÈRE PARTIE.

DOGMES ET DOCTRINE.

LIVRE PREMIER.

MYSTÈRES ET SACREMENTS.

CHAPITRE PREMIER.

Introduction.

DEPUIS que le christianisme a paru sur la terre, trois espèces d'ennemis l'ont constamment attaqué : les hérésiarques, les sophistes, et ces hommes en apparence frivoles, qui détruisent tout en riant. De nombreux apologistes ont victorieusement répondu aux subtilités et aux mensonges; mais ils ont été moins heureux contre la dérision. Saint Ignace d'Antioche, saint Irenée, évêque de Lyon, Tertullien dans son Traité des Prescriptions, que Bossuet appelle divin, combattirent les novateurs, dont les interprétations superbes corrompoient la simplicité de la foi.

La calomnie fut repoussée d'abord par Quadrat et Aristide, philosophes d'Athènes : on ne connoit rien de leurs apologies, hors un fragment de la première, conservé par Eusèbe. Saint Jérôme et l'évêque de Césarée parlent de la seconde comme d'un chefd'œuvre 3.

Les païens reprochoient aux fidèles l'athéisme, l'inceste, et certains repas abominables où l'on mangeoit, disoit-on, la chair d'un enfant nouveau-né. Saint Justin plaida la cause des chré

'Ignat., in Patr. apost. Epist. ad Smyrn., n. 1. — a In hæres., lib. vi.

3 Eus., lib. IV, 5; Hieronym., Epist. 80; Fleury, Hist. Ecclés., tome 1; Tillemont, Mém. pour l'Hist. Eccles., tome 11.

tiens après Quadrat et Aristide: son style est sans ornement, et les actes de son martyre prouvent qu'il versa son sang pour sa religion avec la même simplicité qu'il écrivit pour elle. Athénagore a mis plus d'esprit dans sa défense; mais il n'a ni la manière originale de Justin, ni l'impétuosité de l'auteur de l'Apologétique. Tertullien est le Bossuet africain et barbare; Théophile, dans les trois livres à son ami Autolyque, montre de l'imagination et du savoir, et l'Octave de Minucius Félix présente le beau tableau d'un chrétien et de deux idolâtres, qui s'entretiennent de la religion et de la nature de Dieu, en se promenant au bord de la mer 2.

Arnobe le rhéteur, Lactance, Eusèbe, saint Cyprien, ont aussi défendu le christianisme; mais ils se sont moins attachés à en relever la beauté qu'à développer les absurdités de l'idolâtrie.

Origène combattit les sophistes; il semble avoir eu l'avantage de l'érudition, du raisonnement et du style, sur Celse son adversaire. Le grec d'Origène est singulièrement doux ; il est cependant mêlé d'hébraïsmes et de tours étrangers, comme il arrive assez souvent aux écrivains qui possèdent plusieurs langues,

L'Église, sous l'empereur Julien, fut exposée à une persécution du caractère le plus dangereux. On n'employa pas la violence contre les chrétiens, mais on leur prodigua le mépris. On commença par dépouiller les autels; on défendit ensuite aux fidèles d'enseigner et d'étudier les lettres 3. Mais l'empereur, sentant l'avantage des institutions chrétiennes, voulut, en les abolissant, les imiter : il fonda des hôpitaux et des monastères; et, à l'instar du culte évangélique, il essaya d'unir la morale à la religion, en faisant prononcer des espèces de sermons dans les temples 4.

Les sophistes dont Julien étoit environné se déchaînèrent contre le christianisme; Julien même ne dédaigna pas de se mesurer avec les Galiléens. L'ouvrage qu'il écrivit contre eux ne nous est pas parvenu; mais saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie, en cite des fragments dans la réfutation qu'il en a faite, et que nous avons encore. Lorsque Julien est sérieux, saint Cyrille triomphe du philosophe; mais lorsque l'empereur a recours à l'ironie, le patriarche perd ses avantages. Le style de Julien est vif, animé spirituel saint Cyrille s'emporte, il est bizarre, obscur et con

* Just.

2 Voyez, avec les auteurs cités ci-dessus, Dupin, dom Cellier, et l'élégante traduction des anciens Apologistes, par M. l'abbé de Gourcy.

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3 Soc. 3, c. XII; Greg. Naz., p. 51-97, etc. 4 Voyez Fleury, Hist. Ecclés.

tourné. Depuis Julien jusqu'à Luther, l'Église, dans toute sa force, n'eut plus besoin d'apologistes. Quand le schisme d'Occident se forma, avec les nouveaux ennemis parurent de nouveaux défenseurs. Il le faut avouer, les protestants eurent d'abord la supériorité sur les catholiques, du moins par les formes, comme le remarque Montesquieu. Érasme même fut foible contre Luther, et Théodore de Bèze eut une légèreté de style qui manqua trop souvent à ses adversaires.

Mais lorsque Bossuet descendit dans la carrière, la victoire ne demeura pas longtemps indécise; l'hydre de l'hérésie fut de nouveau terrassée. L'Histoire des Variations et l'Exposition de la Doctrine catholique sont deux chefs-d'œuvre qui passeront à la postérité.

Il est naturel que le schisme mène à l'incrédulité, et que l'athéisme suive l'hérésie. Bayle et Spinosa s'élevèrent après Calvin; ils trouvèrent dans Clarke et Leibnitz deux génies capables de réfuter leurs sophismes. Abbadie écrivit en faveur de la religion une apologie remarquable par la méthode et le raisonne"ment. Malheureusement le style en est foible, quoique les pensées n'y manquent pas d'un certain éclat. « Si les philosophes anciens, dit Abbadie, adoroient les vertus, ce n'étoit après tout qu'une belle idolâtrie. »

Tandis que l'Église triomphoit encore, déja Voltaire faisoit renaître la persécution de Julien. Il eut l'art funeste, chez un peuple capricieux et aimable, de rendre l'incrédulité à la mode. Il enrôla tous les amours-propres dans cette ligue insensée; la religion fut attaquée avec toutes les armes, depuis le pamphlet jusqu'à l'in-folio, depuis l'épigramme jusqu'au sophisme. Un livre religieux paroissoit-il, l'auteur étoit à l'instant couvert de ridicule, tandis qu'on portoit aux nues des ouvrages dont Voltaire étoit le premier à se moquer avec ses amis : il étoit si supérieur à ses disciples, qu'il ne pouvoit s'empêcher de rire quelquefois de leur enthousiasme irréligieux. Cependant le système destructeur alloit s'étendant sur la France. Il s'établissoit dans ces académies de province, qui ont été autant de foyers de mauvais goût et de factions. Des femmes de la société, de graves philosophes avoient leurs chaires d'incrédulité. Enfin, il fut reconnu que le christianisme n'étoit qu'un système barbare dont la chute ne pouvoit arriver trop tôt pour la liberté des hommes, le progrès des lumières, les douceurs de la vie, et l'élégance des arts.

Sans parler de l'abîme où ces principes nous ont plongés, les

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