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le problème de la Divinité n'est-il point résolu dans les calculs mystérieux de tant de soleils? une algèbre aussi brillante ne peutelle servir à dégager la grande Inconnue?

La première objection astronomique que l'on fait au système de Moïse se tire de la sphère céleste: « Comment le monde est-il si nouveau! s'écrie-t-on. La seule composition de la sphère suppose des millions d'années. »

Aussi est-il vrai que l'astronomie est une des premières sciences que les hommes aient cultivées. M. Bailly prouve que les patriarches, avant Noé, connoissoient la période de six cents ans, l'année de 365 jours 5 heures 51 minutes 36 secondes; enfin qu'ils avoient nommé les six jours de la création d'après l'ordre planétaire'. Puisque les races primitives étoient déja si savantes dans l'histoire du ciel, n'est-il pas très probable que les temps écoulés depuis le déluge ont été plus que suffisants pour nous donner le système astronomique tel que nous l'avons aujourd'hui? Il est impossible, d'ailleurs, de rien prononcer de certain sur le temps nécessaire au développement d'une science. Depuis Copernic jusqu'à Newton l'astronomie a plus fait de progrès en moins d'un siècle, qu'elle n'en avoit fait auparavant dans le cours de trois mille ans. On peut comparer les sciences à des régions coupées de plaines et de montagnes on avance à grands pas dans les premières; mais quand on est parvenu au pied des secondes, on perd un temps infini à découvrir les sentiers et à franchir les sommets, d'où l'on descend dans l'autre plaine. Il ne faut donc pas conclure que, puisque l'astronomie est restée quatre mille ans dans son âge moyen, elle a dû être des myriades de siècles dans son berceau : cela contredit tout ce qu'on sait de l'histoire et de la marche de l'esprit humain. La seconde objection se déduit des époques historiques, liées aux observations astronomiques des peuples, et en particulier de celle des Chaldéens et des Indiens.

Nous répondons, à l'égard des premiers, qu'on sait que les sept cent vingt mille ans dont ils se vantoient se réduisent à mille neuf cent trois ans'.

Quant aux observations des Indiens, celles qui sont appuyées sur des faits incontestables ne remontent qu'à l'an 3102 avant notre ère. Cette antiquité est sans doute fort grande, mais enfin elle rentre dans des bornes connues. C'est à cette époque que com

Bail., Hist. de l'Ast. anc.

⚫ Les tables de ces observations, faites à Babylone àvant l'arrivée d'Alexandre, furent envoyées par Callisthène à Aristote. Voyez Bailly.

mence la quatrième jogue ou âge indien. M. Bailly, en dépouillant les trois premiers âges et les réunissant au quatrième, démontre que toute la chronologie des Brames se renferme dans un intervalle d'environ soixante-dix siècles', ce qui s'accorde parfaitement avec la chronologie des Septante. Il prouve jusqu'à l'évidence que les fastes des Egyptiens, des Chaldéens, des Chinois, des Perses, des Indiens, se rangent avec une exactitude singulière sous les époques de l'Écriture. Nous citons d'autant plus volontiers M. Bailly, que ce savant est mort victime des principes que nous avons entrepris de combattre. Lorsque cet homme infortuné écrivoit, à propos d'Hypatia, jeune femme astronome, massacrée par les habitants d'Alexandrie, que les modernes épargnent au moins la vie, en déchirant la réputation, il ne se doutoit guère qu'il seroit lui-même une preuve lamentable de la fausseté de son assertion, et qu'il renouvelleroit l'histoire d'Hypatia!

Au reste, tous ces calculs infinis de générations et de siècles, que l'on retrouve chez plusieurs peuples, ont leur source dans une foiblesse naturelle au cœur humain. Les hommes, qui sentent en eux-mêmes un principe d'immortalité, sont comme tout honteux de la brièveté de leur existence; il leur semble qu'en entassant tombeaux sur tombeaux, ils cacheront ce vice capital de leur nature, qui est de durer peu, et qu'en ajoutant du néant à du néant, ils parviendront à faire une éternité. Mais ils se trahissent eux-mêmes, et découvrent ce qu'ils prétendent dérober: car plus la pyramide funèbre est élevée, plus la statue vivante placée au sommet diminue, et la vie paroît encore bien plus petite, quand l'énorme fantôme de la Mort l'exhausse dans ses bras.

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L'ASTRONOMIE n'étant donc pas suffisante pour détruire la chronologie de l'Écriture3, on revient à l'attaque par l'histoire naturelle les uns nous parlent de certaines époques où l'univers entier se rajeunit; les autres nient les grandes catastrophes du

Voyez la note 9, à la fin du volume.

2 Bail., Ast. Ind., discours prélimin., part. xI, pag. 126, etc.

3 On rit de Josué qui commande au soleil de s'arrêter. Nous n'aurions pas cru être obligé d'apprendre à notre siècle, que le soleil n'est pas immobile, quoique centre. On a excusé Josué, en disant qu'il parloit exprès comme le vulgaire; il eût été aussi simple de dire qu'il parloit comme Newton. Si vous vouliez arrêter une montre, vous ne briseriez pas une petite roue, mais le grand ressort, dont le repos fixeroit subitement le système.

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globe, telles que le déluge universel; ils disent : « Les pluies ne sont que les vapeurs des mers. Or, toutes les mers ne suffiroient pas pour couvrir la terre à la hauteur dont parlent les Écritures. Nous pourrions répondre que raisonner ainsi, c'est aller contre ces mêmes lumières dont on fait tant de bruit, puisque la chimie moderne nous apprend que l'air peut être transmué en eau; alors quel effroyable déluge! Mais nous renonçons volontiers à ces raisons empruntées des sciences qui rendent compte de tout à l'esprit, sans rendre compte de rien au cœur. Nous nous contenterons de répondre que pour noyer la partie terrestre du globe, il. suffit que l'Océan franchisse ses rivages, en entraînant l'eau de ses gouffres. D'ailleurs, hommes présomptueux, avez-vous pénétré dans les trésors de la grêle!, et connoissez-vous les réservoirs de cet abîme où le Seigneur a puisé la mort au jour de ses vengeances?

Soit que Dieu, soulevant le bassin des mers, ait versé sur les continents l'Océan troublé; soit que, détournant le soleil de sa route, il lui ait commandé de se lever sur le pôle avec des signes funestes, il est certain qu'un affreux déluge a ravagé la terre.

En ce temps-là, la race humaine fut presque anéantie. Toutes les querelles des nations finirent, toutes les révolutions cessèrent. Rois, peuples, armées ennemies, suspendirent leurs haines sanglantes, et s'embrassèrent saisis d'une mortelle frayeur. Les temples se remplirent de suppliants, qui avoient peut-être renié la Divinité toute leur vie; mais la Divinité les renia à son tour, et bientôt on annonça que l'Océan tout entier étoit aussi à la porte des temples. En vain les mères se sauvèrent avec leurs enfants sur le sommet des montagnes; en vain l'amant crut trouver un abri pour sa maîtresse dans la même grotte où il avoit trouvé un asile pour ses plaisirs; en vain les amis disputèrent aux ours effrayés la cime des chênes; l'oiseau même, chassé de branche en branche par le flot toujours croissant, fatigua inutilement ses ailes sur des plaines d'eau sans rivages. Le soleil, qui n'éclairoit plus que la mort au travers des nues livides, se montroit terne et violet comme un énorme cadavre noyé dans les cieux; les volcans s'éteignirent, en vomissant de tumultueuses fumées; et l'un des quatre éléments, le feu, périt avec la lumière.

Ce fut alors que le monde se couvrit d'horribles ombres, d'où sortoient d'effrayantes clameurs; ce fut alors qu'au milieu des humides ténèbres, le reste des êtres vivants, le tigre et l'agneau, 1 Job, cap. XXXVIII, v. 22.

l'aigle et la colombe, le reptile et l'insecte, l'homme et la femme, gagnèrent tous ensemble la roche la plus escarpée du globe : l'Océan les y suivit, et, soulevant autour d'eux sa menaçante immensité, fit disparoître sous ses solitudes orageuses le dernier point de la terre.

Dieu, ayant accompli sa vengeance, dit aux mers de rentrer dans l'abîme; mais il voulut imprimer sur ce globe des traces éternelles de son courroux : les dépouilles de l'éléphant des Indes s'entassèrent dans les régions de la Sibérie; les coquillages magellaniques vinrent s'enfouir dans les carrières de la France; des bancs entiers de corps marins s'arrêtèrent au sommet des Alpes, du Taurus et des Cordiliières, et ces montagnes elles-mêmes furent les monuments que Dieu laissa.dans les trois mondes, pour marquer son triomphe sur les impies, comme un monarque plante un trophée dans le champ où il a défait ses ennemis.

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Dieu ne se contenta pas de ces attestations générales de sa colère passée sachant combien l'homme perd aisément la mémoire du malheur, il en multiplia les souvenirs dans sa demeure. Le soleil n'eut plus pour trône au matin, et pour lit au soir, que l'élément humide, où il sembla s'éteindre pour tous les jours, ainsi qu'au temps du déluge. Souvent les nuages du ciel imitèrent des vagues amoncelées, des sables ou des écueils blanchissants. Sur la terre, les rochers laissèrent tomber des cataractes: la lumière de la lune, les vapeurs blanches du soir, couvrirent quelquefois les vallées des apparences d'une nappe d'eau; il naquit dans les lieux les plus arides des arbres, dont les branches affaissées pendirent pesamment vers la terre, comme si elles sortoient encore toutes trempées du sein des ondes; deux fois par jour la mer reçut ordre de se lever de nouveau dans son lit, et d'envahir ses grèves; les antres des montagnes conservèrent de sourds bourdonnements et des voix lugubres; la cime des bois présenta l'image d'une mer roulante, et l'Océan sembla avoir laissé ses bruits dans la profondeur des forêts.

CHAPITRE V.

Jeunesse et Vieillesse de la Terre.

Nous touchons à la dernière objection sur l'origine moderne du globe. On dit : « La terre est une vieille nourrice, dont tout annonce la caducité. Examinez ses fossiles, ses marbres, ses granits, ses laves, et vous y lirez ses années innombrables marquées

Voyez la note 10, à la fin du volume.

I

par cercle, par couche ou par branche, comme celles du serpent à sa sonnette, du cheval à sa dent, ou du cerf à ses rameaux, »

Cette difficulté a été cent fois résolue par cette réponse: Dieu a dú créer et a sans doute créé le monde avec toutes les marques de vétusté et de complément que nous lui voyons.

En effet, il est vraisemblable que l'auteur de la nature planta d'abord de vieilles forêts et de jeunes taillis; que les animaux naquirent, les uns remplis de jours, les autres parés des graces de l'enfance. Les chênes, en perçant le sol fécondé, portèrent sans doute à la fois les vieux nids des corbeaux et la nouvelle postérité des colombes. Ver, chrysalide et papillon, l'insecte rampa sur l'herbe, suspendit son œuf d'or aux forêts, ou trembla dans le vague des airs. L'abeille, qui pourtant n'avoit vécu qu'un matin, comptoit déja son ambroisie par générations de fleurs. Il faut croire que la brebis n'étoit pas sans son agneau, la fauvette sans ses petits; que les buissons cachoient des rossignols étonnés de chanter leurs premiers airs, en échauffant les fragiles espérances de leurs premières voluptés.

Si le monde n'eût été à la fois jeune et vieux, le grand, le sérieux, le moral, disparoissoient de la nature, car ces sentiments tiennent par essence aux choses antiques. Chaque site eût perdu ses merveilles. Le rocher en ruine. n'eût plus pendu sur l'abîme avec ses longues graminées; les bois, dépouillés de leurs accidents, n'auroient point montré ce touchant désordre d'arbres inclinés sur leurs tiges, de troncs penchés sur le cours des fleuves. Les pensées inspirées, les bruits vénérables, les voix magiques, la sainte horreur des forêts, se fussent évanouis avec les voûtes qui leur servent de retraites, et les solitudes de la terre et du ciel seroient demeurées nues et désenchantées, en perdant ces colonnes de chênes qui les unissent. Le jour même où l'Océan épandit sés premières vagues sur ses rives, il baigna, n'en doutons point, des écueils déja rongés par les flots, des grèves semées de débris de coquillages, et des caps décharnés qui soutenoient, contre les eaux, les rivages croulants de la terre.

Sans cette vieillesse originaire, il n'y auroit eu ni pompe, ni majesté, dans l'ouvrage de l'Éternel; et, ce qui ne sauroit être, la nature, dans son innocence, eût été moins belle qu'elle ne l'est aujourd'hui dans sa corruption. Une insipide enfance de plantes, 'd'animaux, d'éléments, eût couronné une terre sans poésie. Mais Dieu ne fut pas un si méchant dessinateur des bocages d'Eden, que les incrédules le prétendent. L'homme-roi naquit lui-même

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