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prêt pour les aliments, comme font ceux qui cherchent plutôt à satisfaire leur goût que le besoin qu'éprouve la nature.

275. Le péché de gourmandise est mortel: 1° quand on s'abandonne habituellement aux plaisirs de la table, qu'on met en quelque sorte sa fin dernière à boire ou à manger; 2° quand on boit ou qu'on mange jusqu'à nuire notablement à sa santé; 3° lorsqu'on viole les lois du jeûne ou de l'abstinence; 4° lorsqu'on se rend incapable de remplir une fonction qu'on est obligé de remplir sous peine de péché mortel; 5° quand l'excès dans le boire va jusqu'à l'ivresse, et prive l'homme de l'usage de la raison; 6o quand on s'excite au yomissement, afin de pouvoir continuer de boire ou de manger (1).

Mais y a-t-il péché mortel à boire ou à manger jusqu'au vomissement? Cela n'est pas certain; il est même probable que, dans le cas dont il s'agit, le péché n'est que véniel, à moins qu'il n'y ait scandale, ou que la santé n'en souffre notablement : « Comedere vel bi« bere usque ad vomitum, probabile est peccatum esse tantum veniale « ex genere suo, nisi adsit scandalum, vel notabile nocumentum valetudinis (2). » Il y aurait certainement scandale et faute grave, si cela arrivait à un ecclésiastique, à un prêtre, à un pasteur, à moins qu'on ne pût attribuer cet accident à une indisposition.

276. Celui qui s'enivre volontairement, sans avoir été surpris par la force du vin, pèche certainement; saint Paul met l'ivresse au nombre des péchés qui excluent du royaume des cieux: «Neque « ebriosi regnum Dei possidebunt (3). » Mais pour qu'il y ait péché mortel, il est nécessaire, suivant le sentiment certainement probable de plusieurs docteurs, que l'ivresse prive entièrement de l'usage de la raison : « Ad hoc ut ebrietas sit peccatum mortale, re«quiritur ut sit perfecta, nempe quæ omnino privet usu rationis. « Unde non peccat mortaliter qui ex potu vini non amittit usum << rationis (4). On reconnait qu'un homme n'a pas entièrement perdu l'usage de la raison, lorsqu'il peut encore discerner entre le bien et le mal.

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Il n'est jamais permis de s'enivrer, quand même il s'agirait de la vie. C'est le sentiment de saint Alphonse de Liguori; il le soutient comme plus probable que le sentiment contraire (5).

Il n'est pas permis non plus d'enivrer qui que ce soit, pas même

(1) S. Liguori, de Peccatis.

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(2) Ibidem. — (3) 1. Corinth. c. 16. v. 10.

(4) S. Liguori, de Peccatis, no 75. - Voyez aussi S. Thomas, Sum. part. 2. 2. quæst. 150. art. 2; le P. Antoine, de Peccatis, cap. vII. art. 3. — (5) Voyez S. Liguori, de Peccatis, no 75.

celui qui est incapable de pécher formellement. Și l'ivresse n'est point imputable à un enfant, à un insensé, elle le serait pour celui qui en serait l'auteur.

277. On ne doit pas engager un convive à boire, lorsqu'on a lieu de craindre que cette invitation n'aboutisse à l'ivresse. Ce serait également une imprudence blåmable de faire boire ceux qui ont déjà pris trop de vin, ou qui ne peuvent en prendre davantage sans danger de s'enivrer.

Mais on doit excuser celui qui sert du vin à ceux qui en abusent ou qui en abuseront, lorsqu'il ne peut le leur refuser sans de graves inconvénients; lorsque, par exemple, ce refus serait une occasion d'emportement, de blasphème; car servir du vin est en soi une chose indifférente, et l'abus qu'en font ceux qui l'exigent leur est personnel.

278. Ne peut-on pas enivrer quelqu'un, pour l'empêcher de faire un plus grand mal; de commettre, par exemple, un homicide, un sacrilége? Nous ne le pensons pas, quoique le sentiment contraire paraisse assez probable à saint Alphonse de Liguori (1). Il nous semble que ce serait coopérer directement à une chose mauvaise de sa nature; ce qui n'est point permis. Cependant il ne faudrait pas inquiéter ceux qui le feraient; car on peut facilement les supposer de bonne foi sur une question de cette nature. Nous n'oserions pas non plus, pour la même raison, empêcher un malade de suivre l'avis de son médecin, qui, à tort ou à raison, lui prescrirait, comme remède nécessaire à sa guérison, de prendre du vin ou d'une liqueur enivrante, en assez grande quantité pour lui procurer par l'ivresse une crise qui peut être salutaire (2).

279. Si l'ivresse arrive par surprise, ce qui peut avoir lieu pour les personnes qui éprouvent quelque indisposition, ou qui ne connaissent pas la force du vin, des liqueurs qu'on leur sert, alors elle n'est point imputable, parce qu'elle n'est point volontaire. Si elle est volontaire, on est coupable, non-seulement à raison de l'ivresse, mais encore à raison du mal qu'on a fait durant l'état d'ivresse; des blasphèmes, par exemple, qu'on a proférés, de l'homicide qu'on a commis; pourvu toutefois que cet homicide, ces blasphèmes aient été prévus, d'une manière au moins confuse, par celui qui s'est enivré volontairement.

280. La paresse, que quelques auteurs anciens confondent avec la tristesse, est une espèce de langueur de l'âme, un dégoût pour

(1) De Peccatis, n° 77. — (2) Voyez S. Liguori, ibidem.

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la vertu, qui tend à nous empêcher d'accomplir les devoirs communs à tout chrétien, ou propres à chaque état. La paresse devient péché mortel, toutes les fois qu'elle nous fait manquer à une obligation grave. « Langor animi quo bonum vel omittitur, vel neglia genter fit, est mortalis, si bonum sit graviter præceptum; et « semper valde periculosus est, disponitque ad mortale (1). »

TRAITÉ DES VERTUS.

CHAPITRE PREMIER.

Notion de la Vertu et des différentes espèces de Vertus.

281. Le mot vertu, dans sa signification littérale, signifie force. Il faut en effet de la force pour faire le bien. Aussi toute action louable qui exige un effort de notre part, est un acte de vertu. Saint Thomas définit la vertu, une qualité bonne, une habitude ou disposition de l'âme qui nous fait agir conformément à la droite raison : « Virtus est bona qualitas, seu habitus mentis, qua recte « vivitur (2); » ou, comme il s'exprime ailleurs, « Quidam habitus « perficiens hominem ab bene operandum (3). »

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On distingue trois sortes de vertus : les vertus intellectuelles, les vertus morales et les vertus théologales. Les vertus intellectuelles sont ainsi appelées parce qu'elles perfectionnent l'entendement ; les trois principales sont l'intelligence, la sagesse et la science (4). Les vertus morales sont celles qui perfectionnent la volonté de l'homme par la pratique du bien, par le bon usage de la raison. Si elles nous font agir par un motif naturel, elles ne sont que des vertus purement morales, naturelles, humaines, stériles pour le salut. Si elles ont un motif tiré de la foi, elles deviennent surnaturelles et chrétiennes. Les vertus théologales sont celles qui ont un rapport plus direct à la béatitude surnaturelle; on les appelle théologales, soit parce qu'elles ont Dieu pour objet immédiat, soit parce qu'elles nous viennent de Dieu seul, qui nous les communique à nous-mê

(1) Le P. Antoine, de Peccatis, cap. vii. art. 7. (2) Sum. part. 1. 2. quæst. 55. art. 4. (3) Ibidem, quæst. 58. art. 3. — (4) Ibidem, quæst. 57. art. 2.

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mes sans nous; soit enfin parce qu'elles sont fondées sur la révélation divine: «< Virtutes dicuntur theologicæ, tum quia habent « Deum pro objecto, inquantum per eas recte ordinantur in Deum; « tum quia a solo Deo in nobis infunduntur; tum quia sola revela<< tione in sacra Scriptura hujusmodi virtutes traduntur (1). »

282. Les vertus théologales sont au nombre de trois la foi, l'espérance et la charité. « Nunc autem manent fides, spes, et cha« ritas: tria hæc (2). » Par la foi, nous croyons en Dieu, parce qu'il est la vérité même; par l'espérance, nous espérons en Dieu, parce qu'il est fidèle en ses promesses; par la charité, nous aimons Dieu, parce qu'il est infiniment parfait. Ces trois vertus, comme on le voit, ont Dieu pour objet immédiat, à la différence des vertus morales, qui n'ont pas Dieu pour objet immédiat, qui n'ont pas un rapport direct à la béatitude éternelle.

Quoique dans le vrai chrétien qui fait tout pour la gloire de Dieu, omnia in gloriam Dei, en faisant tout au nom de Jésus, omnia in nomine Jesu, les vertus morales soient surnaturalisées et sanctifiées par la grâce, nous leur conservons leur dénomination, afin de les distinguer des vertus théologales, dont nous parlerons dans le traité du Décalogue, en expliquant le premier commandement.

Toutes les vertus morales n'occupent pas le même rang; il en est quatre, savoir : la prudence, la justice, la force et la tempérance, qu'on appelle vertus cardinales, principales, parce qu'elles sont comme les principes, les sources des autres vertus.

CHAPITRE II.

De la Prudence.

283. La prudence est la science pratique de ce que l'on doit faire et de ce que l'on doit éviter : « Prudentia est appetendarum et vi«tandarum rerum scientia, » dit saint Augustin (3).

La prudence est une des vertus les plus nécessaires à l'homme; mais elle est nécessaire surtout à ceux qui sont chargés de la direction des autres, du gouvernement spirituel ou temporel. Les autres

(1) S. Thomas, Sum. part. 1. 2. quæst. 61. art. 1. V. 13.-(3) De lib. arb. lib. 1. c. 13.

(2) I. Corinth. c. 13.

vertus ont besoin d'elle pour être dirigées dans leurs opérations, conformément aux règles de la sagesse, et éviter les extrêmes, qui sont plus ou moins dangereux suivant la nature des actes. C'est la prudence qui fait choix du temps, du lieu, des moyens à prendre pour arriver à ses fins. Elle règle tout dans l'homme, jusqu'à ses paroles, et pour ce qui le regarde et pour ce qui regarde les autres, et nous fait éviter les fausses démarches, les indiscrétions qui peuvent avoir des suites fâcheuses.

La prudence agit sur toutes les facultés de notre âme. Elle agit sur l'entendement, en l'éclairant sur ce qui est conforme ou contraire à la fin, aux vues qu'on se propose. Elle nous fait connaitre les hommes, nous découvre leurs dispositions, leurs inclinations; elle pénètre leurs desseins, et forme des conjectures plus ou moins heureuses, suivant qu'elle a plus ou moins de sagacité. Elle agit sur la mémoire, en y conservant le souvenir des règles de conduite qu'il faut suivre, des applications qu'on en a faites, des moyens qui en ont assuré ou compromis le succès. Dans l'ordre du salut, elle y retrace les chutes qu'on a faites, pour nous prémunir contre de nouvelles chutes; les occasions où notre vertu a fait naufrage, afin de nous les faire éviter. Elle agit sur la volonté, en la dirigeant dans les déterminations qu'elle prend, et dans les moyens qu'elle choisit pour l'exécution.

284. Les vertus particulières qui se rapportent à la prudence sont: 1o la prévoyance, qui découvre ou conjecture les événements dans leur cause, connaît par avance les moyens, les obstacles et les difficultés qui peuvent se rencontrer pour ou contre l'exécution des desseins qu'on se propose; 2o la circonspection, qui pèse tout avec maturité, ne donne rien au hasard, ne néglige aucune des précautions à prendre pour assurer le succès; 3° le discernement, qui, après avoir examiné le pour et le contre, démêle le parti le plus sage, choisit les moyens les plus simples, les plus convenables; et, dans l'occasion où il le faut, prend sur-le-champ son parti; il a ce coup d'œil vif qui saisit dans l'instant le parti commandé par la sagesse ; 4o la défiance de soi-même, qui prend volontiers conseil, parce qu'il n'est personne qui se suffise à lui-même. « Ne «< innitaris prudentiæ tuæ (1). ›

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285. Il est une foule de circonstances où l'expérience des autres nous devient nécessaire, surtout quand il s'agit du gouvernement de l'Église et de l'État, d'un diocèse, d'une paroisse, ou de

(1) Proverb. c. 5. v. 3.

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