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sités : la nécessité commune, où se trouvent les pauvres qui n'ont pas les choses nécessaires à la vie, et qui ne peuvent se les procurer par le travail; telle est, généralement, la nécessité de ceux qui sont réduits à mendier: la nécessité grave ou pressante, qui met un homme en danger de tomber malade, ou de déchoir de sa condition : la nécessité extrême, où l'on est dans un danger évident de succomber, de mourir, si on ne reçoit promptement quelques se

cours.

369. On distingue aussi ce qui est nécessaire à la vie, et ce qui est nécessaire à l'état. Le nécessaire à la vie comprend ce qu'il faut pour se nourrir, s'habiller et se loger. Le nécessaire de l'état comprend ce qu'il faut pour se soutenir avec bienséance dans son rang, dans sa condition, sans faste et sans luxe. De cette distinction nait naturellement celle du superflu de la vie et du superflu de l'état.

Mais on ne peut fixer avec précision ce qui est ou n'est pas nécessaire à chacun selon sa condition; le superflu ne consiste pas dans un point indivisible; il est proportionné à la position, qui, n'étant pas la même pour tous, entraîne plus ou moins de dépenses. Il faut donc, sur cet article, s'en tenir au jugement des personnes sages et prudentes. « Hujusmodi necessarii terminus non est « in indivisibili constitutus; sed multis additis, non potest dijudi«< cari esse ultra tale necessarium; et multis subtractis, adhuc re<< manet unde possit convenienter aliquis vitam transigere secun<< dum proprium statum. » Ainsi s'exprime saint Thomas (1).

370. Quand quelqu'un se trouve dans une nécessité extrême, nous sommes obligés, sous peine de péché mortel, à défaut d'autres, de l'aider non-seulement des biens superflus à notre rang, mais même des biens superflus à la vie et nécessaires à notre condition. Lui refuser le nécessaire, ce serait se rendre coupable d'une espèce d'injustice à son égard, coupable de sa mort: « Res << alienæ possidentur, cum superflua possidentur, » dit saint Augustin (2). « Pasce fame morientem; si non pavisti, occidisti. » C'est la pensée de saint Ambroise (3). Lactance n'est pas moins énergique : « Qui succurrere perituro potest, si non succurrerit, occidit (4). » On doit même le secourir des biens d'autrui, quand on ne peut le secourir de ses propres biens : « In casu extremæ necessitatis, dit saint Thomas, omnia sunt communia. Unde licet

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(1) Sum. part. 2. 2. quæst. 32. art. 6. — (2) Serm. CXLVII.

lib. 1. c. 30. (4) Inst. div. lib. I. c. 11.

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«<ei qui talem necessitatem patitur, accipere de alieno ad sui sus<< tentationem, si non inveniat qui sibi dare velit; et eadem ratione << licet habere aliquid de alieno, et potest de hoc eleemosynam dare, quin imo et accipere, si aliter subvenire non possit neces<«<sitatem patienti. Si tamen fieri potest sine periculo, requisita « domini voluntate, debet pauperi providere extremam necessi« tatem patienti (1). »

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Mais il est important de faire remarquer que les expressions de S. Augustin, de S. Ambroise, de Lactance, de S. Thomas, et autres expressions semblables de quelques docteurs de l'Église, ne sont applicables qu'au cas dont il s'agit, au cas d'une nécessité extrême. Les prédicateurs auront donc soin d'en restreindre l'application à l'égard de ceux qui laissent un pauvre, une personne quelconque, périr ou mourir de faim, faute de secours, periturum, fame morientem. Hors de là, on ne serait plus dans le vrai, ce serait une exagération dangereuse, d'autant plus dangereuse qu'elle pourrait compromettre, dans l'esprit du pauvre, le respect dû à la propriété.

371. Ceux qui ont des biens superflus à leur état sont tenus, par le précepte de la charité, de secourir les indigents qui sont dans une nécessité pressante; et, pour pouvoir le faire, ils doivent s'interdire toute dépense vaine et frivole, ou qui ne serait point commandée par les bienséances de leur position. Le pape Innocent XI a censuré la proposition suivante, qui tendait à rendre illusoire l'obligation de l'aumône : « Vix in sæcularibus invenies, etiam in regibus, superfluum statui. Et ita, Vix aliquis tenetur ad elee« mosynam, quando tenetur tantum ex superfluo statui (2).

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Le précepte de l'aumône oblige surtout dans les calamités publiques, lorsque, par exemple, la disette se fait sentir, ou que le pays est ravagé par des inondations, par la guerre, ou par d'autres fléaux. Il peut arriver qu'on soit alors obligé de sacrifier au soulagement des malheureux, non-seulement les biens superflus à son état, mais même une partie des biens nécessaires pour le conserver en tout.

372. Quant à la nécessité commune, elle n'impose point d'obligation à ceux qui n'ont absolument que ce qu'il faut pour soutenir convenablement leur rang, leur condition. «De hujusmodi (bonis « sine quibus non potest convenienter vita transigi secundum con« ditionem) eleemosynam dare est bonum; et non cadit sub præcepto, sed sub consilio. Inordinatum esset autem, si aliquis tan

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(1) Sum. part. 2. 2. quæst. 32. art. 7.- (2) Décret de 1679.

« tum sibi de bonis propriis subtraheret, ut aliis largiretur, quod << de residuo non potest vitam transigere convenienter secundum « proprium statum, et negotia occurrentia; nullus enim inconve<< nienter vivere debet (1).

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Mais le riche doit prendre sur les biens superflus à son rang, pour faire l'aumône aux pauvres qui n'ont pas de quoi vivre, et qui ne peuvent se procurer le nécessaire par le travail. Cette obligation est grave; on ne peut y manquer sans se rendre coupable de péché mortel. C'est l'opinion de saint Alphonse de Liguori, qui regarde son sentiment comme plus commun, sententia communior (2).

Cependant, tandis que la nécessité n'est qu'une nécessité commune, on n'est point obligé de donner aux pauvres tout son superflu; on peut en réserver une partie ou pour des œuvres utiles à la religion, au pays, ou pour augmenter son patrimoine et améliorer sa position et celle de ses enfants; ce qui n'est certainement pas contraire à l'esprit de l'Évangile.

373. Quoique, généralement, on ne puisse déterminer avec précision toute l'étendue des obligations des riches à l'égard des pauvres, nous regardons comme indignes de l'absolution ceux qui, ayant plus qu'il ne leur faut pour conserver leur rang, ne donnent rien aux pauvres, repoussent inhumainement tous les mendiants, ne font point l'aumône à ceux qui ne peuvent vivre qu'avec le secours de la charité. Mais, pour peu qu'ils donnent, il ne faut pas, à notre avis, leur refuser l'absolution, vu la difficulté qu'il y a à donner, sur ce point, une règle générale, fixe et certaine (3). Nous pensons qu'on doit alors se contenter de les engager à faire davantage en leur imposant à titre de pénitence, si d'ailleurs la prudence le permet, l'obligation de faire une aumône particulière, ou tous les jours, ou toutes les semaines, ou tous les mois.

374. On ne doit point faire l'aumône d'un bien mal acquis; il faut le restituer à celui à qui il appartient, à moins qu'à raison de certaines circonstances, la restitution ne puisse se faire à qui de droit.

Celui qui est chargé de dettes ne doit point non plus faire des aumônes qui le mettraient dans l'impuissance de payer intégralcment ses créanciers. Il faut d'abord satisfaire aux devoirs de la justice, qui l'emportent sur les devoirs de la charité.

Généralement parlant, la femme ne peut, du vivant de son mari, disposer au profit des pauvres que des revenus dont elle a la (1) S. Thomas, Sum. part. 2. 2. quæst. 32. art. 6. - (2) Theol. moral. lib. 11. no 32. — (3) Voyez la Théologie morale de S. Alphonse de Liguori, lib. n. no 32.

libre administration, en vertu de ses conventions matrimoniales. Nous disons, généralement; car si son mari est avare et ne donne rien aux pauvres, elle est excusable de prendre sur les revenus des biens de la communauté pour faire quelques légères aumônes, dont le mari ne peut raisonnablement se plaindre. Mais elle doit le faire bien prudemment, de crainte d'occasionner des divisions, des troubles dans la famille. Les enfants peuvent aussi faire quelques légères aumônes en l'absence de leurs parents, lorsqu'ils peuvent raisonnablement présumer leur consentement (1).

ARTICLE V.

De la Correction fraternelle.

375. La correction fraternelle est un acte de charité, une œuvre de miséricorde dans l'ordre spirituel. Elle consiste à reprendre le prochain de ses défauts et de ses péchés, par un motif de charité. La correction fraternelle est de précepte, comme on le voit par l'Évangile. D'ailleurs, ce précepte découle naturellement de l'obligation d'aimer Dieu de tout notre cœur, et d'aimer le prochain comme nous-mêmes.

Le précepte de la correction fraternelle est une loi générale, commune à tous les hommes, et nous oblige à l'égard de tous, même à l'égard de nos supérieurs : « Correctio fraterna, dit saint « Thomas, quæ est actus charitatis, pertinet ad unumquemque « respectu cujuslibet personæ, ad quam charitatem debet habere, «< si in ea aliquid corrigibile inveniatur (2). »« Correctio fraterna « quæ specialiter tendit ad emendationem fratris delinquentis per simplicem admonitionem, pertinet ad quemlibet charitatem ha« bentem, sive sit subditus, sive sit prælatus (3). » Mais il oblige plus spécialement les supérieurs, surtout ceux qui sont chargés de la direction des âmes. Ceux-ci, c'est-à-dire les pasteurs, sont tenus par charité et par justice d'avertir les fidèles des dangers de l'erreur, et de chercher à les corriger. Ils y sont obligés, même au péril de la vie, quand les fidèles se trouvent dans une nécessité extrême ou dans une nécessité grave, comme l'enseigne saint Alphonse de Liguori, d'après saint Thomas (4): « Quod ad episcopos et parochos pertinet, non est dubitandum quin ipsi, tum ex officio, tum ex stipendio quod exigunt, teneantur ab subveniendum

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(1) S. Thomas, Sum. part. 2. 2. quæst. 32. art. 8.—(2) Ibid. quæst. 33. art. 4. — (3) Ibidem, art. 3. — (4) Ibidem, quæst 185. art. 5.

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subditis, ac propterea, ad eos corrigendos, adhuc cum periculo « vitæ, in eorum necessitate, non solum extrema, sed etiam * gravi (1). »

376. Mais ce précepte, quoique toujours obligatoire, n'oblige pas toujours. Pour être tenu de faire la correction fraternelle, il faut le concours de plusieurs circonstances, de plusieurs conditions. La première, c'est que le péché du prochain soit mortel, ou qu'il y ait pour lui danger au moins probable de pécher mortellement. Le péché véniel n'est pas matière nécessaire de la correction fraternelle; à moins qu'il ne soit une disposition prochaine au péché mortel, ou qu'il ne tende à introduire le relâchement dans la discipline d'une communauté religieuse, d'un monastère, d'un séminaire (2).

La seconde condition, c'est que la faute soit certaine. « Prius«< quam interroges, ne vituperes quemquam; et cum interrogave<«< ris, corripe juste (3). » Cependant, dans le doute, si on avait lieu de craindre quelque grand crime, quelque délit public, on devrait faire la correction, en la faisant toutefois le plus prudemment qu'il sera possible. Les supérieurs doivent aussi quelquefois avertir un inférieur, quoiqu'ils ne soient pas assurés de la faute qu'on lui reproche. Mais autre chose est de l'avertir charitablement; autre chose, de le reprendre comme s'il était coupable.

377. Troisièmement, il faut qu'il n'y ait pas d'autres personnes plus capables, ou également capables, qui consentent à faire la correction : « Si alius æque idoneus non adsit qui correpturus pu« tetur, » dit saint Alphonse de Liguori (4).

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Quatrièmement, qu'on puisse espérer que la correction aura son effet. On n'est point obligé de la faire, quand on a sujet de croire qu'elle sera inutile ou nuisible : << Noli arguere derisorem, ne « oderit te; argue sapientem, et diliget te (5). Dans le doute si la correction sera plus utile que nuisible, on est dispensé de la faire, à moins que le coupable ne soit en danger de mort, ou que, par suite de cette omission, il y ait danger pour d'autres de se pervertir (6).

Cinquièmement, que la correction puisse être faite sans quelque grave inconvénient. Ainsi, un simple particulier en est dispensé, lorsqu'il ne peut la faire sans danger pour son honneur, pour ses biens ou pour sa personne. Mais il en serait autrement pour un

(1) Theol. moral. lib. 11. no 40. —(2) S. Alphonse de Liguori, ibid. nos 34, etc. - (3) Eccli. c. 11. v. 7. ·(4) Theol. moral., ibidem, no 39. — (5) Proverb. (6) S. Alphonse de Liguori, Theol. moral. lib. II. no 39.

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c. 9. v. 8.

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