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consommateur de notre foi, fait l'aumône à un pauvre, par ce sentiment de compassion qui nous porte à secourir ceux qui sont dans le besoin; il fait cela, parce que c'est une chose louable de soulager celui qui souffre. Il est évident que cette action est bonne à tous égards, quoiqu'elle n'ait qu'une bonté naturelle. Aussi l'Église à condamné l'erreur de Baïus, qui soutenait que toutes les actions des infidèles étaient des péchés, et que toutes les vertus des philosophes étaient des vices (1).

50. Existe-t-il un précepte qui nous prescrive d'agir en tout par un motif surnaturel ? Cette question n'est point décidée. Mais l'affirmative nous paraît assez fondée, pour ce qui regarde les chrétiens. Suivant l'Apôtre, nous devons faire tout pour la gloire de Dieu : « Omnia in gloriam Dei facite (2). » Or, il nous semble qu'un chrétien ne peut agir pour la gloire de Dieu, à moins qu'il n'agisse au nom de Jésus-Christ, et en union avec lui, conformément à cet autre précepte, promulgué par le même apôtre : « Omne quodcum<< que facitis in verbo aut in opere, omnia in nomine Domini Jesu << Christi (3). » Saint Ambroise ne veut pas qu'on sépare ces deux préceptes: «In duabus epistolis, alibi in nomine Domini Jesu « Christi, alibi in gloriam Dei, facere te præcepit, ut scias cam<< dem esse Patris et Filii gloriam eamdemque virtutem (4). »

51. Cette obligation n'est point trop rigoureuse pour le chrétien; il ne lui en coûte pas plus d'agir d'une manière analógue à sa fin dernière, qui est une fin surnaturelle, que de rapporter ses actions à Dieu par un motif purement naturel. « Il paraît même à « peu près impossible qu'un chrétien fasse une bonne œuvre, sans « que les motifs qui lui sont suggérés par la foi y entrent pour quelque chose (5). »

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52. Quoi qu'il en soit, pour ce qui regarde la pratique, nous dirons à ceux qui sont chargés du ministère pastoral, qu'ils ne sauraient exhorter trop souvent les fidèles à offrir à Dieu, de temps en temps pendant la journée, ou au moins au commencement du jour, toutes leurs actions, leurs travaux et leurs peines; ce qui peut se faire d'une manière générale. C'est le moyen, dit saint Alphonse de Liguori, d'accomplir le précepte de l'Apôtre, et de rendre agréable à Dieu tout ce que nous ferons pendant le jour, même les actes qui sont indifférents de leur nature. « Oportet sæpius in die, «< saltem mane, generaliter offerre Deo omnes actus suos, ut sic (1) Constit. de S. Pie V, de Grégoire XIII et d'Urbain VIII. (2) 1. Corinth, c. 10, v. 31. - (3) Coloss. c. 3. v. 17. - (4) In Luc. lib. ir. no 84. — (5) Bergier, Dict, de théol., au mot Act. hum.

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« adimpleatur præceptum Apostoli, saltem intentione virtuali om« nia faciendi in gloriam Dei. Hoc modo omnis actus etiam indif« ferens in specie fit bonus, et virtuosus in individuo (1). »

53. Ils feront comprendre à leurs paroissiens combien il leur est facile de tout faire au nom de Jésus-Christ, en leur rappelant qu'il suffit pour cela qu'ils fassent, d'une manière générale, l'offrande de leurs actions à Dieu, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, en même temps qu'ils feront sur eux-mêmes, avec un esprit de foi, le signe de la croix, conformément à la pratique reçue dans l'Église. « Finis rectus atque supremus Deus est; Pater « scilicet, et Filius et Spiritus Sanctus (2). »

54. Une action peut être bonne, même d'une bonté surnaturelle, quoique faite dans l'état du péché mortel: telles sont, par exemple, les œuvres par lesquelles le pécheur, aidé de la grâce, se dispose à la justification. Mais une action, quelque bonne qu'elle soit, ne peut être méritoire, d'un mérite proprement dit, de condigno, à moins que celui qui la fait ne soit en état de grâce. « Ra«< dix merendi est charitas, » dit le Docteur angélique (3).

TRAITÉ DE LA CONSCIENCE,

CHAPITRE PREMIER.

Notion de la Conscience et des différentes espèces de Consciences;

55. La loi divine est la règle suprême de nos actions; nos pensées, nos désirs, nos discours, nos actes, tout dans l'homme est soumis au domaine de la loi de Dieu. Mais outre cette règle, qu'on appelle la règle extérieure et éloignée des actes humains, il en est une autre qui en est la règle intérieure et prochaine : c'est la conscience. Les lois ne sont pour nous des règles de conduite que par la conscience, c'est-à-dire par la connaissance que nous en avons. Un acte humain est jugé bon ou mauvais, non suivant son objet matériel, mais suivant l'idée que nous avons de sa bonté ou de sa

(1) S. Alphonse, Theol. moral. de Act. hum. no 44.—(2) Ce sont les paroles de Pierre Lombard, appelé le Maître des sentences, lib. 11. dist. 38.-(3) Sum. part. 2. 2. quæst. 182. art. 2.

malice: «< Actus humanus, dit saint Thomas, judicatur virtuosus vel vitiosus secundum bonum apprehensum, in quod per se vo« luntas fertur, et non secundum materiale objectum actus (1).

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56. On définit la conscience: un jugement pratique, qui prononce sur la bonté ou la malice, sur la licité ou l'illicité de l'acte, que l'on doit faire ou éviter dans la circonstance particulière où l'on se trouve. « Conscientia est judicium seu dictamen practicum <«< rationis, quo judicamus quid hic et nunc agendum ut bonum, « aut vitandum ut malum (2). » On voit par cette définition que la conscience est un jugement, un acte intérieur par lequel on fait l'application de la connaissance qu'on a d'une loi, à un acte particulier qu'il s'agit de faire ou d'éviter présentement, suivant que nous le jugeons bon ou mauvais. « Conscientia nihil aliud est quam applicatio scientiæ ad aliquem specialem actum (3).

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57. D'après cette notion, on comprend qu'il n'est jamais permis d'aller contre le dictamen de sa conscience. Tout ce qui n'est pas selon la foi, dit saint Paul, est péché. « Omne quod non est de fide « peccatum est (4). » On voit, par la lecture du chapitre d'où ce texte est tiré, que le mot fides est pris pour le témoignage de la conscience. Par conséquent, tout acte qui est contraire au jugement intérieur que nous en portons est mauvais, peccatum est. Aussi, comme le dit le quatrième concile de Latran : « Quidquid fit «< contra conscientiam ædificat ad gehennam (5). » En effet, qu'importe que la conscience soit dans l'erreur, et que la chose ne soit pas telle qu'on le pense? on n'est pas moins disposé à désobéir à Dieu, si l'on fait ce que l'on croit être contraire à ses ordonnances. << Omnis voluntas discordans a ratione vel conscientia, sive recta, « sive errante, semper est mala (6).

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58. Mais quel péché commet-on, lorsque, indépendamment de la conscience, la chose au fond n'est pas mauvaise? Celui précisément qu'on croit commettre en agissant contre le témoignage de sa conscience. Si on croit commettre un péché mortel, on pèche mortellement; et si l'on croit ne faire qu'une faute vénielle, on ne pèche que véniellement. Si l'on croit faire une chose mauvaise, sans penser s'il y a faute grave ou faute légère, ce péché ne devrait être regardé que comme véniel; car dans le cas dont il s'agit rien n'annonce de l'affection pour le péché mortel, du moins dans ceux qui (1) Quodlibet. II. art. 7. Conscientia, no 2.. tate, quæst. 17. art. 3.-(4) Rom. c. 14. v. 24.

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(2) S. Alphonse de Liguori, Theol. moral. de Voyez aussi Collet, Bailly, etc. - (3) S. Thomas, de Veri (5) Cap. 13. de Restit. spol.

— (6) S. Thomas, Sum. part. 1. 2. quæst. 19. art. 5,

sont dans la disposition habituelle d'éviter tout ce qui pourrait offenser Dieu mortellement (1).

59. Mais de ce qu'il n'est jamais permis de résister à la voix de sa conscience, il ne s'ensuit pas qu'on doive ni même qu'on puisse toujours suivre ses inspirations. Nous ne devons regarder la conscience comme règle de conduite que quand nous pouvons juger prudemment qu'elle est droite, ou, ce qui revient au même, que quand elle est prudemment formée. Pour agir licitement, dit saint Alphonse de Liguori, il faut avoir une certitude morale de la bonté ou de l'honnêteté de l'acte que l'on fait : « Ad licite operandum requiritur moralis certitudo de honestate actionis (2).

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Aussi, les théologiens distinguent plusieurs espèces de consciences: la conscience droite et la conscience erronée; la conscience scrupuleuse et la conscience relâchée; la conscience certaine et la conscience douteuse; la conscience probable et la conscience improbable.

CHAPITRE II.

De la Conscience droite et de la Conscience erronée.

60. La conscience droite ou vraie est celle dont le jugement est conforme à la vérité, à la loi. Elle sera droite si, par exemple, elle nous dicte qu'il faut éviter le blasphème, le mensonge, le parjure, la fraude. La conscience est erronée ou fausse, quand elle nous représente comme bonne une action qui est mauvaise, ou comme mauvaise une action qui est bonne ou permise. Elle sera erronée, si, par exemple, elle prescrit de mentir pour sauver la vie à son prochain; de faire un moindre mal pour en éviter un plus grand.

61. Il en est de l'erreur de la conscience comme de l'ignorance qui en est le principe; elle est vincible ou invincible. L'erreur est vincible, quand celui qui agit, ayant quelque doute ou quelque soupçon sur la bonté ou la malice de l'acte, et sur l'obligation d'examiner si l'acte est réellement bon ou mauvais, néglige cependant de prendre les moyens nécessaires de s'en assurer. L'erreur est invincible, lorsqu'il ne se présente à l'esprit aucun doute, aucun

(1) Conférences d'Angers, sur les Actes humains, conf. vi, quest. 1. art. 1; Sylvius, Collet, etc. (2) Systema morale, de Conscientia, no 53.

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soupçon sur la nature de l'acte que l'on fait, ni quand on agit, ni quand on pose la cause de l'acte : « Vincibilis est quæ cum debeat « et possit vinci ab operante, vel quia errorem jam advertit, vel << saltem dubitat de errore, advertitque simul ad obligationem illum vincendi, tamen negligit illum vincere. Invincibilis vero est, quæ moraliter vinci nequit, cum nulla cogitatio, nec dubium « erroris venit in mentem operantis, nec etiam in confuso, dum operatur, vel cum actionis causam ponit (1).

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62. Quelquefois la conscience erronée devient perplexè : ce qui a lieu lorsqu'on se croit astreint à deux devoirs opposés; comme, par exemple, de ne pas porter en justice un faux témoignage, et en même temps de sauver la vie à l'accusé. Dans ce cas on croit offenser Dieu, quelque parti que l'on prenne.

63. Quand la conscience est droite, elle est par là même la règle naturelle des actes humains. On doit la suivre en tout, soit en faisant ce qu'elle commande, soit en s'abstenant de ce qu'elle condamne, soit en respectant ce qu'elle conseille comme moyen de perfection. On n'est pas obligé de suivre les inspirations de la conscience quand elles n'ont pour objet qu'un conseil évangélique; mais on ne doit jamais les mépriser : « Qui consilium præterit, non peccat (2).

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64. On peut suivre aussi la conscience dont l'erreur est invincible; on y est même obligé, ou en faisant ce qu'elle nous représente comme étant prescrit par la loi divine, ou en omettant ce qu'elle juge contraire à cette loi. Il n'est jamais permis d'agir contre le dictamen de sa conscience. D'un autre côté, l'erreur dont il s'agit est moralement invincible; il faut donc de toute nécessité suivre le témoignage d'une conscience invinciblement erronée, toutes les fois qu'il s'agit d'une chose que l'on croit prescrite ou condamnée par la morale : « Conscientia recta per se ligat, erronea autem per « accidens (3).

65. Non-seulement on ne pèche point en suivant une conscience dont l'erreur est invincible; mais il est même assez probable que celui qui fait une chose précisément parce qu'il la croit commandée de Dieu, fait un acte méritoire, non évidemment à raison de l'objet matériel, mais par les dispositions de la volonté de laquelle dépend principalement la malice ou le mérite de nos actions. «< Non

(1) S. Alphonse de Liguori, de Conscientia, no 3. (2) S. Thomas, de Veritate, quæst. 17. art. 4. — (3) Ibidem. — Collet, Báilly, de Conscientia, etc.

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