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contracté l'obligation du précepte, il peut jouir de la liberté dont il est en possession. Mais si un vieillard doute qu'il ait accompli l'àge d'après lequel on est dispensé du jeûne, il est obligé de jeûner, parce que c'est la loi du jeûne qui possède (1). De même, celui qui doute le jeudi que minuit soit sonné, sans pouvoir déposer son doute, peut manger de la viande. Mais c'est le contraire si le doute lui vient le samedi ; car alors c'est la loi de l'abstinence qui est on possession: «< Melior est conditio possidentis (2).

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88. Le troisième principe, c'est qu'un fait ne se présume point; il doit être prouvé: « Factum non præsumitur, nisi probetur. >> Ainsi, dans le doute, personne ne doit croire qu'il ait encouru la peine, s'il n'est pas sûr d'avoir commis la faute à laquelle la peine est infligée. Mais une chose est présumée faite, quand elle devait être faite de droit : « Præsumitur factum, quod de jure faciendum «< erat. » C'est pourquoi, si l'on doute qu'une action ait été faite comme elle devait l'être, on doit présumer qu'elle a été bien faite. Quand on doute, par exemple, si une loi qui est juste a été reçue ou non, on doit présumer qu'elle l'a été. Enfin, il faut tenir pour la validité d'un acte, jusqu'à preuve du contraire: «Standum est << pro valore actus, donec non constet de ejus nullitate. » Par conséquent, dans le doute si un mariage, un contrat, un vou, une confession sont valides, on doit les présumer valides, tant que leur nullité n'est pas constante (3).

Tels sont les principes réflexes par le moyen desquels on peut, dans le doute, former sa conscience sur la licité ou l'illicité de nos actions.

CHAPITRE V.

De la Conscience probable et de la Conscience improbable.

89. La conscience probable est celle qui, suivant une opinion probable, nous représente une action comme permise; la conscience improbable est ainsi appelée, parce qu'elle est fondée sur une opinion qui n'est point probable.

(1) S. Alphonse de Liguori regarde comme probable l'opinion qui dispense du jeûne celui qui a soixante ans. Theol. moral., lib. 1. Tract. vi. n° 1036. (2) S. Liguori, de Conscientia, no 27. — (3) Le même docteur, de Conscientia, n° 26; Guide du Confesseur des gens de la campagne, ch. 1. no 13.

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On distingue l'opinion faiblement probable, l'opinion probable, l'opinion plus probable, très-probable, et l'opinion moralement certaine. L'opinion faiblement probable est celle qui s'appuie sur des motifs insuffisants pour attirer l'assentiment d'un homme prudent: «< Opinio tenuiter probabilis est quæ aliquo fundamento nititur, sed non tali ut valeat assensum viri prudentis ad se tra« here (1). » L'opinion probable est celle qui a pour elle des raisons assez fortes ou des autorités assez graves pour former le jugement d'un homme prudent; le motif qui rend une opinion probable ne peut produire une certitude morale; celui qui agit d'après cette opinion conservé encore la crainte de se tromper: « Opinio proba« bilis est quæ gravi fundamento nititur vel intrinseco rationis, vel << extrinseco auctoritatis quod valet ad se trahere assensum viri «< prudentis, etsi cum formidine oppositi (2). » L'opinion plus probable est celle qui, sans exclure toute crainte, repose sur un motif plus grave que l'opinion contraire, qui est par là même moins probable : « Probabilior est quæ nititur fundamento graviori, sed <«<etiam cum prudenti formidine oppositi, ita ut contraria etiam << probabilis censeatur (3). » L'opinion très-probable, beaucoup ou certainement plus probable, est celle qui a pour fondement des motifs si forts et si solides, que l'opinion contraire n'est plus qué légèrement ou douteusement probable: «Probabilissima est quæ «< nititur fundamento gravissimo; quapropter opposita censetur te« nuiter vel dubie probabilis (4). » L'opinion moralement certaine est celle qui exclut tout doute fondé, toute crainté raisonnable, sorte que l'opinion contraire est tout à fait improbable : « Opinio «< seu sententia moraliter certa est quæ omnem prudentem formidi<< nem falsitatis excludit, ita ut opposita reputetur omnino impro« babilis (5). ›

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90. Une opinion n'est vraiment probable que lorsque les raisons ou les autorités qu'on peut alléguer en faveur de cette opinion sont généralement jugées assez fortes ou assez graves pour déterminer un homme prudent. Le saint-siége a condamné la proposition suivante, par laquelle on avançait que l'opinion d'un docteur moderne doit être réputée probable, tandis qu'il n'est point constant qu'elle ait été rejetée par le siége apostolique comme improbable. << Si liber sit alicujus junioris et moderni, débet opinio censeri probabilis, dummodo non constet rejectam esse a sede apostolica

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(1) S. Liguori, de Conscientia, no 40. — (2) Ibid. — (3) Ibid. (5) Ibid.

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« tanquam improbabilem (1). » Une opinion ne devient pas probable pour avoir été soutenue témérairement par un et même par plusieurs théologiens, contrairement à ce qui est généralement reçu dans l'Église : « Qui assentit, dit saint Thomas, opinioni alicujus « magistri contra id quod publice tenetur secundum Ecclesiæ auctoritatem, non potest ab erroris vitio excusari (2). »

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91. Il n'est pas permis de suivre une opinion faiblement probable, qui est pour la liberté, contre celle qui est certainement ou notablement plus probable. Innocent X a condamné cette proposition : « Generatim, dum probabilitate sive intrinseca, sive ex«trinseca, quantumvis tenui, modo a probabilitatis finibus non « exeatur, confisi aliquid agimus, semper prudenter agimus (3). » Quand l'opinion qui est pour la loi est certainement et par là même notablement plus probable que l'opinion qui est pour la liberté, celle-ci n'est que faiblement et douteusement probable, et ne peut par conséquent être suivie sans qu'il y ait danger de transgresser la loi de Dieu.

92. Il est d'ailleurs plusieurs cas où il n'est pas même permis de suivre une opinion vraiment probable, en s'écartant du parti le plus sûr. Premièrement, en matière de foi, et dans les choses nécessaires de nécessité de moyen, on ne peut en conscience suivre l'opinion moins probable et moins sûre. Le saint-siége a censuré la proposition contraire, ainsi conçue: «Ab infidelitate excusabitur « infidelis non credens, ductus opinione minus probabili (4). » Il ne serait pas même permis, dans le cas dont il s'agit, de suivre une opinion plus probable, de préférence à l'opinion plus sûre: « Neque << probabiliorem,» ajoute saint Alphonse de Liguori (5).

Secondement, on ne doit point mettre en pratique une opinion probable et moins sûre, quand il s'agit de la validité d'un sacrement. C'est encore la décision du saint-siége, qui à condamné cette proposition: «Non est illicitum in sacramentis conferendis uti opi« nione probabili de valore sacramenti, relicta tutiore (6). » On ne doit pas même suivre l'opinion moins sûre, fût-elle plus probable, très-probable, du moins pour ce qui regarde le sacrement de Baptême et les ordres sacrés. Une opinion, quelque probable qu'elle soit, ne peut assurer la validité d'un sacrement.

93. Nous devons cependant remarquer ici que dans deux cas particuliers on peut se servir d'une opinion probable, même à

(1) Décret d'Innocent XI, de 1679.—(2) Quodlibet. . quæst. 10.- (3) Innocent XI, décret de 1679.—(4) Ibidem. (5) De Conscientia, no 43. —(6) Décret d'Innocent XI, de 1679.

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l'égard de la validité des sacrements. Le premier cas est celui d'une nécessité extrême, absolue. Alors il est permis de s'arrêter à une opinion probable, et même faiblement, très-faiblement probable, les hommes n'étant point pour les sacrements, mais les sacrements étant pour les hommes sacramenta propter homines. Mais alors on doit conférer le sacrement sous condition.

94. Lc second cas a lieu quand on présume que l'Église supplée à ce qui peut manquer à la validité du sacrement: ce qui arrive, comme l'enseignent Suarez, Lessius, De Lugo, et plusieurs autres théologiens, pour les sacrements de Mariage et de Pénitence. Ainsi, quand on contracte un mariage dont la validité est probable, on présume que l'Église lève l'empêchement, s'il existe, et complète la certitude de la validité du contrat. On suppose qu'il s'agit d'empêchements établis par l'Église. Quant à la Pénitence, si l'opinion probable est que le confesseur a le pouvoir de l'administrer, l'Église supplée la juridiction en la conférant au confesseur qui ne l'aurait pas. Mais tout cela doit s'entendre des cas de grave nécessité, ou au moins d'une utilité majeure, suivant les restrictions émises par Suarez et par d'autres docteurs, notamment par saint Alphonse de Liguori (1).

95. Troisièmement, un juge, un notaire, un médecin ne doit pas se contenter d'une simple probabilité dans l'exercice de ses fonctions: il est tenu, en vertu des engagements qu'il a contractés, de choisir entre deux moyens celui qui lui paraît le plus sûr, c'està-dire, le plus conforme aux intérêts qui lui sont confiés. Pour ce qui regarde le juge, Rome a censuré cette proposition par laquelle on avait osé soutenir qu'un juge peut prononcer d'après l'opinion la moins probable: «Probabiliter existimo judicem posse judicare « juxta opinionem etiam minus probabilem (2).

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96. Quatrièmement, on doit encore prendre le parti le plus sûr, lorsqu'il s'agit de faire un acte périlleux pour le prochain; tel est, par exemple, le cas d'un chasseur qui a lieu de craindre qu'en déchargeant son coup sur une pièce de gibier, il n'atteigne une personne. Il ne lui est pas permis de tirer, quand même il y aurait plus de probabilité d'un côté que d'un autre. En cas d'erreur, l'opinion la plus probable, fût-elle très-probable, n'arrêterait point le coup qui pourrait être mortel. Enfin, dans un doute de fait, on est plus ou moins strictement obligé de suivre le parti le plus sûr, lors

(1) Instruct. prat. pour les Confesseurs, de la Conscience, no 25. — (2) Décret d'Innocent XI, de l'an 1679.

qu'on ne peut s'en écarter sans scandale, ou sans danger de scandaliser les fidèles.

97. Mais ces cas d'exception admis, nous disons qu'il est permis de suivre une opinion très-probable, quoique l'opinion contraire soit plus sûre. C'est une conséquence de la condamnation de cette proposition par le pape Alexandre VIII : « Non licet sequi opinio« nem vel inter probabiles probabilissimam (1). » L'opinion moins sùre étant très-probable, l'opinion contraire ne peut être que faiblement probable; elle ne doit point par conséquent restreindre l'exercice de notre liberté (2).

98. De même, quand les deux opinions contradictoires sont également ou à peu près également probables, on peut, suivant saint Alphonse, suivre l'opinion la moins sûre. Dans le doute on n'est pas tenu de prendre le parti le plus sûr, soit parce qu'une loi douteuse, n'étant fondée que sur une opinion, n'est pas suffisamment promulguée pour être obligatoire, soit parce que l'homme demeure en possession de la liberté, dont l'exercice ne peut être gêné que par une loi claire et certaine : « Nullus ligatur per præceptum aliquod, «< nisi mediante scientia illius præcepti, » dit saint Thomas (3). Or, quand les deux opinions contradictoires sont également ou à peu près également probables, il y a nécessairement doute, doute positif, sur l'existence ou la promulgation ou l'application de la loi. Qu'une opinion soit ou paraisse plus probable, si elle n'est que faiblement plus probable, le doute n'en est pas moins réel; en morale, le peu ne fait pas compte : « Parum pro nihilo reputatur. » Il est donc permis de suivre une opinion moins sûre mais probable, de préférence à l'opinion plus sûre, qui est également ou à peu près également probable, pourvu qu'au moyen de quelque principe réflexe, on forme prudemment sa conscience sur la licité de ses actes (4).

99. Dans le doute, il y aurait des inconvénients à présenter aux fidèles le parti le plus sûr comme obligatoire. «Je resterai fermement persuadé, disait saint Alphonse de Liguori, qu'on ne doit point contraindre les consciences à suivre l'opinion plus sûre, quand

(1) Décret de l'an 1690. (2) Voyez Billuart, Collet, le P. Antoine, Bailly, Mgr Bouvier, les Théologies de Poitiers et de Toulouse, les Conférences d'Angers, etc., etc. (3) Voyez plus haut le no 84, etc.

(4) Voyez plus haut le n° 79, etc. - Voyez S. Alphonse de Liguori, de Conscientia, Morale systema; Dissertations sur l'usage des opinions probables; voyez aussi la Justification et les Lettres que nous avons publiées à Besançon, sur la doctrine de ce saint docteur.

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