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qu'il possède injustement. Les perquisitions seront plus ou moins soigneuses ou multipliées, suivant le plus ou moins d'importance de la chose qu'on doit restituer.

1030. Pour ce qui regarde le lieu où la restitution doit se faire, il faut distinguer entre le possesseur de bonne foi et celui de mauvaise foi. Le premier satisfait à son obligation, en prévenant le maitre de la chose qu'elle est à sa disposition, qu'il peut la faire prendre quand il voudra; les frais de transport sont à la charge du maître. Si, au contraire, le possesseur est de mauvaise foi, les frais qu'entraîne la restitution sont à sa charge; s'il lui en coûte pour faire arriver la chose au domicile du maître, il doit se l'imputer à lui-même. Mais si les frais de transport étaient extraordinaires, serait-il obligé de les supporter en entier ? Les uns veulent qu'il les paye en entier, quel qu'en soit le montant; d'autres l'obligent seulement à les payer jusqu'à la concurrence de la valeur de la chose qu'il doit restituer; d'autres enfin, dont l'opinion parait la plus accréditée, pensent qu'il est obligé à faire parvenir la chose à son maitre, lors même que les frais de transport en surpasseraient la valeur du double; ajoutant que si les dépenses étaient plus fortes, on pourrait restituer aux pauvres (1). Il nous semble que, dans le cas où les frais de transport seraient, au jugement d'un homme prudent, excessifs ou trop considérables, eu égard surtout à la nature de la chose, il serait plus simple d'envoyer au maître le prix de cette chose, avec la somme des dommages-intérêts qui peuvent lui être dus. Le maître étant suffisamment dédommagé, ne peut raisonnablement trouver mauvais que le possesseur ait pris le moyen le plus facile et le moins dispendieux. Mais il faut nécessairement que la somme parvienne à sa destination. Si elle se perd en route, de quelque manière que la perte arrive, le possesseur de mauvaise foi demeure grevé de l'obligation de restituer, comme s'il n'avait rien fait. On excepte le cas où la somme aurait été remise à une personne désignée par le maître.

1031. Relativement à l'ordre qu'il faut suivre pour la restitution, il ne peut y avoir de difficulté que dans le cas où l'on ne peut satisfaire à toutes ses obligations. Nous distinguons la restitution du payement: la restitution a pour objet de rendre le bien d'autrui qu'on possède injustement, ou de réparer le tort qu'on a fait au prochain; tandis que, par le payement, nous nous acquittons des dettes que nous avons contractées en vertu de quelques conventions

(1) S. Alphonse de Liguori, lib. I. no 598.

expresses ou tacites: de là la distinction des dettes ex delicto, et des dettes ex contractu. On distingue aussi les créances privilégiées, les créances hypothécaires et les créances personnelles, qui sont chirographaires ou simplement verbales; les dettes à titre onéreux et les dettes à titre gratuit; les dettes certaines et les dettes incertaines. 1032. Or, nous disons: 1° que celui qui possède injustement ou sans titre le bien d'autrui, qui est encore en nature, doit d'abord le rendre à son maître, avant de payer toute autre dette. 2o Que les créanciers privilégiés ont droit d'être préférés aux autres créanciers même hypothécaires, suivant l'ordre déterminé par la loi (1). 3° Que les créanciers privilégiés étant payés, l'hypothèque donne au créancier un droit réel sur les immeubles affectés au payement de ce qui lui est dû (2). 4o Que le débiteur ne peut, sans injustice, recourir ni à la violence, ni aux menaces, ni à la fraude, pour éluder le droit de préférence que confère le privilége ou l'hypothèque. 5° Que, pour ce qui regarde les autres créanciers, les dettes à titre onéreux doivent être payées avant les dettes à titre gratuit; parce que l'engagement qui constitue ces dernières renferme toujours cette condition tacite deducto ære alieno (3). 6o Que le sentiment le plus commun, le plus conforme à l'équité (4), place sur le même rang les dettes qui proviennent d'un délit, et les dettes à titre onéreux qui proviennent d'un contrat; toutes ces dettes doivent être payées proportionnellement et sans distinction. 7° Qu'on peut, sans y être obligé, faire passer les dettes certaines dont les créanciers sont connus, avant celles dont on ne peut découvrir les créanciers (5): il nous paraît naturel qu'un débiteur qui ne peut remplir tous ses engagements, paye ceux de ses créanciers qui sont en voie de réclamation, de préférence à ceux qu'il ne connaît point. Quant à celles des dettes incertaines qu'on doit acquitter au prorata du doute, nous regardons comme plus probable qu'elles doivent être mises au même rang que les dettes certaines.

1033. Un débiteur qui n'a pas payé toutes ses dettes, peut-il payer un ou plusieurs de ses créanciers de préférence aux autres? On suppose qu'il n'existe ni privilége ni hypothèque en faveur d'aucun de ses créanciers. Nous distinguons entre le débiteur qui est en état de faillite, et celui qui n'y est pas. Si le débiteur est en état de

(1) Voyez, ci-dessus, le n° 910. — (2) Voyez le no 915. (3) S. Liguori, Navarre, de Lugo, Sylvius, etc,, etc. (4) S. Liguori, de Lugo, Lessius, Laymann, etc. (5) Voyez S. Alphonse de Liguori, lib. ш. no 688; les Conférences d'Angers, sur les Restitutions, conf. v, édit. de Besançon, etc.

faillite, il est dessaisi, de plein droit, de l'administration de tous ses biens, à compter du jour de la faillite (1); et les actes ou payements faits en fraude des créanciers sont nuls (2). Il ne peut donc, sans injustice, payer un créancier au préjudice des autres. Si le débiteur n'est pas en état de faillite, nous dirons: 1° qu'il peut payer un créancier de préférence aux autres, si, à sa demande, il est forcé de le payer, ou même s'il a lieu de craindre d'y être forcé par le tribunal: on en convient généralement. 2o Qu'il en est probablement de même pour le cas où le créancier dont la créance est échue, demanderait simplement à être payé (3). 3o Qu'il est encore probable, à notre avis, qu'un débiteur peut même offrir le payement d'une dette échue, s'il croit pouvoir payer plus tard les autres dettes, quand on lui en demandera le payement. Dans ces différents cas, le créancier pourra retenir toute la somme qu'il aura reçue en payement. 4o Que celui qui ne croit pas pouvoir payer toutes ses dettes, ni présentement, ni à l'avenir, ne peut, de luimême et sans y être sollicité, payer un de ses créanciers au préjudice des autres; la bonne foi seule pourrait l'excuser: car tous les créanciers dont il s'agit ont un droit égal et proportionnel sur les biens qui restent à leur débiteur. Le créancier ne peut donc, au for intérieur, retenir la totalité de la somme qui lui a été payée dans le dernier cas; c'est le sentiment le plus commun, le plus équitable évidemment (4).

CHAPITRE XXXI.

Des Causes qui suspendent ou font cesser l'obligation de restituer.

1034. Il y a plusieurs causes pour lesquelles on peut en conscience différer ou s'exempter de restituer, soit qu'on y soit obligé à cause d'un contrat légitime, soit qu'on y soit obligé à cause d'un délit. Entre ces causes, il y en a qui ne font que suspendre pour un temps l'obligation de restituer; d'autres éteignent entièrement cette obligation.

(1) Code de commerce, art. 442. (2) Ibid. art. 447.-(3) S. Alphonse, lib. m. no 692; Navarre, Sylvius, Billuart, le Rédacteur des Conférences d'Angers, etc. – (4) Billuart, et alii communiter.

ARTICLE I.

Des Causes qui suspendent l'obligation de restituer.

1035. La première de ces causes est l'impuissance de la part du débiteur. On distingue l'impuissance physique ou absolue, et l'impuissance morale: l'impuissance physique est celle où se trouve celui qui n'a rien. L'impuissance morale consiste dans une grande difficulté de restituer: elle a lieu quand on ne peut restituer sans se réduire à la misère, sans perdre son honneur, ou sans déchoir de son état. L'impuissance morale ne consiste pas dans un point indivisible, elle a plus ou moins d'étendue, suivant les circonstances; elle se mesure principalement sur la qualité du débiteur et sur celle du créancier. On distingue aussi, sur cette matière, la nécessité extrême et la nécessité grave, dont nous avons parlé plus haut (1).

1036. Or, 1o l'impuissance absolue dispense de l'obligation de restituer: personne n'est obligé à l'impossible. 2o Il en est de mème pour le cas où l'on ne peut restituer sans tomber dans une extrême nécessité: on peut alors retenir ce qui est nécessaire pour se soustraire au danger de mort; à moins toutefois que le délai de la restitution ne doive jeter le créancier dans la même nécessité. C'est une règle générale, que la nécessité soit extrême ou non : la crainte des inconvénients, quelque graves qu'ils soient, n'autorise point un débiteur à différer la restitution, quand on a lieu de craindre, à raison du délai, les mêmes inconvénients pour le créancier; on doit préférer la condition de celui qui possède ou qui a droit de posséder : « In pari causa melior est conditio possidentis. » 3o L'impuissance morale suspend l'obligation de restituer, quand on ne peut le faire présentement, sans éprouver une perte considérable dans ses biens; mais il en serait autrement, si cette perte ou ce dommage ne consistait que dans la privation des choses volées ou retenues sans titre légitime; car, en les restituant, on retombe simplement dans l'état où l'on se trouvait avant que de s'en être emparé injustement. La privation d'un gain ne serait point non plus une raison suffisante de différer la restitution, à moins que le retard ne dût causer aucun préjudice au créancier. 4o La nécessité

(1) Voyez le n° 368.

grave excuse aussi celui qui, en restituant, s'exposerait au danger de déchoir de son état, d'une condition justement acquise; mais s'il ne s'est procuré sa position que par des injustices, la crainte, quelque fondée qu'elle fût, de descendre dans une condition inférieure, ne l'autoriserait point à différer la restitution. En tout cas, il est obligé de retrancher toutes les dépenses superflues, et de se réduire au plus strict nécessaire, eu égard à son rang, afin de pouvoir, par ses économies, arriver peu à peu à un entier payement de ce qu'il doit. 5° Elle excuse également celui qui ne peut restituer sans perdre son honneur, sa réputation; à moins que, tout considéré, cette perte ne soit un moindre inconvénient que le dommage qui doit résulter du retard pour le créancier : « Nisi jactura famæ, dit saint Alphonse, sit minima respectu damni in bonis « creditoris (1). » 6o Enfin, l'on peut différer de payer ses dettes, quand on ne peut les payer sans exposer sa famille au danger de tomber dans quelque grand désordre: «Ut, v. g. si sit periculum « ne uxor aut filiæ se prostituant, ne filii se dent latrociniis (2).

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1037. Nous ferons remarquer que celui qui ne peut restituer présentement, doit avoir la volonté de le faire aussitôt qu'il le pourra ; et que s'il peut restituer en partie, il doit faire cette restitution sans différer. Mais celui qui a différé de restituer parce qu'il n'a pu faire autrement, se trouvant dans une impossibilité physique ou morale, est-il obligé de réparer le dommage, damnum emergens, lucrum cessans, que son retard a causé à ses créanciers? Il y est certainement tenu, si l'obligation de restituer provient d'un délit: en faisant une injustice, on devient responsable de ses suites. Il en serait autrement, si la dette provenait d'un contrat ; cependant, s'il était convenu de payer les intérêts de la somme qu'il doit, il ne nous paraitrait pas déchargé de cette obligation, à moins qu'il ne pût rembourser que le capital.

1038. Outre l'impuissance ou la nécessité où se trouve le débiteur, il est une autre cause qui suspend l'obligation de restituer; elle se tire du côté du créancier : c'est la crainte bien fondée que le maître de la chose n'en abuse à son détriment ou au détriment d'un tiers; la certitude morale qu'il ne s'en servira que pour se livrer à quelque grand désordre, ou pour nuire notablement au prochain: «Quando res restituenda, dit saint Thomas, apparet esse graviter nociva ei cui restitutio facienda est, vel alteri, non ei << debet tunc restitui, quia restitutio ordinatur ad utilitatem ejus

"

(1) S. Alphonse de Liguori, lib. m. no 698. — (2) Ibidem.

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