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compris assez facilement, eu égard soit à l'usage du pays, soit aux circonstances du temps, du lieu, de la personne qui interroge ou de celle qui répond. Ainsi, par exemple, un pauvre vous demande l'aumône, vous lui dites que vous n'avez pas de monnaie, quoique vous en ayez réellement; vous ne mentez point; le pauvre comprend lui-même, par la circonstance, que vous n'avez pas de monnaie que vous puissiez lui donner. On demande à un domestique si son maître est chez lui ; il répond qu'il n'y est pas. Cette réponse, d'après l'usage, ne signifie pas toujours que le maître est sorti de sa maison, mais qu'il ne reçoit pas en ce moment, qu'il n'est pas visible; on n'y est trompé que lorsqu'on ignore les usages du monde. Vous avez à dîner un étranger; vous lui demandez s'il trouve bonne la nourriture que vous lui servez; il vous répond hardiment qu'il la trouve très-bonne, délicieuse, quoique cependant elle ne soit pas de son goût. Est-ce un mensonge de sa part? Non, évidemment : car vous comprenez que, dans cette circonstance, on ne répond pas autrement. On a la témérité d'interroger un prêtre sur une chose qu'il ne sait que par la voie de la confession : mentira-t-il en répondant qu'il ne sait rien? Non; car on doit savoir qu'il est obligé, par toutes les lois, de répondre comme s'il ne savait absolument rien. Nous ajouterons que celui qui sait une chose sous le sceau du secret, peut dire qu'il l'ignore; comme Jésus-Christ dit, au sujet du jugement dernier : Personne n'en connaît le jour ni l'heure, pas même le Fils de l'homme; « De die autem illo et hora nemo scit, neque angeli in cœlo, neque Filius, nisi Pater (1). » Par ces paroles, dit Bergier, le Sauveur voulait réprimer la curiosité indiscrète de ses disciples, en leur faisant entendre qu'il n'était pas à propos qu'il leur révélât ce secret. Sa réponse a le même sens que celle d'un père qui dit à un enfant trop curieux : Je n'en sais rien (2). Il est encore d'autres manières de répondre plus ou moins équivoques, dont le sens peut se déterminer facilement avec un peu d'attention : il est permis d'en user, pourvu qu'on n'ait pas l'intention de tromper, mais seulement de tenir secrètes certaines choses qu'on ne peut faire connaître sans compromettre les intérêts d'une famille, ou d'un tiers, ou ses propres intérêts. Si la personne qui interroge se trompe en donnant à la réponse plus de portée qu'elle n'en a, elle doit l'attribuer à son inadvertance, ou à son ignorance, ou à son défaut d'usage, ou à l'indiscrétion qu'elle a commise en cherchant à extorquer un secret.

(1) Marc. c. 13. v. 32.— (2) Dict. de Théologie, au mot Agnoëtes. Voyez aussi S. Alphonse de Liguori, lib. I. n° 152 et 970.

CHAPITRE II.

Du faux Témoignage.

1049. On distingue le faux témoignage public et le faux témoignage particulier : le premier est la déposition qu'on fait en justice contre la vérité, après avoir prêté le serment qu'on a coutume d'exiger des témoins; le second se confond avec le mensonge, dont nous venons de parler, ou avec la calomnie, dont nous parlerons plus bas. Il s'agit ici du faux témoignage public. Or, ce faux témoignage est un péché mortel, dont l'absolution est réservée à l'évêque dans plusieurs diocèses; il renferme le parjure, qui n'admet pas de légèreté de matière. Quiconque s'est rendu coupable de faux témoignage est tenu, par justice, de réparer le dommage qu'il a causé, soit dans la réputation, soit dans les biens de la personne contre laquelle il a déposé. Il est même obligé de se rétracter le plus tôt possible, à ses risques et périls, s'il ne peut autrement réparer le tort qu'il a fait, lorsqu'il a d'ailleurs lieu d'espérer de délivrer l'accusé par sa rétractation; car, toutes choses égales, la condition de l'innocent doit être préférée à celle du coupable : « In pari causa me<«< lior est conditio innocentis. » Celui qui, par sa faute, a exposé son prochain au danger de périr, est tenu de pourvoir à la sûreté de celui qu'il a compromis, plutôt qu'à la sienne propre; et celui qui a fait injustement un acte qui tend à porter un dommage à quelqu'un, doit lui-même supporter ce dommage pour en délivrer l'autre. Ce que nous disons du faux témoin s'applique à ceux qui ont coopéré efficacement au dommage, en engageant quelqu'un à porter un faux témoignage.

1050. Mais si le faux témoignage avait été porté de bonne foi, par suite d'une erreur nullement criminelle, le dommage qui en résulterait ne serait point imputable à celui qui aurait rendu ce faux témoignage. Cependant si, étant mieux informé, il pouvait, sans grave inconvénient, prévenir le dommage en se rétractant, il serait obligé de le faire, par charité de l'aveu de tous; et même par justice, suivant le sentiment le plus probable (1).

(1) Voyez le n° 954.

Pour ce qui regarde les témoins en général, ceux qui sont cités en justice afin de rendre témoignage pour ou contre quelqu'un sont obligés d'obéir, de comparaître, et de répondre au juge qui les interroge, à moins qu'ils ne soient empêchés ou dispensés pour cause légitime. Cependant, quoiqu'ils pèchent en refusant de déposer, il nous paraît bien probable qu'ils ne sont point obligés de réparer le dommage qui résulte de ce refus pour les parties intéressées (1).

1051. Sont dispensés de déposer: 1° le confesseur qui ne connaît que par la confession le crime ou délit dont le prévenu est accusé; le sceau de la confession est inviolable, lors même qu'il s'agirait d'un crime de lèse-majesté. 2o Les ascendants et descendants, les frères et sœurs des coupables, ainsi que les alliés aux mêmes degrés (2). 3o Les personnes qui sont, par état ou profession, dépositaires des secrets qu'on leur confie: tels sont les médecins, les chirurgiens et autres officiers de santé, les pharmaciens et les sagesfemmes, les avocats et les conseillers, qui ont reçu, sous le sceau du secret, les confidences des coupables; ils ne peuvent les révéler à la justice, sauf le cas où il s'agit d'un crime de lèse-majesté ou de tout autre crime projeté contre la sûreté de l'État (3). 4° Les évêques, les curés et desservants, pour ce qui regarde les confidences et révélations qui leur ont été faites dans l'exercice de la juridiction ecclésiastique, du ministère pastoral, même hors du tribunal de la pénitence: autrement, un évêque, un pasteur ne pourrait plus exercer efficacement l'autorité toute paternelle qu'il a sur ses inférieurs dans l'ordre moral et spirituel (4). 5° Ceux enfin qui ont promis le secret d'une manière plus ou moins explicite aux coupables qui leur demandaient des avis et des conseils : « Servare fidem est de jure « naturali, dit saint Thomas; nihil autem potest præcipi homini « contra id quod est de jure naturali (5). » C'est aussi la doctrine de saint Liguori: « Si secretum sit tibi commissum, et alias non publicatum, teneris servare etiam legitime interrogatus, et potes respondere te nihil scire scilicet ad revelandum, quia judex nequit abrogare jus naturæ ex quo servandum est secretum commis« sum (6). » Mais on excepte, ainsi que l'enseignent ces deux célèbres docteurs (7), le cas où le bien général exigerait qu'on révélât le

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(1) S. Alphonse de Liguori, lib. iv. no 270; de Lugo, Lessius, etc. - Voyez, ci-dessus, le n° 968.—(2) Code pénal, art. 107 et 137; et Code d'instruct. criminelle, art. 322. (3) Voyez le Code pénal, art. 103, 104, 136 et 378. (4) Arrêt de la cour royale d'Angers, de l'an 1841, contre la décision du tribunal civil de la même ville. · (5) Sum. part. 2. 2. quæst. 70. art. 1.— (6) Lib. III, n° 970.- (7) Ibidem.

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secret qui nous a été confié. S'il arrivait que celui qui est dispensé de déposer fût interrogé, il pourrait refuser de répondre, ou répondre simplement qu'il ne sait rien; car il ne sait rien qu'il puisse révéler à la justice (1).

1052. L'accusé qui est coupable du crime qu'on lui impute, est-il obligé de l'avouer au juge qui l'interroge? Nous répondons: 1o que l'accusé ne peut jamais, en aucun cas, mentir à celui qui l'interroge, lors même que l'interrogation serait irrégulière de la part du juge, ou que la loi qu'on invoque contre lui serait évidemment injuste: « Si judex hoc exquirat quod non potest secundum ordi« nem juris, dit saint Thomas, non tenetur ei accusatus respondere; << sed potest vel per appellationem vel aliter licite subterfugere. << Mendacium tamen dicere non licet (2). » 2° Que l'accusé doit faire l'aveu de son crime au juge qui l'interroge juridiquement, lorsqu'il n'espère plus pouvoir se sauver par son silence. 3° Qu'il est encore obligé de faire l'aveu de sa faute, ou du moins de faire connaître ses complices, quand il s'agit d'un complot formé ou d'un crime projeté contre la sûreté de l'État, si d'ailleurs ses révélations sont nécessaires pour prévenir quelque grand malheur. 4° Que, hors les cas dont nous venons de parler, il est assez probable que celui qui est coupable d'un crime entrainant une peine capitale, ou considérable, n'est point tenu de l'avouer, s'il craint que son aveu ne lui devienne fatal: il peut taire la vérité sans se rendre coupable de mensonge, et il serait trop dur de l'obliger à fournir lui-même la preuve de sa culpabilité (3). Au reste, on convient assez généralement que le confesseur doit, à cet égard, laisser l'accusé dans la bonne foi, si on n'a pas lieu d'espérer de l'amener à faire l'aveu de son crime : « Omnes conveniunt, dit saint Alphonse, ad dicendum quod si reus sit in bona fide, et censeatur quod difficile inducetur ad fatendum «< crimen interrogatus a judice, confessarius in sua bona fide eum relinquere debet (4). » 5o Qu'après le jugement rendu, l'accusé, condamné ou non, n'est point tenu d'avouer sa faute : « Post sen<< tentiam latam reus non tenetur confiteri crimen quod ante injuste « negavit; quia finito judicio, finitur obligatio rei (5). Mais celui qui est absous par les hommes n'est pas pour cela dispensé de réparer le tort qu'il a fait au prochain; et quoiqu'on puisse absoudre

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(1) Voyez le n° 1048. — (2) Sum. part. 2. 2. (3) Voyez S. Liguori, lib. iv, n° 274; Mgr Bouvier, etc.—(4) Lib. iv. n° 274; Mgr Bouvier, de Decalogo, cap. VI. art. 3; Sanchez, etc. (5) S. Alphonse, ibidem; Mgr Bouvier, Laymann,

Sanchez.

au tribunal de la pénitence les condamnés à mort qui ont refusé et qui refusent de faire l'aveu de leur crime aux juges, si d'ailleurs ils sont pénitents, nous pensons qu'on ne doit pas leur donner l'eucharistie, à raison du scandale qui pourrait en résulter.

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1053. Nous ferons remarquer qu'un accusé, même coupable, peut, avant et après sa condamnation, sortir de sa prison, quand il s'agit de se soustraire à une peine capitale, afflictive ou infamante; mais il ne lui est jamais permis de recourir au mensonge, ni à la violence, ni à la corruption, pour obtenir sa liberté : « Nullus ita condemnatur, dit saint Thomas, quod ipse sibi inferat mortem, << sed quod ipse mortem patiatur; et ideo non tenetur facere id unde « mors sequatur, quod est manere in loco unde ducatur ad mortem: << tenetur tamen non resistere agenti quin patiatur quod justum « est eum pati : sicut etiam si aliquis sit condemnatus ut fame moriatur, non peccat si cibum sibi occulte ministratum sumat, quia «< non sumere esset seipsum occidere (1). » Il n'est pas permis non plus, même à celui qui est innocent, de tuer, ni un injuste accusateur, ni un faux témoin, ni un juge de la part duquel on est menacé d'une sentence inique (2). Ce serait encore un crime de repousser la calomnie par la calomnie (3). Cependant, si vous étiez menacé d'une mort évidemment injuste, ou dans un temps d'anarchie, ou sous le règne de la tyrannie, vous pourriez résister, en repoussant la force par la force, à ceux qui voudraient vous arrêter, à moins que votre résistance ne fut un sujet de scandale ou une occasion de quelque grand trouble : « Aliquis damnatur ad mortem dupli«< citer : uno modo juste; et sic non licet condemnato se defendere. « Alio modo injuste; et tale judicium simile est violentiæ latro«< num.......... Et ideo sicut licet resistere latronibus, ita licet resistere <«< in tali casu malis principibus: nisi forte propter scandalum vitan<«< dum, cum ex hoc aliqua gravis turbatio timeretur. » Ainsi s'expriment saint Thomas (4) et saint Alphonse de Liguori (5).

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(1) Sum. part. 2. 2. quæst. 69. art. 4. (2) Alexandre VII, décret de 1665. (3) Innocent X, décret de 1679.. (4) Sum. part. 2. 2. quæst. 69. art. 4.

(5) Lib. IV. no 279.

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