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arrivait que votre monastère se trouvât compris dans un interdit général, vous pourrez néanmoins célébrer les divins mystères, après avoir chassé du monastère les excommuniés et les interdits. Enfin désirant, avec notre sollicitude paternelle, pourvoir à l'avenir, à la paix et à la tranquillité de votre maison, nous vous renouvelons toutes les libertés et les faveurs accordées par les pontifes romains nos prédécesseurs. »

Les excommunications lancées fréquemment n'ar rêtent plus que faiblement le torrent du mal. Une eupidité aveugle fait tout envahir, en l'absence de presque toute organisation de pouvoir protecteur. Les chartes de cette époque ne contiennent que des accords, des compromis par lesquels on s'engageait, sous peine de grosses amendes, à s'en tenir à la décision de certains arbitres que l'on avait choisis de part et d'autre. Si l'une des parties n'acceptait pas la décision, le rang ou la puissance des coupables ne permettait ni saisies, ni condamnations. Ce qui était plus déplorable, c'est qu'on se faisait justice suimême, parce qu'on n'attendait rien des tribunaux, trop faibles pour sévir contre de grands coupables. On entrait dans la propriété en litige, on coupait les arbres, on mettait le feu aux maisons, on culbutait les moulins. Ce n'était pas seulement les seigneurs qui agissaient ainsi, mais encore les serfs des moines qui, à l'exemple de ceux des seigneurs, croyaient faire une bonne action en vengeant les injures qu'ils croyaient faites à leurs maîtres. En 1138, T. II, p. 116. l'abbé de Saint-Germain réclamait une indemnité,

contre l'abbé de Pontigny, pour le bois de Revisy,

saccagé, disait-il, par ses serfs, et pour le moulin de Revisy, également en communauté entre les deux abbayes. Le moulin avait été détruit, le lit de la rivière détourné dans le ru des Essarts, des plantations d'ormes avaient été arrachées, la récolte des terres et des prés détruite. L'abbé de Pontigny se plaignait, de son côté, que les serfs de l'abbaye de Saint-Germain avaient rompu une écluse, dont il était résulté un grand dommage pour les prés; il affirmait que les pâturages qui s'étendent depuis la rivière, au-dessous de Venousse, jusqu'à la maison des lépreux de Seignelay, lui appartenaient, ainsi que ceux qui se trouvent au-delà de l'eau vers la vallée païenne; enfin, que les serfs de l'abbaye de Saint-Germain avaient maltraité ses bergers et ses pâtres; qu'ils avaient étendu leurs mauvais traitemens jusque sur le bétail, dont ils avaient enlevé une partie. Les deux abbayes choisirent deux arbitres: Philippe, chantre d'Auxerre, et Henry, doyen de Tonnerre, et s'obligèrent, sous peine de cent marcs d'argent, à s'en tenir à leur décision, qui mit un terme à leurs plaintes réciproques.

Tandis que les grands se disputaient le sol de nos pays, le peuple languissait dans la misère, l'impôt se multipliait pour lui sous plusieurs noms. Aux tailles, péages, corvées, cens ou redevances légitimes, la cupidité des seigneurs avait ajouté les champarts, la taille à volonté, le fouage ou imposition par feu, le droit de main-morte, de lods et vente, de tierces, d'amendes, de fiefs, d'arrière-fiefs, de quinze deniers, de seigneurie, de justice grande et petite, etc. Ajoutez encore l'obligation de cuire au

four du seigneur, de porter la vendange à son pressoir, de moudre à son moulin, toutes les gênes enfiu et toutes les vexations de la banalité. Hommage à la sublime influence du christianisme qui a humanisé notre patrie, et affranchi nos pères des entraves dans lesquelles nous gémirions encore sans la puissance de la croix ! Il y avait alors une lutte profonde, entre les dépositaires des lumières antiques et les maîtres du pouvoir territorial. Notre civilisation adoucie ne devait pas tarder à se lever, mais il fallait vaincre auparavant la violence féodale avec toutes ses inégalités et ses aspérités barbares.

Les serfs étaient traités bien différemment par les maîtres séculiers que par les moines. Voici comme en parle Pierre-le-Vénérable, abbé de Cluny, mort au milieu du douzième siècle : « Tout le monde sait de quelle manière les maîtres séculiers traitent leurs serfs et leurs serviteurs. Ils ne se contentent pas du service usuel qui leur est dû; mais ils revendiquent, sans miséricorde, les biens et les personnes. De là, outre le cens accoutumé, ils les surchargent de services innombrables, de charges insupportables. et graves, trois ou quatre fois par an, et toutes les fois qu'ils le veulent. Aussi, voit on les gens de la campagne abandonner le sol, et fuir en d'autres lieux. Mais, chose plus affreuse! ne vont-ils pas jusqu'à vendre, pour de l'argent, pour un vil métal, les hommes que Dieu a rachetés au prix de son sang? Les moines, au contraire, quand ils ont des possessions, agissent bien autrement : ils n'exigent des colons que les choses dues et légitimes; ils ne réclament leurs services que pour les nécessités de leur

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existence; ils ne les tourmentent d'aucune exaction, ils ne leur imposent rien d'insupportable : s'ils les voient nécessiteux, ils les nourrissent de leur propre substance. Ils ne les traitent pas en esclaves, en serviteurs, mais en frères. »

L'abbé de Pontigny et celui de Clairvaux furent obligés de porter leurs plaintes au pied du trône, pour faire cesser les rapines des nobles. Le roi Philippe-Auguste leur répondit, par une charte datée de Saint-Germain-en-Laie, en 1221: « Considérant, dit ce prince, qu'il entre dans mes fonctions royales, de prendre sous ma protection les églises et les monastères, pour les soustraire à la rage des loups, je rends les baillis, les prévôts, les barons, les soldats, les écuyers ou vavasseurs, responsables des délits qui se commettraient sur les terres de leur juridiction ou de leur dépendance. Il nous a été rapporté que des grands et des nobles, sous prétexte qu'ils ont pris un monastère sous leur sauve-garde, se croient en droit de prélever sur lui, le blé, le vin, l'argent, le bétail, et tout ce qui leur est nécessaire pour fortifier leurs châteaux et leurs villages, mème pour les expéditions guerrières qu'ils entreprennent; ce qui est plus déplorable, c'est qu'on entre de vive force dans les monastères, et qu'on ne craint pas de répandre le sang, ce qui est si expressément défendu par la règle de Citeaux : la paix intérieure, si essentielle aux maisons religieuses, est troublée, et ce contre-coup apporte le plus grand dommage aux établissemens. » Le roi cite plus de douze monastères, dépendans de Pontigny et de Clairvaux, sur lesquels il étend la même protection. Que sont donc devenus

ces hommes puissans qui, pendant le court espace, de leur existence, envahissaient le patrimoine du plus faible et asservissaient leurs semblables? A mesure que l'on s'est éloigné des temps où ces orgueilleux dominaient, on a vu l'éclat de leur renommée pâlir et s'éteindre, tandis que nous proclamons encore les noms de ceux qui ont été les bienfaiteurs de l'humanité.

En 1222, Guy, comte de Nevers, et Mathilde, son épouse, confirmèrent la donation du bois de la Suez, faite par Hervé, qui était décédé, et la même Mathilde, alors son épouse, à condition que l'on célébrerait, chaque année, leur anniversaire.

En 1235, le pape Grégoire IX, adressa à Pierre une bulle, par laquelle il révoque et annulle l'accord qu'il avait passé conjointement avec les trois autres premiers pères et l'abbé de Citeaux, touchant la primauté; il veut que l'on s'en tienne au réglement du pape Honoré III, son prédécesseur. Par une autre bulle, expédiée d'Agnanie, l'abbé Pierre fut créé légat du pape, avec l'évêque de Tournay, pour pacifier un différend entre saint Louis et l'archevêque de Rouen.

L'abbaye de Pontigny recevait toujours des douations. Guillaume, seigneur de Mont-Saint-Jean; Bura, son épouse (1203); Guillaume et Philippe d'Ancy-le-Franc; Jobert de Venousse, fils de ce. dernier (1235), donnèrent différens biens. Les seigneurs de Ligny-le-Châtel, témoins rapprochés de la régularité des religieux, ne le cédèrent point en générosité à leurs voisins. Gile, fils de Guillaume de T. III. p. 14, Ligny-le-Châtel, chevalier, donna une rente sur ses et suiv.

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