Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

m

HUGUES DE MACON.

Cette colonie, sortie de Cîteaux au commencement de l'année 1114, vint d'abord à Auxerre pour recevoir la bénédiction du saint évêque Humbault, qui allait partir pour la terre sainte. Il les reçut comme des Anges descendus du ciel, principalement Hugues, auquel il fit prêter serment de fidélité et d'obéissance à lui et à l'église d'Auxerre. L'abbé le fit, en ajoutant ces mots : Salvo ordine nostro, c'est-à-dire, sauf les priviléges de notre ordre. Le saint prélat voulut les conduire lui-même à Pontigny, et les mettre en possession du nouveau monastère. Il bénit en même temps leur église qui fut dédiée à l'assomption de la sainte Vierge et à saint Thomas l'apôtre.

[ocr errors]

A peine Hugues et ses douze religieux furentils à Pontigny, que le bruit de leur sainteté attira de toutes parts un grand nombre de disciples qui demandaient à imiter leurs vertus dans ce nouveau paradis terrestre.

Hagues de Macon était un jeune seigneur, distingué par sa noblesse, ses grands biens, et plus encore par la pureté de ses moeurs. Lorsqu'il apprit la conversion de saint Bernard, son ami, il le pleura comme perdu pour le monde. La première fois qu'ils se rencontrèrent, ils versèrent des larmes l'un et l'autre par des motifs bien différens; mais s'étant

Cart. de Pont., t. II, p. 8.

expliqués, l'esprit de vérité s'insinua avec les pa-.
roles de Bernard. La conversation changea de face:
ils se promirent de se donner à Dieu ensemble et
d'être plus unis qu'ils n'avaient été dans le monde.
Peu de jours après, Bernard apprit que de mauvais
amis avaient détourné Hugues de sa résolution;
il alla le chercher lui-même, le persuada de nouveau
et l'emmena avec lui. Telle fut la conversion de
Hugues de Macon; il prit les sentimens de son ami
Bernard, il devint actif, patient, ferme dans ses
démarches il était doué des vertus qui forment
les hommes apostoliques, et digne, en un mot,
d'être le fondateur de l'abbaye de Pontigny. Ses
religieux devinrent des saints. Leur nombre crois-
sant de jours en jours, le peu de terrain
de terrain que lui
avait donné Hildebert, ne pouvait plus suffire à tant
de personnes que la Providence lui envoyait. C'est
pourquoi les religieux se virent plusieurs fois ré-
duits, comme ceux de Clairvaux, à une extrême
pauvreté. Le saint abbé, peu touché de ces incom-
modités, ne songeait qu'à gagner des âmes. Cepen-
dant il s'adressa à Guillaume, comte d'Auxerre,
et à quelques seigneurs du voisinage, qui fournirent
abondamment aux besoins des frères.

On remarque parmi ces premiers bienfaiteurs. une veuve puissante et riche, nommée Gilla, avec ses deux filles Berthe et Isteberthe: elles donnèrent une terre au-delà de la rivière et un usage dans la forêt qui était auprès. Jean Dumoulin et Osile, son épouse, donnèrent ce qu'ils possédaient à Pontigny depuis le ruisseau de Seneçon ou de Buchin, jusqu'au sentier qui conduit de Sainte-Porcaire à

Venousse. Gosbert, ses fils Jean, Gaufride et Ebrard, donnèrent en 1118 leurs biens de Pontigny à Dieu et à la bienheureuse Marie, ce sont les expressions de la charte, pour les frères qui servent Dieu dans ce lieu. Gosbert prie les frères de célébrer l'anniversaire de son épouse et de faire mémoire d'elle dans leurs prières. Le don est adressé à la sainte Vierge, parce que l'église lui était dédiée. Saint Edme fut adopté dans la suite comme second patron.

On met encore au nombre de ces premiers bien- Ibid, p. 73. faiteurs, Etienne, trésorier du chapitre de saint Etienne d'Auxerre, qui donna à sainte Marie de Pontigny, à Hugues premier abbé, à ses successeurs et aux frères qui vivent dans le monastère sous une discipline régulière, toute sa terre de Roncenay, en y comprenant le bois. Le chapitre remit de son côté la mouvance de la terre; c'était l'année 1120. L'acte fut dressé en présence de Hugues, évêque d'Auxerre, d'Hilgerius, prevôt, de Roger, archidiacre, de Gaufride, chantre, de Joscelin, cellérier, de Lambert, sacristain, de Hatton, camerier, de Benoît, archiprêtre, et des autres chanoines. On voit ici les principaux dignitaires de la cathédrale d'Auxerre. Joceran, évêque de Langre, étant à Tonnerre dans l'abbaye de Saint-Michel, en 1123, déchargea l'abbaye de Pontigny de toute espèce de dime dans toutes les terres qu'elle possédait dans son diocèse. C'est, dit-il, pour suivre les traces de nos pères, qui ont toujours pris soin de pourvoir aux besoins des serviteurs de Dieu.

Guillaume, comté d'Auxerré, avait donné à l'ab

P. 34.

baye de Pontigny ce qu'il possédait dans la terre de Lorrant; il avait aussi remis les terres qui environnaient le monastère, et avait pris en échange les biens que l'abbaye avait à Ligny-le-Châtel. Ce même comte permit de supprimer les chemins qui passaient trop près du monastère, et d'en tracer d'autres, afin que le passage des séculiers ne vînt pas troubler les moines jusque dans leur retraite. Etienne, abbé de Regny, Milo, doyen de Ligny, et plusieurs autres, furent témoins de cette concession.

Rien de plus frappant que le spectacle qu'offrait alors Pontigny : on y voyait des hommes qui, après avoir été riches et honorés dans le monde, se glorifiaient dans la pauvreté de Jésus-Christ. Souffrant la fatigue du travail, la faim, la soif, les persécutions, les affronts, comptant pour rien tout ce qui leur manquait, pourvu qu'ils avançassent dans le chemin de la perfection. Au premier aspect, on remarquait que Dieu habitait cette maison. Les bâtimens étaient simples et pauvres; on n'entendait d'autre bruit que celui du travail, ou celui des louanges de Dieu, lorsque les moines chantaient l'office. Ce silence imprimait un tel respect, même aux séculiers, qu'ils n'osaient tenir en ce lieu aucun discours qui ne respirât la religion. Les moines ne laissaient pas d'être solitaires dans leur multitude, parce que l'unité d'esprit et la loi du silence conservaient à chacun la solitude du cœur.

Bientôt l'abbaye ne put plus contenir le nombre de ses moines. Alors, comme des essaims d'abeilles, ils commencèrent à se répandre en différentes contrées, pour fonder de nouveaux monastères dans

lesquels on vit fleurir la piété avec la règle de Pontigny. Hugues de Macon fonda ainsi dix monas- T. I, p. 48. tères, où il mit des religieux et des abbés formés à son école. Ces filiations ou ces filles de Pontigny (car c'est ainsi qu'on les appelait) sont: Bouras, les Roches, Cadoüin, Dalon, Fontaine - Jean, Jouy, Saint-Sulpice, Quincy, Loc-Dieu et Châlis. Ces pieuses colonies étant chacune de douze personnes, c'est cent vingt religieux qui sortirent de Pontigny dans l'espace de vingt-deux ans, non compris un pareil nombre qui demeurait dans l'abbaye. Tous ces moines étant venus des environs, comme il est à croire, on peut juger du mouvement religieux que cette maison avait déjà imprimé dans toute la

contrée.

Les nouveaux monastères demeuraient soumis à l'abbé de Pontigny, qui les dirigeait. Partout on voyait unité de régime, de statuts, de discipline; partout on se proposait d'avancer dans la perfection chrétienne. Par là l'unité de l'ordre se maintenait intact.

Que la Providence est admirable! Lorsque le peuple semble enseveli dans l'ignorance et asservi par l'esclavage, de saintes milices composées d'hommes animés d'un dévouement surhumain, s'organisent comme d'elles-mêmes et vont consacrer leurs travaux, leurs veilles, leur vie toute entière à l'édification et à l'instruction du peuple. La France se couvre de maisons religieuses dont les pieux habitans ont reçu du ciel la douce mission de répandre autour d'eux les consolations de l'espérance et les dons de la charité. Elles se présentent pour

« ZurückWeiter »