Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

torts faits à l'abbaye, cent vingt arpens de terre avee les maisons, les granges et les étables.

L'abbé de Ferrière confirma plusieurs contrats de vente de son prédécesseur, sur lesquels il n'était pas possible de revenir. Après avoir réglé les affaires du dehors, il s'occupa de réparer l'abbaye, reconstruisit à neuf les cloîtres du silence, fit boiser le chapitre et l'ancien réfectoire, tels qu'ils se voyaient encore en 1789. Il fit peindre à fresque la chapelle de saint Thomas de Cantorbéry. Le peintre le représenta à genoux, d'un côté de l'autel, et son frère le seigneur de Maligny de l'autre. Cette chapelle est démolie. On voit encore au dehors de l'Eglise des restes de cette peinture sur un pan de mur de la croisée au levant.

Ce sage supérieur fit beaucoup de bien à son abbaye. Il mourut le 23 janvier 1525, à l'âge de quarante-deux ans, après un gouvernement de neuf ans et six mois. Il fut enterré dans le chapitre, visà-vis la chaire abbatiale.

JACQUES DE JAUCOURT II.

LES beaux temps de l'abbaye de Pontigny ne s'étendent pas plus loin. Depuis quatre cents ans qu'elle était fondée, elle offrait le spectacle édifiant de l'amour de Dieu, de l'abnégation de soi-même, de la pénitence, du travail et de la charité. On y était pauvre pour soi, riche et consolant pour les malheureux. La vertu persécutée, la faiblesse opprimée,

y était accueillie et protégée. On a vu des hommes. recommandables par leur naissance, leur dignité, leur sainteté, s'y retirer comme dans l'asile de la piété. Les sciences y étaient honorées et cultivées. Il se forma dans l'ordre des théologiens profonds, de savans canonistes. C'est dans ces heureux temps que l'ordre de Citeaux donna des Souverains Pontifes et des cardinaux à l'Eglise; des évêques à tous les diocèses, et que le concile général de Latran le chargea de la réforme des autres ordres. Enfin, pendant trois siècles surtout, l'ordre, et en particulier l'abbaye de Pontigny, jouit de la paix dans son sein, de la plus haute considération dans l'Eglise, et de la vénération du monde chrétien. On pourrait croire que j'ai oublié parfois ma qualité d'historien pour louer cette maison, quoique je me sois borné à exposer simplement des faits qui sont appuyés sur des documens irrécusables. Pour écrire autrement, il faudrait prendre à partie tous les seigneurs des environs, qui sembleraient s'étre donné le mot pendant quatre siècles consécutifs, pour payer le tribut de leur admiration aux vertus éminentes des religieux de l'abbaye de Pontigny. Il n'en sera pas de même des temps qui vont suivre. On ne verra plus revenir ces temps pieux où le saint roi Louis IX allait en pélerinage s'agenouiller au tombeau de saint Edme, alors que les vertus et la puissance morale des abbés avait une si grande influence sur les populations.

Un des premiers fléaux, qui frappèrent l'abbaye de Pontigny fut la commende. Elle dut ce malheur à Jacques de Jaucourt, parent d'un abbé du même

343.

nom, mort en 1321, mais non l'héritier de ses ver tus. Après avoir gouverné l'abbaye de Pontigny pendant vingt et un an, contre toutes les lois de l'Eglise et de sa conscience, il la permuta en 1546, avec le cardinal du Bellay, pour l'abbaye de Cormery et celle de Barbeaux, l'une de bénédictins dans le diocèse de Tours, et l'autre de Citeaux dans le diocèse de Sens. Pierre de Laffin avait déjà donné l'exemple de la commende, en conservant l'abbaye de la Bénissons-Dieu, quoiqu'il fût abbé de Pontigny.

Les profusions de Jacques de Jaucourt l'obligèrent d'aliéner beaucoup de biens, surtout la plus grande partie de Villers-la-Grange. En 1527, il fit T. II, p. 342 et hommage de la terre de Vergigny à Louis, comte de Tonnerre, baron et seigneur de Saint-Agnan et de Celle en Berry; il est qualifié dans le procès-verbal de noble et scientifique personne. Il était licencié en droit. Onze ans après, il rendit foi et hommage, comme homme vivant et mourant, à la comtesse de Tonnerre pour la même seigneurie.

De son temps, les hérétiques commencèrent à troubler l'Eglise, en attaquant particulièrement les religieux. L'abbaye de Pontigny ne fut point à l'abri de leurs insultes. Vers l'an 1528, Jean de la Baulme, comte de Montrevel, seigneur de Lignyle-Châtel, et fauteur de l'hérésie de Calvin, entra à main armée dans l'abbaye, y exerça mille vexaCart. de Pont., tions, et courut ensuite à Sens, où il présenta au bailli un procès-verbal, conçu à peu près ainsi : « Qu'en vertu d'une commission, qu'il avait reçue en l'absence du comte de Guise, gouverneur de

t. I, p. 38.

Champagne et de Brie, il s'était transporté dans l'abbaye de Pontigny, que les portes lui avaient été fermées, qu'il avait remarqué dans l'intérieur des aventuriers et des gens de guerre; qu'ayant sommé les religieux de lui ouvrir les portes, on lui avait répondu que, lors même que le roi et la reine seraient présents, on n'ouvrirait pas. Il ajouta encore, qu'après avoir entendu bien des injures contre le roi et contre le comte de Montrevel, son père, il avait appelé la justice de Ligny, qui avait rompu les barrières. Comme j'entrais, dit-il, deux serfs se jetèrent sur moi et sur les gentilshommes de ma suite. Je ne me défendis point; mais les gentilshommes se voyant blessés, tirèrent leurs épées et frappèrent un de ces serfs. Enfin, le comte de Montrevel dit, qu'après avoir fait ses dévotions ainsi que ceux de sa suite, ils s'étaient tous retirés sans commettre aucun délit, ni excès, ni violence. >>

Le bailli de Sens, après avoir fait les informations nécessaires, reconnut toute la mauvaise foi du comte de Montrevel. Il fut condamné à donner douze cents livres aux religieux, pour réparations civiles, dépens, dommages et intérêts, et à huit cents livres d'amende envers le roi. Le comte en appela à Auxerre, où il subit l'interrogatoire sur la sellette avec ses complices, le 26 mai 1528. La première sentence y fut confirmée, ainsi qu'à Villeneuve-leRoy, où il en appela encore. Enfin le parlement, par un arrêt définitif, le condamna à satisfaire dans les trois jours aux peines portées contre lui, sous peine d'être chassé du royaume.

Tandis qu'on instruisait son procès à Sens, le

comte de Montrevel osa se présenter à l'abbaye de Pontigny, et sommer l'abbé de Jaucourt et le procureur de la maison de le recevoir comme ayant la garde gardienne de l'abbaye; mais l'abbé refusa, parce que ce droit appartenait tout au plus aux comtes de Tonnerre, et non aux vicomtes de Lignyle-Châtel.

L'abbé de Jaucourt mourut au monastère de Fontenay, le 17 avril 1547.

JEAN DU BELLAY.

Le temps est déjà loin où les fondateurs de Citeaux avaient écrit dans leur règle que les moines devaient avoir le droit et la faculté d'élire librement pour abbé et pour maître un homme de leur ordre, suivant le bon plaisir de Dieu et la règle de saint Benoît. Il avait aussi été dit, qu'aucun prince séculier, aucun comte, aucun évêque, pas même le Pontife de l'Eglise romaine, ne devaient envahir les possessions des serviteurs de Dieu, ni les vendre, ni les donner à titre de bénéfice, ni établir sur eux un chef contre leur volonté. Dans le fameux concordat entre Léon X et François I, par lequel toute l'Eglise de France fut livrée comme à la merci du pouvoir temporel, le monastère de Pontigny fut mis, à la vérité, au nombre des exempts, c'est-à-dire des maisons non sujettes à la commende; mais, à la suite des guerres, on oublia la loi pour ne voir que ce qui flattait l'ambition.

« ZurückWeiter »