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T. III, p. 261.

l'abbaye de Pontigny, la pille et y met le feu. Ensuite, ces féroces vainqueurs se répandent dans les campagnes voisines, y sèment la terreur et y font un butin considérable. Durant cette crise, une partie des religieux s'étaient retirés dans la maison que possédait l'abbaye dans le faubourg fortifié de Chablis, croyant y trouver leur salut. Ce faubourg ne tarda pas à être investi et enlevé par les Huguenots. Leurs tentatives ayant échoué contre la ville, à laquelle ils livrerent plusieurs assauts, ils brûlent les faubourgs dont ils étaient maîtres et se retirent. Ainsi les ressources que l'abbaye s'était ménagées dans cette ville se furent anéanties.

Les religieux se trouvaient de nouveau dispersés. Il fallut entrer en composition avec l'abbé commendataire pour relever les bâtimens et fournir le mobilier nécessaire pour rappeler les religieux. L'abbé répondit qu'aussitôt que Vézelay serait repris sur les Huguenots et que le pays serait tranquille, il aviserait aux moyens de réparer l'abbaye. En attendant, il consent à donner un revenu suffisant pour trente-deux religieux, quoique leur nombre fût réduit à vingt-deux, à condition qu'il y aurait deux religieux chargés de la régie de ce revenu, lesquels rendraient compte de la dépense tous les six mois pardevant le chapitre et. son vicaire-général. Il abandonnait toutes les économies que l'on pourrait faire pour les réparations les plus urgentes. En 1570, tous les religieux étaient rentrés dans le monastère.

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Un des premiers soins de l'abbé et des religieux fut de réclamer le dépôt sacré ¡qu'ils avaient déposé chez Duguet, procureur de la vicomté, de Saint

Florentin. Les employés de Marie de Clèves, désirant se l'approprier, feignirent que des maçons, en travaillant chez Duguet, avaient trouvé un trésor, et sans autre formalité, ils l'adjugèrent à Marie de Clèves, comme un trésor trouvé dans sa terre. Le procès-verbal dit seulement que les maçons trouvèrent naturellement le petit coffre enfoui chez Duguet. Quoiqu'il en soit, les religieux revendiquérent leur dépôt. Le cardinal leur abbé prit l'affaire en main, la fit évoquer aux requêtes du palais. Le cardinal de Bourbon, curateur de Marie de Clèves, et ensuite le prince de Condé Henri de Bourbon, lorsqu'il l'eut épousée, soutinrent vivement ce procès contre les preuves évidentes que fournissaient les religieux. Le rang des opposans fit traîner l'affaire en longueur. Il parait même qu'elle ne fut jamais jugée; le trésor demeura entre les mains du vicomte de Saint-Florentin.

En 1575, les religieux autorisèrent un procureur du parlement pour réclamer, à Auxerre, les piliers en cuivre, la tombe en bronze de la châsse de saint Edme, et le plomb provenant de leur église. Ils savaient que tous ces objets étaient déposés chez Crux, dit Brusquet; mais ils ne furent pas plus heureux qu'avec le vicomte de Saint - Florentin. Brusquet sut éluder leur demande et les frustrer de ce qui leur appartenait. Quelles épreuves de la Providence! Pourchassés de toutes parts, menacés de la mort, les religieux voient leur abbaye pillée, incendiée, leur église polluée, les restes précieux de leurs saints patrons foulés aux pieds ou livrés aux flammes. Dès que l'orage a cessé de gronder sur

Matt: G. V.

leurs têtes, ils réclament leurs dépôts, leurs biens enlevés, et ils ne trouvent que déni de justice, que mauvaise foi: alors ils rentrent dans leurs cellules en méditant ces paroles de leur divin Maître : « Vous serez heureux lorsque, pour l'amour de moi, on vous persécutera, et qu'on dira toute sorte de mal contre vous, en employant le mensonge. Réjouissezvous et soyez transportés de joie, parce qu'une grande récompense vous est réservée dans les cieux ».

Le cardinal-abbé employa les revenus de l'abbaye aux réparations des bâtimens. On ne s'occupa point de l'église pour le moment. L'ancienne église, appelée depuis la chapelle de saint Thomas, fut rétablie et servit d'église pendant quarante-six ans. Cette chapelle était fort grande; elle avait un chœur, une nef et plusieurs autels, Elle avait servi d'église à l'abbaye jusqu'après l'an 1150. Comme elle ne contenait rien qui pût satisfaire l'avarice des Hu. guenots, et qu'elle était en mauvais état, ils n'avaient pas pris la peine de la livrer aux flammes.

Le cardinal de Ferrare résigna en partie l'abbaye de Pontigny à Jean de Victrian, religieux de l'ordre de Citeaux, et son procureur-général. Celui-ci prit le titre de vicaire-général et d'abbé titulaire de Pontigny. Le cardinal continua de jouir des revenus, comme usufruitier. Il se démit cependant de son titre en 1577, et mourut à Rome le 30 décembre 1586.

La crise sociale du seizième siècle a fait à la foi et en particulier à l'abbaye de Pontigny, un tort irréparable. Je ne parle pas de ses trésors perdus, de ses richesses dissipées, ce sont des choses qui so

remplacent; mais qui lui rendra ses couvens répandus dans l'Allemagne, dans la Hongrie, dans l'Angleterre surtout, et dans l'Ecosse. Ces états sont devenus en partie protestans. Auparavant l'Europe ressemblait à une vaste association catholique dont le centre était à Rome. Des souverainetés, jalousesde leur pouvoir, ont surgi de toutes parts, et n'ont plus aimé à marcher avec confiance sous la bannière commune du catholicisme. Chaque royaume, même en restant catholique, s'est comme armé de précautions, de défiance contre la suprématie catho lique. Aussi la religion éclaire, instruit, enseigue, mais ne gouverne plus la terre. Le cœur souffre en voyant cette religion catholique, qui a civilisé et gouverné l'Europe pendant tant de siècles, qui a fait le bonheur des populations, sans cesse harcelée par le pouvoir temporel, qui semble vouloir lui arracher une à une toutes ses prérogatives. C'est pourquoi, à mesure que nous avançons dans les temps modernes, on voit les ordres monastiques s'effacer et s'annuler devant le pouvoir civil. Bientôt il faudra à l'abbé une ordonnance royale pour faire une coupe dans ses bois; il faudra également un arrêt dụ Conseil d'état pour mettre la réforme dans l'ordre. Tel est le sort commun des institutions de la vicille France; elles vont s'amoindrissant sans cesse entre les mains de l'historien; il en fut ainsi de la noblesse, du clergé, des communes, des parlemens. Une décadence lente et morne les décompose insensiblement, et en marchant vers le dénoûment, on n'a pas même à raconter ces péripéties éclatantes, cos.

résistances glorieuses qui honorent et signalent quelquefois les ruines des établissemens humains.

T. I, p. 42.

T. III, p. 253.

JEAN DE VICTRIAN.

JEAN de Victrian, docteur en théologie, était Italien de naissance. Pendant la vie de Louis d'Est, il avait pris le titre de vicaire-général et d'abbé titulaire. Après sa mort, il demeura seul abbé régulier. Il resta quelque temps à Pontigny, où il arrangea beaucoup d'affaires; ensuite il retourna à Rome. Il obtint du pape Grégoire XIII que l'autel de la chapelle de saint Thomas, archevêque de Cantorbery, serait privilégié en faveur des âmes du purgatoire. Il fit poser contre la muraille, près de cet autel, une plaque en bronze qui contenait cette indulgence (1). Il mourut à Rome en 1587.

Les religieux ayant appris sa mort, élurent François-Jean de Mavie, religieux de Pontigny, docteur en théologie, prieur de l'abbaye de la Bussière. Cette élection, du 12 juin 1588, n'eut point d'effet parce que Jean de Victrian était mort en cour de Rome. Le pape ne nomma point de successeur. Le roi Henri III donna l'abbaye au marquis de SaintSorlin; celui-ci, craignant de ne pas obtenir ses.

(1) Elle était ainsi conçue: Altaris hujus sacrificium funebre piam animam a pœnis purgatorii liberat, Gregorius XIII pont. max. concessit Johanni de Victriano, abbati Pontiniacensi, anno 1578, kal. septembris.

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