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lot construisit à neuf le logis abbatial pour séparer les moines du tumulte et du dérangement que causaient les visites des étrangers et des hôtes, et pour offrir aux visiteurs illustres une hospitalité plus élégante; il fit donc élever à grands frais le nouveau palais abbatial, à peu de distance de la route actuelle. Il formait quatro ailes de bâtiment. La partie du couchant offrait un spectacle intéressant dans les beaux jours de l'été par la réfraction des rayons du soleil sur les croisées. Grillot acquit plusieurs maisons à Chablis, et les réunit en une seule, dans laquelle il fit construire un pressoir et de belles caves.

En 1749, il fit une nouvelle translation de saint Edme qu'il plaça au fond du sanctuaire, où il est demeuré jusqu'à ce jour. Il ôta, en même temps, l'ancien grand autel pour en faire un autre à la romaine en marbre rouge. C'est celui qui existe

encore.

Étant allé en Normandie, en 1764, pour déposer le prieur de la Noe, il fit une visite à l'abbé de saint Taurin, d'Evreux : comme il examinait un certain ouvrage dans le dortoir, près de l'escalier, il tomba à la renverse. Cette chute lui causa de si fortes contusions, qu'il se mit au lit et mourut peu de jours après dans cette même abbaye, où il fut enterré. Il laissa cent mille livres de dettes; mais l'immense quantité de grains et de vins qui se trouvaient dans l'abbaye pouvait les acquitter.

Ce qui reste de gloire monastique et de bonne renommée dans le monde, semble descendre dans la tombe avec l'abbé Grillot. Le dernier terme de la prospérité est arrivé pour Pontigny. A ce point, il

n'y a plus qu'à descendre. Réforme, sévérité de la règle, tout va tomber devant l'incapacité de l'abbé qui suit; il ne sait ni se maintenir, ni lutter contre la décadence. La haute mission de l'abbaye est achevée.

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NICOLAS CHANLATTE

IL venait d'être déposé de la priorature de la Noe pour sa mauvaise administration, lorsque le crédit de ses amis, son caractère doux et la crainte d'un joug nouveau, jointe à l'espoir que sa disgrâce l'aurait corrigé, le firent élire le 4 août 1764. Il était de Paris, bachelier de la faculté de cette ville, et religieux de Pontigny.

Ce n'était pas un homme comme l'abbé Chanlatte qui pouvait établir une économie sévère dans l'emploi des fonds de l'abbaye; il hâta, au contraire, la déconsidération de cette maison par ses prodigalités, par sa facilité à se laisser maîtriser par ceux qui approchaient de sa personne, enfin par une incapacité reconnue trop tard. Au lieu d'employer les ressources que son prédécesseur lui avait laissées à la liquidation des dettes de son abbaye, il les dissipa pour satisfaire sou luxe. Prodigue sans être généreux, donnant sans choix et sans mesure; trop faible pour refuser, sans ordre, sans prévoyance, il fut en proie à la cupidité de ceux qui avaient l'impudeur de lui demander. Toute sa vie il fut accablé de dettes et d'inquiétudes. Quelques-unes de ses

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sociétés ont fait soupçonner ses mœurs; mais on peut assurer qu'il n'a été coupable que d'indiscrétion, faute déjà assez grave pour son état. Sa conduite déplut aux religieux. Il le sentit. Alors, il s'appliqua à leur ôter la connaissance de sa situation déplorable. Il confia la conduite de ses affaires à des religieux qu'il faisait venir d'autres maisons; la plupart étaient incapables de conduire ses affaires, ou, étant corrompus par l'espoir d'une priorature, ils flattaient l'abbé sans le servir. Ils savaient aussi qu'au moindre mécontentement il allait les changer. Le besoin d'argent lui faisait admettre tous les postulans. Il exigeait d'avance de fortes pensions, qu'il dissipait aussitôt. Alors on ne pouvait renvoyer un sujet sans vocation, parce qu'on ne pouvait lui rendre ses avances. Ces moyens bas et honteux ruinaient l'abbaye en la peuplant de religieux qui la déshonoraient. Bien plus, la plupart des prieurs ne conservaient leur place que par des contributions annuelles. On assure qu'un prieur de Jouy lui fournit, en douze ans, plus de cent mille francs. Des prieurs qui avaient ainsi acheté l'impunité, se permettaient les dilapidations, les scandales et la dureté envers les religieux. Ainsi ces revenus, au lieu d'être consacrés au soulagement des pauvres, à la multiplication des maisons ou à de grandes entreprises pour la propagation de la foi, devenaient le partage de l'ambition.

Le gouvernement vint deux fois au secours de l'abbé Chanlatte, en lui accordant des réserves; car l'abbaye en était venue à un tel assujettissement envers l'État, qu'il fallait à l'abbé une ordonnance

royale pour faire une coupe dans ses bois. L'abbé Chanlatte obtint même la permission de vendre tous les arbres de haute futaie qui se trouvaient dans les coupes. Toutes ces ressources semblaient le mettre plus à l'étroit. Il alla même jusqu'à demander les réserves qu'il avait déjà coupées, et qui n'avaient pas dix-huit ans; mais sa conduite avait percé au grand jour. On l'obligea, au mois de septembre 1786, à abandonner toute espèce de recette à un procureur choisi parmi ses confrères. Il fallut vendre les meubles et la vaisselle de Chablis, emprunter trois cent mille livres, et, pour sûreté de ce capital, abandonner les coupes des bois et les fermages de Crécy. Cart. de Pont., Les revenus ordinaires de l'abbaye s'élevaient alors 4. I, p. 144. à quatre-vingt-dix mille francs. C'est avec de pareilles ressources que l'abbé Chanlatte vivait à l'étroit et accumulait dettes sur dettes; il ne survécut pas long-temps aux mesures indispensables qu'on avait prises à son égard. Au mois d'avril 1787, il fut attaqué d'une paralysie au côté droit, et mourut le 15 juin 1788, laissant pour quatre cent mille livres de dettes, quoiqu'on en eût déjà beaucoup acquitté.

C'est à l'abbé Chanlatte que l'on doit le bel orgue que l'on admire encore dans l'Eglise; il vient de l'abbaye de Saint-Pierre de Châlons-sur-Marne, qui fut alors supprimée. C'est un des plus beaux que l'on puisse voir en France. Il acheta aussi un grand aigle pour le chœur, un dais processionnal en velours cramoisi, et un ornement noir complet.

Dans les desseins impénétrables de la Providence, l'ordre de Cîteaux touchait à sa fin. Les bases de son gouvernement n'étaient toujours pas arrêtées,

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malgré les brefs et les arrêts; la soif de dominer avait fait oublier ce noble et antique zèle de la maison de Dieu qui plaçait les abbés et les moines si haut dans l'estime des peuples et des rois!

Le 25 avril 1783, le conseil-d'Etat rendit un arrêt qui mettait fin aux contestations et ordonnait de rédiger de nouvelles constitutions. Par ce moyen, l'Ordre allait reprendre son lustre avec la paix et la tranquillité, si les malheurs de la révolution ne fussent venus sept ans après. La nouvelle constitution ayant peu contribué au bien de la religion, à cause de sa courte durée, j'en rapporterai peu de chose.

Le bref d'Alexandre VII, y est-il dit, sera exécuté en ce qui concerne le chant et la psalmodie, les heures du lever, du coucher, et tous les exercices réguliers de la journée. Le chapitre général s'assemblera tous les trois ans à Citeaux, et sera composé de tous les abbés de l'Ordre. C'est en lui que repose la suprême autorité. Toutes les plaintes ou réclamations seront écoutées. Il pourra se faire rendre compte de l'état de l'administration de chaque monastère. Il est fait défense d'acheter, de vendre, de démolir ni de reconstruire, sans avoir été préalablement approuvé du chapitre général. L'année qui suivra ce chapitre, il y en aura un autre intermédiaire, dont les décisions seront rapportées au chapitre général suivant.

L'abbé de Citeaux présidera le chapitre-général; il sera qualifié seul de chef, supérieur général et père de l'Ordre. Il pourra, dans l'intervalle des chapitres généraux et intermédiaires, exercer tout le pouvoir du chapitre général. Lui seul peut bénir les abbés

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