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de nos saints mystères. Il exécuta ce projet avec une magnificence vraiment royale. Ce bel édifice, construit vers l'an 1150, a toute la majesté des basiliques de Sens et d'Auxerre. Sa conception hardie est l'ouvrage du christianisme, qui a produit tant de chefs-d'œuvre. Car cette église laisse loin derrière elle toutes nos constructions modernes, si peu en rapport avec la grandeur de la religion catholique, avec nos idées et avec notre climat. Une flèche remarquable par son élévation, et placée sur le milieu de l'édifice, semblait porter jusque dans les cieux le triomphe de la croix. Elle a été détruite en 1793, après qu'on eut enlevé les cloches qu'elle renfermait. La longueur de l'édifice est de trois cent vingt-quatre pieds, la largeur est de cent cinquante pieds à la croisée et de soixante-six dans la nef; la hauteur des voûtes, prise sous clef, est de soixante-trois pieds.

En entrant dans ce temple grandiose, on jouit d'un ravissant coup-d'œil devant soi, on voit se développer, dans un ordre harmonieux, vingt-six piliers, huit dans la nef, quatre au chœur, et quatorze dans le sanctuaire. Les huit piliers qui environnent l'autel sont d'une seule pierre, qui a quatorze pieds de hauteur entre la base et le chapiteau, et six pieds de circonférence (1). Le chœur a

(1) Le choeur de l'église de Vézelay est porté par dix colonnes, dont le fut est également d'une seule pierre de quatorze pieds de portée. Des artistes avaient prétendu que ces colonnes étaient en pierre enduite de stuc, espèce de mortier fait de marbre pulvérisé et mêlé avec la chaux. En 1818, deux membres de l'Académie française, visitant l'église de Vézelay, obtinrent la permission d'entamer un de ces piliers, et reconnureat qu'il était d'une seule pierre.

quatre-vingt-cinq pieds de longueur et le sanctuaire soixante et quinze. La largeur de cette belle nef est de quarante pieds. La nef n'a point de chapelles latérales, mais il y en a vingt-quatre dans la croisée et le pourtour du chœur et du sanctuaire. Enfin, par une magnificence qui n'était pas alors sans exemple, tout ce vaste édifice fut couvert en plomb. Voici un rapprochement de ses principales dimensions, comparées à celles des trois premières églises du diocèse, qui sont comptées elles-mêmes parmi les plus beaux monumens religieux de la France: ·

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La basilique de Pontigny était une des plus remarquables de son temps : c'était un rare monument entre ceux qui précédèrent l'âge des cathédrales. L'art semblait dès-lors préluder au règne plus pompeux des monumens gothiques. C'est pourquoi l'église de Pontigny, qui égale et surpasse même en grandeur la plupart des cathédrales, est moins remarquable, par l'élégance des proportions ou la richesse des ornemens, que par l'austérité de ses formes. simples et de ses étonnantes dimensions. Les fenêtres sont cintrées, étroites et élevées; elles laissent tomber dans l'église, une lumière douteuse, qui n'empêche point cette religieuse obscurité, qu'on demanda plus tard aux vitraux de couleur dans les cathédrales.

Elle est bâtie, selon l'usage des temples chrétiens,

de l'occident à l'orient, sur une surface unie. De la route actuelle d'Auxerre à Saint-Florentin, on aperçoit, à une distance de soixante pas, un beau portail à une arche, surmonté d'une balustrade en pierre taillée à petits cintres, et placé en face de la porte de la basilique, dont il forme comme la première et noble entrée. C'est sur le côté gauche que se trouvait autrefois le palais des comtes de Champagne. A deux cents pas au-delà de ce portique, on trouve le portail de l'église, dérobé à la vue par un autre portique ancien (1), supporté par des colonnes. Le portail est à plein cintre, et ses jambages, ornés de colonnes, n'offrent rien de cette architecture arabesque si en usage le siècle suivant; car la cathédrale d'Auxerre, remarquable sous ce rapport, ne fut commencée que soixante ans, après l'église de Pontigny.

Après avoir franchi le portail, on descend cinq degrés, et bientôt on arrive vers le chœur, qui est fermé par une boiserie en forme de jubé jusqu'à la hauteur de quinze à vingt pieds. La porte en bois doré et sculpté à jour a cinq pieds de largeur. Aux deux côtés de cette porte, en dehors du chœur, sont deux autels entre quatre colonnes, et au-dessu's des statues représentant la religion. Tout le chœur est environné d'une boiserie haute comme celle de l'entrée. Les stalles, bien postérieures à la fondation de l'église, y sont adossées; elles sont au nombre

(1) Ces portiques, que l'on trouve à l'entrée des églises fréquentées autrefois par les pélerins, servaient à mettre ceux-ci à convert lorsqu'ils voulaient prier durant la nuit, ou lorsque l'église se trouvait fermée.

de cent, sur quatre lignes; elles sont surtout remarquables par la richesse du travail. La stalle de l'abbé et celle du prieur ont au-dessus d'elles une draperie sculptée, soutenue par deux anges, et sur le devant un lutrin appuyé sur une colonne. On est surtout frappé par la vue de quatre tableaux de grande dimension, placés aux deux côtés, au-dessus des boiseries; chacun d'eux contient vingt-quatre personnages de grandeur naturelle; ils représentent saint Jean prêchant dans le désert, la visitation de la sainte Vierge, la piscine de Siloë et la présentation au Temple.

Le sanctuaire, élevé de trois degrés, est fermé alentour par des grilles en fer. Au milieu se trouve le grand autel en marbre rouge, et derrière, entre les deux derniers piliers, on voit la châsse de saint Edme, portée par quatre anges en adoration. De grandes dalles carrées forment le pavement de l'église. Le chœur et le sanctuaire ont pour carrelage une pierre blanche octogone et allongée, mêlée à de petits carreaux de marbre noir. On voit encore des cloîtres au nord, le long de la nef, en dehors, et couverts par un prolongement du toit de l'église. Le chapitre était de ce côté, attenant à cet édifice. Les cloîtres du midi sont détruits.

Ces détails sont trop incomplets pour retracer un grand monument. D'ailleurs, il serait difficile d'écrire à leur date le détail des constructions ou des. ornemens qui furent ajoutés dans la suite des siècles.

L'édifice majestueux que le comte Thibault venait d'élever à la gloire du Très-Haut, n'épuisa point ses. largesses. Il voulut encore donner à l'abbaye toute

la régularité et toute la grandeur que demandait son, état présent. Il éleva une enceinte de murs qui renfermait quarante-deux arpens, dans laquelle se trouvaient l'église, les bâtimens de l'abbaye et le jardin cette vaste clôture se voit encore aujour d'hui. Ensuite il rebâtit le logis abbatial, le noviciat, le réfectoire, l'infirmerie, le logis des hôtes, c'està-dire les appartemens où l'on recevait les étrangers auxquels on donnait l'hospitalité : car la maison devait être ouverte aux pauvres, aux nécessiteux, aux étrangers et aux pélerins. Il ajouta encore un chapitre, un parloir, qui fut dédié dans la suite à saint Guillaume, prieur de l'abbaye; des cloîtres, un dortoir de cent sept pieds de longueur sur douzę de largeur. Enfin il construisit à l'entrée de la cour, sur le grand chemin, un palais pour sa maison, lorsqu'il voudrait passer quelque temps à l'abbaye. C'était l'usage alors dans les grands monastères d'avoir des appartemens pour recevoir les insignes bienfaiteurs, même les princes et les rois. Souvent ces appartemens ne le cédaient pas en grandeur à ceux du monastère. Quoique l'histoire attribue toutes ces constructions au comte Thibault, on peut croire que les seigneurs voisins, et même les simples chrétiens concouraient à la création de ces pieuses merveilles. Tous voulaient contribuer à la construction des édifices; les ouvriers eux-mêmes, chacun selon son art, offraient une part de leur travail ; l'édifice terminé était cher à tous, car il était l'œuvre de tous; et l'on aurait peine à comprendre. l'exécution rapide d'une si vaste église et de tant de bâtimens, sans les efforts combinés d'un zèle unanime et d'un concours universel.

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