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A tous ces bienfaits, Thibault ajouta une exemption de tributs pour les denrées de l'abbaye, lorsqu'elles passeraient sur ses terres. La charte datée de l'an 1149 est signée de Mathilde son épouse, de ses enfans Henri, Thibault et Etienne, de Radulfe son chapelain, de Rayère, vicomte de Saint-Florentin, de Seguin, dit Chasse-Chien, de Robert, dit le Roi, d'Ansel-le-Sourd, de Guyard-le-Mangeur, prévôt de Saint-Florentin, et de plusieurs autres. Le roi Louis, dit la charte, était alors en pélerinage à Jérusalem. L'immunité accordée par le comte Thibault était d'une grande importance, car le commerce et l'industrie rencontraient alors des entraves sur les rivières, sur les cours d'eau, sur les routes, et jusque sur les sentiers domaniaux.

Henri, fils aîné de Thibault et son successeur, Henri II, son petit-fils, comblèrent aussi l'abbaye de bienfaits. Ce dernier allant prendre possession du royaume de Jérusalem, qui lui était échu du côté de sa femme Isabelle, donna dix livres de rente sur les foires de Troyes (1), et permit aux moines de faire conduire deux cents muids de vin dans cette ville, sans payer de droits. La charte est de 1190. Marie, mère de ce prince, pleine de sollicitude pour ce cher fils, dont elle allait se séparer, pria les moines de célébrer, chaque jour, pour lui une messe du Saint-Esprit, et de continuer après sa mort à offrir le saint sacrifice pour le repos de son âme.

(1) Ces foires sont celles de la Saint-Remi et de la Saint-Jean, qui duraient plusieurs jours, et auxquelles on accourait de toute la Champagne et des provinces voisines. La comtesse Marie légua aussi dix livres sur ces mêmes foires.

T. II, p. 326.

P. 335.

T. II, p. 442.

Je passe sous silence d'autres priviléges accordés par les comtes de Champagne, surtout par Thibault III, devenu roi de Navarre.

En 1147, Itier III, baron de Toucy, et Nariot de Crux, le jour même de leur départ pour la TerreSainte, réunirent, dans le château de Toucy plusieurs abbés, pour faire en leur faveur des legs pieux. On y remarque Gaufride, abbé des Roches, Richard, abbé de Challuel, Rainaud, archidiacre d'Auxerre Gaufride - Capelle, chantre, Etienne, trésorier, Bernard, archiprêtre, Boniface, Guérin et Germain, moines. On remarque parmi les legs de ces seigneurs une permission donnée aux religieux de Pontigny de conduire leurs porcs dans tous leurs bois. En 1218, Itier V, autre baron de Toucy, leur accorda la permission de pêcher dans la partie de l'Yonne qui lui appartenait auprès d'Auxerre. C'étaient alors les. croisades, ces impulsions religieuses et guerrières qui soulevaient l'Europe contre l'Orient pour délivrer la Terre-Sainte des mains des infidèles.

A la même époque, on trouve plusieurs donations. importantes: Jobert de Chailley, Guibert du château Guitton et Itier, ses frères, donnèrent un usage dans leurs bois et leurs prairies. Guibert donna une partie du bois de Saint-Pierre (1146). Henri, évêque de Troyes, Pierre, abbé de Saint-Pierre d'Alnay, Guillaume, abbé de Saint-Martin de Troyes, Evrard, abbé de Saint-Loup, aussi de Troyes, Manassès, archidiacre, Otran et Gauthier, dit BotteSacrée, assistèrent à cette donation.

La même année, Guillaume d'Anière, fils d'Ulric T. III, p. 9. de Ligny, se transporta à Régennes, auprès de l'é

vêque d'Auxerre, pour approuver les donations de son père et de sa mère dans la terre de Roncenay, auprès de Sainte-Porcaire, vers le champ de Saint-Martin (1) en-deçà de l'eau, et dans tout ce qui relevait de Hugues, dit la Main-au-Sac. L'abbé Guichard, Gaultier-le-Chauve, Gaultier de SaintSidroine et Garnier, tous moines de Pontigny, Etienne d'Appoigny et autres, furent témoins de la ratification de Guillaume.

Jean, dit Macaire, gentilhomme (2) de Ligny pria l'abbé de Pontigny de recevoir son fils au nombre des moines, et de l'admettre aux saints ordres aussitôt qu'il aurait atteint l'âge prescrit par les canons. Il donna, à cet effet, tout son patrimoine, tant en bois qu'en prés, en terres cultivées et en terres incultes. Il abandonna également tout ce qui était de sa mouvance. Cette donation eut lieu en 1150 à la grange du Beugnon, avec l'approbation de Agnès, épouse de Jean, et en présence d'Etienne, abbé de Regny, d'Etienne, prieur, d'Arnauld, moine, de Hunbault, curé de Montigny, d'Itier, prévôt de Ligny, et d'Etienne de Lindry.

(1) On nommait ainsi la plaine qu'arrose le Serain, près des Baudières. Aujourd'hui on appelle cette même contrée les prés de la Chapelle, d'une chapelle de saint Martin, qui paraît remonter au temps où les reliques de ce saint furent portées à Chablis, vers l'an 877.

Saint Martin fut le premier patron de Saint-Florentin. Il était représenté à cheval, sur l'une des portes de la ville. Il est aussi le patron de Chichy et de Bonnart. Le long séjour de ses reliques dans nos pays avait inspiré à nos pères une dévotion particulière pour ce grand saint, dont ils célébraient la fête par des veilles et des réjouissances, qui dégénéraient souvent en désordre.

(2) Domicellus de Lenniaco.

T. III, p. 12.

PI 358.

En 1177, Lescelin de Molomme donna ses biens de Chailley à Dieu et à la bienheureuse vierge Marie de Pontigny, pour le salut de son âme. Girard Berenger et Richer, dit le Veau, abandonnèrent ce qu'ils possédaient dans la forêt d'Othe, depuis Cérilly jusqu'à Séant. Thibault Plie-le-Pied donna aussi ses biens de Chailley; Gosbert-le-Grand donna un usage dans ses bois de Sainte-Marie en 1161.

L'abbaye de Pontigny donna alors des preuves de sa charité en recevant généreusement ceux qui étaient persécutés pour la foi. Saint Thomas, archevêque de Cantorbéry et primat d'Angleterre, exilé pour la cause de la religion, s'y retira en 1164. L'abbé Guichard alla le recevoir à Sens, où était le pape Alexandre III. Le saint archevêque ne vouluț point quitter Sens qu'il n'eût un habit de moine, béni de la main du pape. Pour satisfaire son humilité, on lui en remit un de grosse étoffe de laine crue, pareille à celle dont se servaient les moines de Pontigny.

Le roi d'Angleterre, irrité de la bonne réception que l'on avait faite à saint Thomas, bannit de ses états tous ceux qui avaient quelques liaisons avec lui, et fit promettre, avec serment, à tous ceux qui avaient atteint l'âge de raison, d'aller rejoindre l'archevêque, afin que la vue et les larmes de tant de malheureux l'accablassent de douleur. Les, exilés. arrivèrent par troupes à Pontigny; tous furent accueillis avec un égal empressement, en sorte que plusieurs se trouvèrent mieux dans le lieu de leur exil que dans leur patrie. Cette persécution fut pour eux une sorte de triomphe. Heureuse la vie de ceux

dans la personne desquels tout homme de bien se croit atteint, et des actions desquels les saints de la terre se rendent solidaires!

Saint Thomas regarda le monastère de Pontigny, où l'on suivait la règle austère de Citeaux, non comme un lieu d'exil, mais comme une retraite délicieuse et une école de pénitence, où il trouvait les moyens d'expier ses péchés. Il se soumit à toutes les observances de la communauté, s'assujettit même avec joie à remplir les fonctions les plus abjectes et les plus humiliantes. Il portait continuellement le cilice, prenait de fréquentes disciplines: comme on le servait à table selon son rang, il commanda au religieux qui avait soin de lui, d'apporter secrètement une portion de la communauté, dont il faisait son repas c'était le plus souvent des légumes secs et insipides. Sa santé ne put tenir avec un régime aussi sévère, il tomba malade et fut obligé -de revenir à des alimens plus convenables.

Tandis que saint Thomas donnait à Pontigny l'exemple de toutes les vertus, le roi d'Angleterre menaça de chasser de ses états tous les religieux de l'ordre de Cîteaux, si l'abbaye de Pontigny ne renvoyait saint Thomas. Ce saint archevêque dit en apprenant cette nouvelle : Je serais bien fàché que l'ordre qui m'a reçu avec tant de charité souffrit quelque préjudice à mon occasion; celui qui nourrit les oiseaux du ciel aura soin de moi et des compagnons de mon exil. Alors il se retira à Sens, dans le monastère de Sainte-Colombe, où il demeura quatre ans. I sortit de Pontigny vers la Saint-Martin, en 1166, après y avoir demeuré deux ans. Comme

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