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T. I, p. 11.

il prenait congé de la communauté, touchée jusqu'aux larmes, il ne put s'empêcher d'en verser lui-même, surtout en voyant ceux qui l'avaient suivi dispersés comme un troupeau sans pasteur. Prenant l'abbé en particulier, il lui raconta ainsi la révélation qu'il avait eue de son futur martyre: « Une nuit que, prosterné devant un autel de l'église de Pontigny, je priais avec larmes, j'entendis une voix qui disait distinctement: Thomas, Thomas, mon Eglise sera glorifiée par votre sang. Qui êtes-vous, Seigneur? ai-je demandé. La même voix répondit: Je suis Jésus-Christ, fils du Dieu vivant votre frère. » En effet, se croyant réconcilié avec le roi d'Angleterre, il rentra dans son église de Cantorbéry, et fut assassiné, dans le chœur même de cette église, par quatre gentilshommes, le 29 décembre 1170.

Guichard, après avoir gouverné l'abbaye de Pontigny pendant vingt-neuf ans, fut élu archevêque de Lyon, en 1165. Cette nouvelle dignité ne diminua rien de son attachement pour l'ordre de Citeaux : il assista au chapitre général tenu en 1170; il fit recevoir parmi les frères Hugues, duc de Bourgogne, principal fondateur de Cîteaux; il se rendit dans cette abbaye lorsqu'on travailla à la canonisation de saint Bernard. Il mourut en 1189, après avoir travaillé dans son diocèse, comme dans l'abbaye de Pontigny, à établir le règne de Dieu. Son corps fut transporté à Pontigny et inhumé dans le chœur, avec une épitaphe latine (1) aussi simple que modeste: « Dom Guichard, archevêque de Lyon, second

(1) Dominus

Guichardus archiepiscopus : Lugdunensis : secundus abbas : hujus : monasterii.

abbé de ce monastère. » Le livre des obits de Pontigny met sa mort au 14 de juillet, et le ménologe de Citeaux place sa fête au 28 du même mois.

GUILLAUME Ier.

GUILLAUME, premier du nom, élu en 1166, ne tint le siége abbatial qu'une année. Les auteurs de la Gaule chrétienne ne font pas mention de lui.

GUÉRIN.

De tous les auteurs qui ont parlé de Guerin (2), T. I, p. 15. il n'en est aucun qui ne se plaise à s'étendre sur les mérites du saint abbé. Son humilité, son onction, ses lumières, la gravité de ses meurs, tout en lui annonçait une sagesse consommée. Il était d'une haute, naissance et très-libéral envers les pauvres. Sa charité ne se lassait jamais; il faisait préparer d'avance pour eux des vêtemens et des vivres, parce que, disait-il, la miséricorde ne doit pas se faire attendre. Il avait lié une étroite amitié avec saint Thomas, pendant son séjour à Pontigny. N'ayant pu le retenir, malgré les menaces du roi, il l'accompagna, avec son abbé, jusqu'à Sens, et

(2) Robert d'Auxerre, Berthaud-le-Célestin, le livre des obits de Pontigny, et le ménologe de Citeaux.

P. 16.

après sa canonisation, il ordonna que sa fête serait célébrée tous les ans à Pontigny.

L'abbaye conservait toujours sa première ferveur. De toutes parts on se détachait du monde pour s'engager dans cette assemblée de religieux que l'on vénérait. Ce n'était pas seulement le simple peuple, mais des hommes recommandables par leur naissance et leurs vertus, qui postulaient l'entrée de la maison. L'idée que l'on avait de l'observance religieuse pratiquée à Pontigny était telle, que les plus parfaits religieux de divers ordres quittaient leur maison de profession, ou leur noviciat, pour embrasser à Pontigny une vie plus parfaite. Tel fut saint Guillaume, religieux de Grandmont en Limousin, et plusieurs novices de la même abbaye, qui vinrent prendre l'habit de l'ordre en 1167.

Saint Guillaume devint, en peu de temps, un modèle accompli de la vie monastique. Il vivait dans une mortification absolue de ses sens; aussi méritat-il d'obtenir de Dieu une admirable pureté de cœur, et le don de prière dans le degré le plus éminent. Il joignait à une merveilleuse simplicité de grandes lumières, qu'il puisait dans la plus sublime oraison. On découvrait à la sérénité de son visage le calme intérieur de son âme, et malgré toutes ses austérités, il ne perdit jamais cette gaîté qui prêté tant de charmes à la vertu. Il était prieur de l'abbaye, lorsque les religieux de Fontaine-Jean l'élurent pour leur abbé. Peu après, il fut obligé de passer dans l'abbaye de Châlis. Enfin, on l'élut archevêque de Bourges. L'obéissance qu'il devait au pape et à ses supérieurs lui firent quitter sa chère solitude en versant des torrens de larmes.

Ce fut pour les religieux de Grandmont que Pierre de Tournay écrivit sa belle épître adressée à Pierre, alors prieur, et depuis abbé de Pontigny, qui commence ainsi : « A Pierre, moine de Pontigny, chéri de Dieu et des hommes, moins grand par sa naissance que par la régularité de sa vie. » Ce fut pour imiter cette grande ferveur des moines de Pontigny, que Drogon quitta l'abbaye de SaintNicaise de Rheims pour venir embrasser tout de nouveau la règle et les statuts de Pontigny. L'abbé Hugues de Macon, l'ayant reçu sans la permission de son abbé, en fut fortement repris par saint Bernard, qui cependant avait une haute idée de la sainteté de Drogon, car il lui écrivit une lettre admirable, dans laquelle il loue son courage à se soumettre à une nouvelle observance. « Le bruit de vos vertus religieuses, et même de votre sainteté, lui dit-il, remplissait toute la ville; on ne croyait pas qu'il fût possible d'arriver plus haut dans la perfection chrétienne, et cependant vous quittez un monastère, seul, comme si vous abandonniez le siècle. Quoique vous soyez déjà épuisé par les œuvres de la pénitence, vous ne rougissez point de vous soumettre tout de nouveau à une observance plus rigoureuse. Nous voyons maintenant en vous, mon cher frère, la vérité de cette parole de l'écriture : L'homme déjà consommé dans la vertu, commencé tout de nouveau à travailler à sa sanctification (1).

(1) Sanctum te ac religiosissimum tota civitas personabat, ita ut nihil tibi addi posse crederetur ex omnibus bonis, et tu velut è secularibus unus monasterium tanquam sæculum deserens, jum attritum Christi sareinâ collum, novæ rur

T. I, p. 9.

T. II, p. 93.

justificatives.

Tels étaient les exemples de sainteté qui brillaient à Pontigny.

Ce fut encore sur l'abbaye de Pontigny que l'évêque de Poitiers jeta les yeux pour mettre la réforme dans l'abbaye du Pin, que son extrême pauvreté avait pour ainsi dire dissoute. Après avoir pris l'avis de son chapitre et celui du pape Alexandre, qui lui avait écrit plusieurs fois à ce sujet, l'évêque de Poitiers remit cette maison à l'abbé de Pontigny, ne croyant pas pouvoir trouver en France un monastère plus capable de relever celui du Pin et d'y faire fleurir la piété. En effet, l'abbé de Pontigny envoya au Pin un prieur et des moines de son abbaye. Cette maison, qui touchait à sa ruine, reprit toute sa régularité, et devint un sujet d'édification pour la ville de Poitiers, dont elle était proche. C'était l'année 1163.

Voyez pièces Le pape Alexandre III adressa deux bulles à Guérin et aux moines de Pontigny, pour les consoler en les prenant sous sa protection car nos pays en étaient venus à un tel point de barbarie, que des religieux, qui n'avaient pour armes que la prière, qui élevaient sans cesse les mains au ciel pour la conversion de leurs persécuteurs, n'étaient pas sans craintes pour leurs fermes et pour la vie de ceux qui les cultivaient. « Il est juste, dit le pape, que le Saint-Siége couvre de sa protection ceux qui embrassent la vie religieuse, de peur que des conseils téméraires ne les détournent de leur

sum observantiis disciplinæ submittere non erubescis! In te nunc, frater, veram probamus illam esse sententiam quá dicitur : cum consummatus fuerit homo tunc incipit.

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